On ne présente plus la richesse de la collection des atlas Autrement dont beaucoup ont déjà fait l’objet de recensions chez les Clionautes. La 3° éditionpour l’édition de 2014 de cet atlas du monde hellénistique est le fruit de la collaboration entre l’historienne Laurianne Martinez-Sève, professeure à Lille-3 et spécialiste du Proche-Orient hellénistique et de la cartographe Madeleine Benoit-Guyod.

Le sujet est vaste, aussi bien par la longueur de la période étudiée (3 siècles) que par la diversité des lieux et situations. Le plan choisi permet cependant au lecteur de se situer facilement dans l’espace et le temps. L’introduction pose la problématique des sources dont disposent les historiens pour travailler sur cette période. Après avoir rappelé en deux chapitres le déroulement des conquêtes d’Alexandre et l’évolution générale du monde hellénistique, les chapitres suivants traitent d’espaces spécifiques : les Séleucides et leurs voisins, les Lagides, le monde égéen et le monde occidental d’où surgit Rome. Chacune des parties comprend de nombreuses cartes, tandis qu’un verbatim complète chaque double page. A la fin de l’ouvrage se trouvent des tableaux dynastiques qui sont fort utiles vu la complexité des situations.

Le monde hellénistique : origine et évolution

Le premier chapitre rappelle le rôle joué par Alexandre dans la formation du monde hellénistique. Les auteures nous rappellent donc rapidement l’état de la puissance macédonienne au moment de l’avènement d’Alexandre. Une puissance égéenne qui vient d’établir sa domination sur les cités grecques. Les étapes successives des conquêtes d’Alexandre sont abordées par zone géographique. Celle de l’Asie mineure entamée par la victoire du Granique (-334) et parachevée par celle d’Issos (-333). Entre ces deux grands affrontements, les sièges et batailles sont nombreux et permettent à Alexandre de prendre le contrôle de la partie sud de cet espace. Issos ouvre à Alexandre les portes du Levant, mais les combats sont difficiles, nécessitent des opérations navales comme terrestres et parfois de longs sièges comme celui de Tyr (-332). L’Egypte soumise et Alexandrie fondée, Alexandre s’enfonce au cœur du monde perse et bat définitivement Darius à Gaugameles (-331) ce qui provoque le ralliement de nombreux satrapes. La progression jusqu’à l’Indus ne fut pas directe et amena Alexandre jusqu’aux limites du Tadjikistan actuel. Il faut aussi organiser les conquêtes ce qui est fait en s’appuyant sur les compagnons macédoniens et les satrapes ralliés. Macédoniens ou Perses, tous doivent cependant obéir sous peine d’être éliminés.
La mort d’Alexandre voit les diadoques se partager un empire qui correspond donc à ce monde hellénistique. La deuxième chapitre traite de l’évolution globale depuis les premiers partages jusqu’à la fin du monde hellénistique conquis par Rome ou les Parthes. On voit se constituer les trois éléments principaux que vont être les états séleucide, lagide et macédonien qui font l’objet des rois chapitres suivants.

Des royaumes en conflit permanent

C’est de la guerre que sont naît les différents états et leur histoire va être marquée par de nombreux affrontements. Le royaume séleucide est de loin le plus vaste de tous, il s’étend de l’Asie mineure jusqu’aux limites de l’Inde. Les cartes permettent cependant de comprendre la fragilité de cet état si divers par son peuplement et où les zones désertiques alternent avec les espaces densément peuplés comme la Babylonie. Les espaces spécifiques (Pergame, la Judée..) font l’objet de doubles-pages dédiées. Les Séleucides doivent ainsi faire face à des forces sécessionnistes auxquelles ils ont du mal à résister : qu’il s’agisse du royaume attalide en Asie Mineure ou des Gréco-Bactriens. Ces révoltes comme les guerres avec le voisin lagide sont nombreuses et affaiblissent l’empire, Mais c’est la progression de menaces non hellénistiques qui vont provoquer sa fin, Rome en méditerranée et les Parthes en Orient.
Les Lagides sont ceux qui vont se maintenir au pouvoir le plus longtemps (jusqu’à Actium en-31). Centrée sur l’Egypte, leur domination ne cherche guère à progresser en direction de Carthage. Ils sont avant tout au contact des Séleucides à qui ils vont disputer la suprématie sur les rives orientales de la Méditerranée : de la Syrie aux côtes de l’Asie mineure. Une puissance terrestre et maritime qui s’appuie sur les nombreuses ressources de l’Egypte dont Alexandrie devient le symbole. L’Atlas présente les caractéristiques de cette cité ainsi que celles de l’organisation et de l’économie du royaume Néanmoins les querelles dynastiques comme les troubles internes facilitèrent la prise de contrôle par Rome.
En Macédoine, le territoire est plus restreint, la domination sur les cités grecques sans cesse remise en cause. Les voisins hellénistiques ou non (Epirotes, Romains..) menacent les frontières du royaume antigonide. Dans cet espace les confédérations se font et se défont au gré des conflits dans lesquels on recherche le soutien de puissants voisins qui finissent par devenir envahissants.

Un monde occidental négligé mais redoutable

Les royaumes hellénistiques n’ont pas tourné leurs ambitions vers l’Occident. Les cités grecques d’Italie du sud et de Sicile n’ont pas été concernées par les conquêtes macédoniennes. Ce qui n’a pas été le cas de l’état épirote de Pyrrhos qui s’inscrit dans une démarche royale plus proche du modèle hellénistique que de celui des cités voisines et qui n’hésite pas à intervenir en Sicile. Les cités sont cependant au cœur de la rivalité entre Carthage et Rome. Les guerres puniques voient cette dernière établir sa domination sur le bassin occidental de la Méditerranée. Rome est amenée à jouer le rôle d’arbitre dans les querelles qui minent le monde grec et en profite pour s’en emparer, le provincialisant peu à peu.Au final cet atlas permet d’avoir une cartographie de qualité qui constitue un complément indispensable à la bibliothèque de tout lecteur s’intéressant au monde hellénistique. Tandis que les textes constituent une, dense, mais bonne première approche de l’histoire de cet espace peu connu.

Compte-rendu de François Trébosc, professeur d’histoire géographie au lycée Jean Vigo, Millau