Julien Dossier est enseignant à HEC, conseiller en stratégie de transition écologique de la ville durable.

L’auteur aborde d’idée d’effondrement, très présente dans les médias depuis quelques semaines liée à la destruction de la biodiversité. Son propos n’est pas un catastrophisme démobilisateur mais au contraire de montrer qu’il existe des solutions, de proposer une feuille de route en 24 chantiers pour une transition écologique et sociétale.

L’introduction présente la jeune et médiatique suédoise Greta Thunberg et la grève pour le climat qu’ont suivi certains de nos élèves. L’auteur reprend le slogan à la mode dans les manifestations : ne pas opposer fin de mois et fin du monde pour rappeler que la crise actuelle n’est pas seulement celle de la nature, du carbone de l’air mais aussi une crise sociale. Il présente le fil rouge de son ouvrage, partir de l’idée de renaissance exprimée dans la frise d’Ambrogio Lorenzetti1 peinte en 1338 : Effets du bon et du mauvais gouvernement ».

Prologue

C’est d’abord un état des lieux : démographie, réussites technologiques de la société « thermo-industrielle fondée sur l’exploitation des énergies fossiles mais aussi changement climatique, déclin de la biodiversité, course effrénée à la consommation sur tous les continents, faillite morale que constitue l’esclavage moderne.

L’auteur rappelle les mise en garde des scientifiques, notamment du GIEC et l’émergence du concept d’effondrement selon la définition d’Yves Cochet2 : « processus à l’issue duquel des besoins de base (eau, alimentation, logement, habillement, énergie…) ne sont plus fournis – à un coût raisonnable – à une majorité de la population par des services encadrés par la loi ».

Partant du constat qu’il n’y a pas de fuite possible, pas d’autarcie locale, individualiste envisageable il invite à penser la mobilisation, à imaginer des solutions notamment pour les villes, ce qu’il enseigne à HEC.

La fresque de Lorenzetti : composer avec le passé

L’auteur décrit Sienne au XIVe siècle, les querelles politiques et l’écart entre riches et pauvres, contexte de la réalisation de l’œuvre de Lorenzetti3

qui donne à voir les principes d’un bon gouvernement. Julien Dossier fait une analyse précise de sa signification , du message délivré à une population largement analphabète et en propose une lecture systémique avant d’envisager des leçons pour aujourd’hui : diversité des hommes, interdépendance, 24 termes mis en évidence dans un schéma présent sur la jaquette du livre comme les 24 chantiers annoncés dans le sous-titre.

La fresque contemporaine

Ce second chapitre commence par un tableau4 mettant en relation la représentation initiale de Lorenzetti – le mot et la représentation contemporaine. Par exemple :

Tisserands ; potiers à ‘ouvrage et leurs fournisseurs

industrie

PME, machines à commandes numériques, petit camion de livraison
Deux cavaliers entrent en ville sur un cheval, un fauconnier renseigne un piéton qui l’interroge

collaboration

Une plateforme de covoiturage et une gare multimodale de tram (fret et passagers symbolisent le partage des ressources et des connaissances)

 

 

 

L’auteur s’interroge sur comment représenter cette fresque aujourd’hui sans en fausser le sens. Sa réalisation a commencé en 2015.

Est-elle utilisable en des lieux différents et des publics divers ? Il raconte les présentations successives dans des réunions.

Comment aborder la question de l’évolution vers l’après-pétrole ? Partant de comparaison de photographies passées et présentes peut-on imaginer cette transition ? L’exemple donné5 semble tout à fait transposable en classe6.

La fresque elle-même a un potentiel pédagogique7.

L’auteur montre sa dimension territoriale à propos de projets villes durables (Versailles, Les Mureaux, Jouy-en-Josas), il décrit la méthode d’apprpriation par les habitants et les politiques (Amiens, Troyes, Grande-Synthe) et met en évidence l’importance de l’approche systémique et la valeur citoyenne de la démarche.

Alors, chiche ?

Imaginer comment mettre en œuvre, assurer la formation continue des décideurs pour changer de trajectoire ; l’auteur part de l’exemple de l’automobile pour montrer l’ampleur des modifications nécessaire pour transformer la mobilité des hommes, de la crise actuelle de la voiture (la colère des gilets jaunes en est un bon exemple) à un programme de transition, étape par étape, développé en détail, illustré d’exemples précis et localisés. Il propose un calcul simple pour choisir le mode de transport le plus adapté : ressources x km / nombre de passagers.

L’auteur décline la méthode pour engager la transition en trois phases : amorçage, déploiement, consolidation, illustrées et définies dans le temps.

Reste à définir le cadre politique et social de la mise en œuvre, réflexion dur le poids de la publicité, des lobbies et sur la nécessaire participation citoyenne. Comment minimiser les biais cognitifs, accompagner les changements d’usages ? Comment rassembler pour agir loin « des déclinistes bileux et des connaissancistes invétérés 8» ? L’auteur prend ici comme exemple le domaine agronomique entre « magiciens » et « prophètes »9. Comment concilier responsabilité individuelle et collective pour organiser la gestion des biens communs ?

La conclusion est contenue dans sa première phrase10 : «  L’heure est grave ? Et alors ? Mettons-nous au travail, retroussons-nous les manches et relevons le défi de la Renaissance écologique ! Chiche ! ».

 

Voilà un hymne à l’espoir, des pistes de réflexion utiles à chaque citoyen, décideur, enseignant qui en préparant ses élèves a une vraie responsabilité dans un dialogue ouvert avec les jeunes.

______________________________

2Cité p. 33

4 pp. 70-71

5 l’auteur cite les travaux de Vincent Piveteau (p .81) : « Le Paysage, défi pour les politiques énergétiques », Revue politique et parlementaire, n) 1073-1074, 2014, http://perma.cc/NJW4-M8U9

6 Pour les plus jeunes voir Jessie Magana (texte), Magali Attiogbé (illustratrice), Rue des Quatre-vents, au fil des migrations, Les éditions des Eléphants, 2018

Plus anciens mais toujours utiles à l’Ecole des Loisirs de Jörg Müller (illustration, texte) : Ronde annuelle des marteaux-piqueurs ou La mutation d’un paysage, (1974) et La pelle mécanique ou la mutation d’une ville (1979)

7 Voir pp. 85-88

8 p. 117

9 p. 148

10 p. 182