Philippe Richardot est un spécialiste des questions militaires. Il a écrit de nombreux ouvrages sur des thèmes aussi variés que l’armée romaine, la pensée militaire médiévale ou la Deuxième Guerre mondiale. Il est également membre de nombreux organismes, dont la Commission Française d’Histoire Militaire.
Dans cet ouvrage il mène une étude globale de la machine de guerre nazie, dans toutes ses composantes : le haut-commandement, les diverses armées, la waffen SS et les matériels utilisés. Ceci permet de mieux comprendre les raisons de l’échec d’un outil militaire qui apparaissait comme invincible après les premiers succès de la Blitzkrieg.
Pour autant, la poursuite de cette blitzkrieg était largement liée à des prélèvements massifs sur les territoires conquis, où, pour les campagnes de Pologne et de France à des importations massives de matières premières d’Union soviétique en application du pacte germano-soviétique du 23 août 1939.

La soumission du haut-commandement

La première partie de l’ouvrage s’attache à analyser le fonctionnement du haut-commandement allemand. L’auteur montre, comment, en se justifiant par ses bons choix stratégiques dans les crises des années 30, et dans l’adoption du pan Manstein pour la campagne de 1940, Hitler prend une part croissante dans le processus de décision. Une attitude qui se renforce avec le déclenchement de Barbarossa et l’ordre de ne pas reculer de décembre 1941 qui permet d’endiguer la contre-offensive russe.
P Richardot met ainsi en évidence, la manière dont Hitler interfère dans les affaires militaires, avec de plus en plus d’autorité et un refus croissant d’accepter la réalité au fur et à mesure que les défaites se succèdent. L’auteur analyse les principales décisions prises par Hitler, en particulier les plus discutées, ce qui permet de les replacer dans leur contexte et d’en apprécier la portée.
La présentation des multiples organes de commandement, dont les compétences se chevauchent souvent, mais tous avec un rapport particulier à Hitler, permet de montrer que le domaine militaire n’échappe pas à la logique de fonctionnement des nombreuses organismes du III° Reich..
La question de la résistance des militaires allemands à Hitler est également évoquée. Depuis les années d’avant-guerre comme à travers le complot aboutissant à l’attentat du 20 juillet 1944. Une résistance qui est certes dangereuse, mais limitée à des cercles conservateurs incapables de percevoir la réalité de l’évolution du conflit.
Enfin, une biographie des principaux dirigeants militaires et de leur rôle lors de la guerre clôt cette partie de l’ouvrage.

Des forces armées à l’équipement sophistiqué…

La partie centrale de l’ouvrage est consacrée à l’étude successive des différentes composantes des forces armées (Heer, Kriegsmarine, Luftwaffe). Les contingents étrangers (LVF, Azul etc.) font aussi l’objet d’un chapitre dans cette partie
On trouve ainsi, pour chacune, une présentation du processus aboutissant au développement ou à la création de cette composante dans les années d’entre-deux-guerres. Le réarmement hitlérien bénéficie des effets des bases existantes dans la Reichswwehr qui sert de cadre à la nouvelle armée de terre. Le développement de la Luftwaffe doit tout aux nazis et à Goering, cela fait de celle-ci un des corps les plus nazifié. Le régime hitlérien se montre cependant incapable de se doter d’une aviation stratégique ou d’une flotte pouvant lui permettant de mener une guerre mondiale.
Les principales opérations militaires sont ensuite rappelées pour mieux mettre en valeur ce qui fait la spécificité de la machine de guerre allemande : une armée bâtie pour une guerre courte, capable d’acquérir une supériorité tactique sur pratiquement tous les fronts, mais pas préparée à une guerre longue. Des forces armées dont l’organisation tout au long du conflit évolue, mais reste marquée par la concurrence entre les différentes armes, et une débauche d’énergie dans la production de matériels performants. Ces chars, avions, sous-marins, fusées, sans équivalents chez les autres belligérants, mais dont la trop grande sophistication et l’absence de standardisation entraînent aussi des problèmes pour une économie qui tarde trop à passer en économie de guerre.

… mais pas préparées à une guerre longue

De nombreux tableaux de données appuient cette étude : productions, performances des matériels, organisation des unités etc. Des témoignages viennent également donner le point de vue des acteurs, allemands ou alliés, manifestement l’auteur cherche à être le plus exhaustif possible.
Le comportement de l’armée allemande en tant que force d’occupation est cependant peu traité, ce qui surprend au regard de la place accordée aux contingents étrangers dont le rôle militaire reste largement marginal.

Une guerre qui mobilise au-delà de l’armée régulière.
La dernière partie de l’ouvrage, qui est malheureusement aussi la plus courte, est scindée en 3 chapitres : sur la Waffen SS, sur l’organisation du travail et la mobilisation de masse, et sur l’économie de guerre. Cette partie se révèle la plus décevante au regard du sous-titre de l’ouvrage. L’auteur présente ici un certain nombre de généralités mais la complexité des relations entre les différentes branches de l’appareil économique, le rôle de Speer, des industriels, auraient gagné à être développés pour équilibrer l’ouvrage.

En conclusion

Au final, un ouvrage qui aborde de nombreux points, mais de manière trop inégale. On peut ainsi regretter que l’ouvrage privilégie une approche trop centrée sur les opérations et matériels au détriment des relations entre les différentes armes et du coup il ne met pas assez en valeur la mobilisation de tout un état dans le cadre d’une guerre totale.
La recherche de l’exhaustivité a conduit l’auteur à fournir de nombreux documents pour étayer ses propos. Le choix de ceux-ci surprend parfois, alternant témoignages et données statistiques. Le choix du dernier communiqué du haut-commandement de la Whermacht pour clore l’ouvrage en est un exemple.
Par la richesse de sa documentation, cet ouvrage est cependant à conseiller à celui qui veut avoir une vision d’ensemble des stratégies, du fonctionnement et de l’équipement des forces armées allemandes durant la Seconde Guerre mondiale.