Cet ouvrage a été réalisé par Jean Védrine en 1981 sous le titre : Dossier PG-Rapatriés – 1940-1945 avec pour sous-titre « Recueil de témoignages, d’informations et de commentaires sur les activités, en France, des prisonniers de guerre évadés ou rapatriés avant 1945, dans l’administration PG, l’action sociale PG, la résistance PG ». Ronéoté, ce travail en deux tomes est envoyé alors à des bibliothécaires ou des centres de recherche. Une deuxième édition est réalisée en 1987.

Jean Védrine, en réalisant ce travail, a plusieurs objectifs. Il veut témoigner « du phénomène sociopolitique et économique de la captivité et de l’exil, pendant plusieurs années, de plus d’un million et demi d’hommes, dans la force de l’âge, et ses conséquences pour la communauté nationale et pour les prisonniers eux-mêmes (p. 3)» d’autant qu’à cette époque, les travaux sur la captivité sont à leurs débuts : le livre d’Yves Durand sur La Captivité, histoire des prisonniers de guerre français. 1939-1945, paraît à la fin de l’année 1980. Il veut également casser les légendes courant sur les prisonniers, « les « grandes vacances pour les uns, le bagne et l’épopée héroïque pour les autres » (p. 5) et est éberlué par l’ignorance concernant Vichy. Enfin, il pense que « certaines solutions mises au point à cette époque pouvaient être appliquées à des problèmes actuels » (p. 4). Ce dossier se présente en deux parties.

La captivité et le choc du retour nécessitent des organisations

La première partie (jusqu’à la page 43) explique ce qu’a été la captivité ou plutôt les captivités car elles furent très différentes suivant les lieux, les dates de captivité, les travaux effectués… Elle détaille ensuite « le choc du retour ». Les prisonniers, évadés ou rapatriés, ne connaissent pas la France dans laquelle ils rentrent : la zone libre, la zone occupée, les divisions politiques, les problèmes matériels…et la prise de conscience que les Français ont appris à vivre sans les prisonniers. Jusqu’au mois d’août 1941, les anciens prisonniers de guerre se regroupent spontanément pour s’aider mutuellement dans le domaine matériel, mais aussi pour procurer aux évadés des faux papiers, orienter vers des filières d’évasion. La Direction du service des prisonniers de guerre (DSPG) et le Comité central d’assistance aux PG qui coordonne toutes les actions datent de juillet 1940. En septembre 1941 est créé par Vichy le premier Commissariat aux prisonniers de guerre, administré par d’anciens prisonniers de guerre avec à leur tête Maurice Pinot car ils ne veulent pas être des assistés, qui crée les Maisons du Prisonnier en octobre de la même année. Elles permettent de trouver en un même lieu, pour les prisonniers et leur famille, un conseil juridique et des aides matérielles, mais aussi des informations pour la réintégration et le réemploi. Les prisonniers n’avaient pas à multiplier les démarches, tout y était regroupé. Ces organismes sont actifs en zone libre et en zone occupée. C’est ce modèle des Maisons du prisonnier que Jean Védrine pense réutilisable pour la situation des années 1980. Maurice Pinot est révoqué en janvier 1943, remplacé par André Masson, ancien prisonnier acquis à la politique de collaboration de Laval. L’opposition assez majoritaire des anciens prisonniers à Masson provoque son remplacement, en février 1944 par un gestionnaire, Moreau.
C’est dans ces organismes que naissent les réseaux de Résistance-PG. Au début de l’année 1943, Pinot, révoqué, crée le Rassemblement national des prisonniers de guerre (RNPG) appelé aussi Mouvement Pinot-Mitterrand, et qui est formé d’anciens cadres du Commissariat. Il réunit en fait différents groupes comme le groupe Mauduit dans les Hautes-Alpes qui aide les évadés, le centre d’entraide de l’Allier (Barrois et Mitterrand) qui organisent des filières d’évasion vers l’Espagne. L’action du RNPG, d’abord en zone sud, est financé par l’ORA (organisation de Résistance de l’Armée) et s’étend en zone occupée après le printemps 1943. En mars 1944, le RNPG, reconnu par le Conseil national de la Résistance (Mitterrand s’est rendu à Alger), fusionne avec d’autres mouvements de Résistances prisonniers comme le MRPGD (mouvement de Résistance des prisonniers de guerre et déportés, appelé aussi groupe Charrette, du nom de code de Michel Cailliau, neveu de De Gaulle et organisateur de ce mouvement au Stalag XI B, qu’il prolonge en France) ou comme le Comité national des prisonniers de guerre, (CNPG) communiste, appelé aussi groupe Delarue (nom de code de Robert Paumier). La fusion de ces groupes, déjà réalisée sur le terrain pour les deux premiers, plus difficile avec le CNPG, permet la création du MNPGD (mouvement national des prisonniers de guerre et déportés), qui adhère aux FFI en avril 1944. En mai, Mitterrand est nommé par Alger Secrétaire général correspondant du Ministère des prisonniers chargé d’assurer l’intérim de cette administration entre la libération de Paris et l’arrivée du GPRF à Paris et il devient le président du MNPGD à la Libération. Le MNPGD devient l’organe de coordination des fédérations de prisonniers de guerre, déportés et STO.

