La revue Géopolitique Africaine, découverte au Festival de géopolitique de Grenoble, se présente, depuis 15 ans, comme un instrument de la réflexion africaine sur l’intégration politique, économique, sociale et culturelle du continent.
Un certain nombre d’articles sont accessibles en ligne sur inscription : www.geopolitique-africaine.co.
Des auteurs africains ou non proposent des articles d’une dizaines de pages généraux ou consacrés à des enjeux régionaux, des articles plus courts pour la partie perspectives et débats. Notes de lectures et bibliographie compètent chaque volume.

Le numéro 55 a pour titre Les chantiers de l’avenir

Pistes pour l’avenir

12 articles pour cette première partie générale.

Dans un entretien l’ancien ministre Philippe Douste-Blazy, aujourd’hui conseiller spécial auprès de Ban Ki Moon, s’exprime sur le financement de l’aide au développement. Après quelques chiffres clés : 124 milliards de dollars, bien insuffisants pour une aide à penser sur le long terme, à augmenter et à mieux dépenser. Il développe rapidement l’exemple du financement d’Unitaid 1 euro par billet d’avion soit moins que le prix d’un café – pour combattre, essentiellement en Afrique, le sida, la tuberculose, le paludisme, à la fois un échec et un succès. Un échec parce qu’il n’y a que 16 pays sur 194 qui ont accepté de mettre en place le système, un succès car ce sont 2,5 milliards de dollars qui ont été récoltés. Il montre qu’on pourrait généraliser ce principe sur d’autres produits, une taxe dérisoire sur le baril de pétrole ou la livre d’uranium produirait des financements importants pour l’aide au développement.

Pour Nicolas Baverez l’Afrique est au seuil des « Trente Glorieuses ». Chantre du libéralisme et de la mondialisation il y voit la seule solution pour un décollage de l’Afrique. Pour lui il existe six facteurs favorables : la démographie, la diversification économique (matières premières, agriculture, tourisme), une croissance endogène tirée par un secteur privé créateur de 90% des emplois et le développement rapide du numérique sur le continent. des efforts doivent être maintenus : l’intégration de la jeunesse urbaine, la qualité de l’urbanisation, le développement du système bancaire et la sécurité.

Le Congolais Laurent Tengo affirme que l' »Agenda 2063″ est une utopie raisonnable. Les choix de planification offrent une vision à long terme indispensable dans le remodelage de la scène internationale depuis la fin de la guerre froide. Une volonté d’exploiter les ressources du continent pour tous les Africains, ce slogan est réaffirmé en 2015 dans le cadre de l’OUA. Les états s’engagent en termes opérationnels dans les domaines démographiques, de la gestion des ressources naturelles, de la paix (Faire de 2020 une année de silence des armes) et à relancer le panafricanisme et la bonne gouvernance. Des menaces demeurent : le terrorisme et le financement du développement.

Alioune Sall, sociologue, s’interroge en spécialiste sur une possible prospective en Afrique. C’est pour lui, malgré les difficultés liées à l’instabilité politique, un exercice « d’hygiène sociale ». Pourtant il critique l' »Agenda 2063″, trop normatif et ne faisant pas assez de place à une démarche exploratoire des possibles. Il tente une synthèse des scenarii existants, il en analyse les points forts et les faiblesses avec deux focus sur les intégrismes et sur le rôle des femmes.

L’ancien ambassadeur de France Henri Beaumont traite du pétrole dont l’extraction est aujourd’hui un moteur du développement. Il présente un tableau par pays.

Mabingué Ngom, spécialiste sénégalais des politiques publiques analyse le potentiel démographique du continent, les situations démographiques diverses. La question est, selon lui, à aborder pays par pays par exemple en ce qui concerne les migrations mais aussi le défi des mégalopoles, le poids de la jeunesse, la question de l’emploi et de l’éducation.

Francis Laloupo, journaliste béninois part de l’intervention occidentale en Libye et de la position de l’OUA dans cette crise pour montrer les faiblesses d’une diplomatie africaine. Il en décrit quelques tentatives comme le concept de « Renaissance africaine » et le renforcement des institutions régionales.

C’est un autre journaliste Thomas Hofnung qui met en débat les interventions militaires françaises depuis 2012. En quelques lignes il rappelle les opérations Serval, Sangaris et Barkhane et fait un parallèle avec les efforts des états africains pour mettre sur pied une force africaine d’intervention. Il analyse l’actuelle situation au Nigeria face à Boko Haram. Il évoque les limites d’une action concertée de l’UA perçue comme intrusive par certains états au même titre qu’une intervention européenne.

