Cet ouvrage collectif dirigé par un sociologue et un enseignant de STAPS est le produit d’un colloque organisé par le GEPECS (Groupe d’Étude pour l’Europe de la Culture et de la Solidarité) qui a eu lieu à Paris le 21 et 22 juin 2012. Il vise à répondre à un questionnement dans l’air du temps sur la relation global-Local : quelle interpénétration des cultures locales à l’heure de la mondialisation dans le domaine du sport comme pratique et comme spectacle. Si la diffusion des activités sportives est depuis long temps planétaire, les médias sont aujourd’hui au centre du rapport entre le local et le global. Peut-on parler d’uniformisation des pratiques. Les cultures sportives sont-elles semblables? Peut-on observer des réappropriations locales voire des rejets?
A partir de l’exemple de plusieurs sports le livre traite des rapports entre le local et le global, entre pratiques et cultures sportives en utilisant des analyses sociologiques, anthropologiques et historiques. Trois parties pour aborder le sujet: dimension culturelle, dynamiques de diffusion, impact de la globalisation sur la construction des identités locales.

Le sport , un produit cultural globalisé

Pour Richard Giulianotti le sport est un élément ancien des relations entre les différentes parties du monde. la diffusion transnationale d’un sport, souvent né au XIXème siècle et d’origine britannique comme le football, est décrit à partir des textes de Roland Robertson Globalization Social Théory and Global Culture, Londres,Sage, 1992 qui mettent en évidence une identité masculine, une diffusion depuis les élites vers les classes populaires et les populations locales en lien avec le mouvement de colonisation mais aussi à travers les grandes compétitions internationales J.O. modernes en 1896 et un lieu d’expression des minorités. Le chapitre interroge la notion d’homogénéisation souvent liée à la globalisation et analyse les limites de l’américanisation dans le domaine sportif. Il montre les formes d’hétérogénéisation , adaptation des règles ou des pratiques à la coutume locale donnant naissance à des cultures sportives hybrides intégrant des sports régionaux. L’auteur analyse les facettes politico-économiques du sport mondial : place des États-nations (accueil des grandes compétitions, équipes nationales; lutte des minorités pour participer, place du système économique mondial (marketing mondial de quelques grands clubs comme Manchester United ou les Chicago bulls, droits de retransmission, hyper marchandisation de certains sports).

Peut-on parler de référentiel commun s’interroge Pierre Parlebas ? Existe-t-il une culture sportive homogène : mêmes activités, mêmes techniques, même équipement? L’auteur tente une définition de sport : activité ludocorporelle hiérarchisée entre pratique amateur et compétition de haut niveau. Les sports sont ainsi considérés en fonction de leur niveau institutionnalisation et des valeurs associées.

Pierre Bordes, Thierry Lesage et Marie Level analysent les jeux de rue, adaptation d’un sport collectif codifié aux pratiques de l’espace urbain qui se diffusent d’un continent à l’autre : « désportisation » comme exemple de la globalisation. Ou comment une « dérégulation » locale d’un sport mondialisé permet une réappropriation de l’espace, la réinvention d’une pratique, un nouveau rapport entre les joueurs, une métamorphose que les auteurs comparent à la créolisation du langage.

Dynamiques de la diffusion du sport

Bertrand During présente une histoire de la diffusion de la gymnastique en France à partir de divers modèles européens: la Suède, perception scientifique et visée corrective, conception naturaliste des pays du Sud, force et endurance du modèle allemand et valeurs collectives et citoyennes, s’affronter en se respectant, développées dans les collèges anglais.

Ludovic Tenèze et Hélène Joncheray proposent une réflexion sur l’universalisme des lois du jeu de football et la singularité de l’interprétation des règles depuis 150 ans. L’exemple choisi permet de poser la question de l’uniformisation apparente d’un sport qualifié de « mondialisé ». Ce sport pratiqué partout est en même temps un jeu aux pratiques locales dans le temps et l’espace. Les auteurs analysent d’abord la création et les modes de diffusion jusqu’à la F.I.F.A. puis la flexibilité des règles qui autorisent des pratiques locales et font de l’arbitre lr maître de la partie.

Isabelle Rémy se penche sur la diffusion des pratiques sportives dans deux communes de la ceinture parisienne : St Denis et Neuilly. Pour aborder les enjeux socio-économiques elle analyse l’influence du politique entre action de l’État et pouvoir local sur une longue période. On perçoit à la fois l’évolution historique et les différences sociologiques et- politiques.

Rémy Richard retrace les évolutions d’un sport récent, très vite diffusé à l’échelle mondiale: le foot-fauteuil, ce qui permet d’analyser les mécanismes d’internationalisation d’un sport. Depuis Lyon vers la France, l’Europe et le monde même si celui-ci est réduit du fait de l’usage du fauteuil électrique l’auteur montre comment s’est peu à peu construit un système de règles qui en retour sont venues modifier les pratiques locales françaises.

Appropriations locales des cultures sportives

Le basket français à l’heure de la mondialisation : Fanny Martin interroge la médiatisation accrue de ce sport à l’heure d’internet et les pratiques langagières des journalistes sportifs et commentateurs. Elle analyse aussi les pratiques linguistiques des basketteurs amateurs comme professionnels en France entre précision technique empruntant à l’américain et usage du français pour se faire comprendre. On trouve en particulier une étonnante transcription des paroles d’un entraîneur.

Le judo, activité physique japonaise, est devenu un sport mondial, global donc mais on parle d’une « école française » de judo. Stéphane Carpentier, lui-même judoka, analyse quelques faits de l’adaptation – acculturation autour de ce sport : utilisation des ceintures de couleurs lors de l’introduction en Europe pour s’adapter à la culture de progrès, utilisation du salut où en France coexistent les marques japonaises et françaises issues de la lutte, phénomène de diffusion du judo dans des pays où préexistent des formes proches de la lutte mais aussi apparition de techniques propres que l’auteur qualifie d’assimilation.
La globalisation comme discipline olympique amène à des transformations: apparition des kimonos bleus pour différencier les judokas lors des retransmissions à la télévision.
L’auteur aborde d’autres aspects : naissance d’une « identité » au sein du club, existence d’une culture supranationale autour des katas, lexique commun. Il conclut sur une matrice commune mondialisée mais des déclinaisons nationales, locales.

David Sudre et Matthieu Genty analysent l’effet NBA sur le basket francilien. La diffusion du modèle américain par la télévision et internet a une double conséquence : la faible visibilité du basket hexagonal et une influence croissante sur les jeunes joueurs de la culture hip-hop : mode vestimentaire, style de jeu, comportement individualiste sur le terrain aux dépens du jeu collectif. Les auteurs décrivent une véritable opposition de valeurs entre « hip-hop-ball » et basket européen institutionnel ce qui pose la question du devenir du basket français.

Dans les départements ultramarins comment les populations locales réagissent-elles à l’importation de la culture métropolitaine des sports aquatiques? Cette question est l’occasion pour Mary Shirrer de revenir sur le fait sportif à La Réunion : pratique coloniale, facteur d’assimilation voire de déculturation, les pratiques aquatiques n’ont rien de traditionnel, l’eau y est même perçu comme hostile. Le développement de la natation est analysé à travers trois exemples qui montrent les métissages culturels à l’œuvre et les références identitaires.

Le questionnement central de ce livre : globalisation et ses limites locales pourrait être utilisé avec intérêt pour d’autres faits : uniformisation alimentaires, culture informatiques etc…