L’importance des témoignages

La deuxième partie du livre, l’essentiel du livre, concerne les témoignages. Classés par ordre alphabétique, commençant par Etienne Ader, fondateur des secrétariats de camps et s’achevant par Pierre Verrier, opposant au commissaire Masson et membre de Libération Nord, ces témoignages constituent une source inestimable. Chaque témoin, ancien prisonnier mais aussi femme de prisonnier -car des femmes de prisonniers eurent des responsabilités, comme par exemple Ginette Munier, épouse de Jean Munier, résistante, secrétaire du RNPG, puis du MNPGD – raconte son action parfois longuement, parfois de manière plus brève. Le recoupement de ces témoignages permet de reconstituer les organisations de prisonniers de guerre et également leur résistance.Ls témoignages sont annotés par Johanna Barasz, historienne spécialiste des vichysto-résistants et en facilite grandement la lecture.

Les vichysto-résistants.

Dans la préface de Jean-Pierre Azéma et de Johanna Barasz, des explications complémentaires sur la captivité sont fournies et une mise au point particulièrement claire sur les vichysto-résistants et leur itinéraire complexe est faite : « Authentiques vichystes, ils ont été des soutiens effectifs de l’Etat français. Par leurs discours et/ou leurs actes, ils ont approuvé et défendu non seulement la personne du maréchal Pétain, mais aussi le régime, l’idéologie et les principes qui le sous-tendaient. Membres des institutions mises en place par Vichy, au service de l’Etat français, ou propagandistes volontaires de la Révolution nationale, ils ont choisi et accepté de mettre en oeuvre, d’appliquer ou de plaider en faveur des politiques définies par le gouvernement de Vichy. Incontestablement résistants, ils se sont engagés et donné les moyens de la lutte contre l’occupant. » (p. XI). Tous les témoins de ce livre n’ont pas été vichysto-résistants, mais tous ont eu un parcours remarquable et le plus souvent méconnu, dont l’évolution est replacée dans un contexte plus large par la préface.

Hubert Védrine, le fils de Jean Védrine, a voulu faire éditer ce travail historique considérable : par devoir filial et admiration pour son père, mais également parce que cet ouvrage, à la fois recueil de sources et livre d’histoire, doit circuler. Il permet une meilleure connaissance des prisonniers de guerre, des organisations pour les prisonniers en France pendant l’Occupation, et de leurs mouvements de Résistance. Il est utilisable en cours pour fournir des exemples de vichysto-résistants et nuancer encore l’étude de la France durant la Seconde Guerre mondiale.