La question stratégique permet au Camerounais Germain-Hervé Mbia Yebega de revenir sur les interventions occidentales sur le continent depuis les indépendances depuis 1961 – Bizerte. Plus de 50 ans de crises, d’interventions françaises reflètent les relations complexes de la France avec ses anciennes colonies. Son analyse porte sur le contexte des interventions, l’évolution dans le temps et les perspectives.

Eugène Berg, lui aussi ancien ambassadeur, aborde un sujet qui pourrait déboucher sur de futurs conflits : l’eau. Il s’interroge sur les réserves hydriques frontalières, fait le constat d’une inégale répartition des ressources aggravée par les aléas climatiques. Il définit trois zones : les déserts peu peuplés mais que l’économie extractive peut transformer en zone de besoin, une Afrique équatoriale riche en eau et une Afrique peuplée et menacée par une saison des pluies variable (Sahel, Mozambique). L’auteur évoque des situations tendues : Egypte/Ethiopie, Sénégal/Mauritanie, positions dominantes de la RDC, de la Guinée ou du Lesotho et la mise en place d’organismes de gestion des bassins transfrontaliers. voir à ce sujet : Festival de géopolitique de Grenoble 2016
Christian Metz : « L’eau et le feu : Conflit ou coopération autour de l’or bleu en Afrique » [http://www.clionautes.org/spip.php?page=article&id_article=3628->http://www.clionautes.org/spip.php?page=article&id_article=3628
]

L’historien Loïc Batel traite du grand défi des villes. Prudent sur les chiffres et le prolongement des courbes il rappelle que la croissance urbaine est une réalité qui pourrait être au cœur du changement de gouvernance, d’apprentissage du vivre ensemble et de la gestion des ressources. Il analyse la ville africaine comme point de fragilité: bidonvilles, dépendance de l’agriculture périurbaine, difficulté à produire des terrains pour l’habitat et point d’ancrage : main-d’œuvre jeune et dynamique. Un défi : face à la diversité ethnique et sociale comment faire de la ville un lieu de sécurité et d’unité ? cet article est disponible en ligne : [http://www.geopolitique-africaine.com/le-grand-defi-des-villes-africaines_1999002.html->http://www.geopolitique-africaine.com/le-grand-defi-des-villes-africaines_1999002.html]

Alain Kiyindou, spécialiste des technologies de la communication à l’Université de Bordeaux, fait le point sur l’accès au numérique en Afrique : une forte croissance depuis 2005 malgré la faiblesse des infrastructures. Il évoque des usages innovants comme le système de paiement par téléphone mobile M-Pesa au Kenya

Enjeux régionaux

Cinq courts articles.

Rafaâ Tabib, Tunisien, revient sur les conséquences de la dislocation de l’État libyen : trafic d’armes, insécurité croissante des états voisins, émergence de la puissance des milices tribales ou islamistes.

Gérard Prunier traite des risques d’orages dans la région des Grands lacs : situation au Burundi avec la réélection de Pierre Nkurunziza, la démocratie « encadrée » de Paul Kagame au Rwanda, les abus d’autorité du président Museveni en Ouganda. On peut s’étonner de l’absence de la question du Kivu en RDC.

Ayache Khellaf décrit l’approche marocaine de planification du développement: amélioration du niveau de vie et prise en compte de la société civile.

Sabine Cessou analyse la montée de Boko Haram sur fond de misère au Nord Nigeria.

Benoît Miribel explore les enjeux des épidémies à partir du cas Ebola.

Perspectives et débats

Cinq courtes contributions.

Felwine Sarr propose de penser autrement l’avenir de l’Afrique.

Alden Young montre que l’Amérique hésite entre afro-optimisme et afro-pessimisme. Il propose de resituer ce continent dans l’histoire mondiale et montre le regain d’intérêt des universités américaines.

Dorcy Rugamba, artiste rwandais, explique son projet dans l’écirure de sa pièce « Bloody Niggers », relecture du passé, de la colonisation, du génocide .

Francis Akindès replace la pensée africaine entre différentes directions : poids du passé, panafricanisme, désespoir de la jeunesse exprimé par la musique. Il milite pour le développement de recherches pour comprendre les dynamiques à l’œuvre dans les sociétés africaines en pleine mutation.

Boniface Mongo-Mboussa ou quand les manifestations artistiques vont d’une Afrique fantôme à une Afrique fantasmée.