Au croisement de l’éducation civique, de la géographie et de la géopolitique, les éditions Autrement, avec le soutien du ministère de la Défense, sortent un nouvel opus à leur collection d’atlas à l’occasion du Festival International de Géographie, consacré aux Guerres et conflits : la planète en danger.

Si la formule des Atlas Autrement est connue de tous, ce numéro se distingue des précédents sur plusieurs points. Il a été rédigé dans l’optique d’être utilisé par des enseignants. A la fin du fascicule, un tableau synoptique fait le point sur les utilisations pédagogiques que l’on peut faire des documents dans le cadre du programme de 3ème (La Défense et la Paix) essentiellement et en ECJS au lycée. Par ailleurs, cet atlas, réalisé par des militaires, des enseignants chercheurs spécialistes de stratégie dont nombreux appartiennent à la FRS (Fondation pour la Recherche Stratégique, un organisme privé, reconnu d’utilité publique depuis 1993, spécialisé dans les questions de sécurité), comporte moins de cartes que de coutume. Le texte est très présent (y compris sous forme d’organigrammes plus ou moins compliqués) et rend parfois aride l’ensemble. Certaines cartes demandent une lecture attentive pour en percevoir les tenants et les aboutissants : la profusion d’informations nuit à la clarté du message. L’objectif pédagogique visé de la publication risque de « manquer sa cible ». Pourtant, cette mise au point sur les menaces, conflits et forces armées dans le monde s’avère bien utile pour l’enseignant. Les choses bougent beaucoup et il est bon d’avoir sous la main un petit livret qui rappelle rapidement les tenants et les aboutissants des conflits en cours.

De plus, l’ouvrage est bien plus complet. Il présente le sujet en trois volets. Après avoir rappelé les grands principes de la stratégie militaire, les auteurs exposent les nouvelles dimensions de la stratégie. Enfin, ils procèdent à une analyse régionale des puissances militaires et des théâtres régionaux de conflits, sous forme de rapides études de cas. Ainsi, le lecteur néophyte aura à sa disposition un recueil présentant succinctement les bases de la stratégie militaire : types de stratégie, forces en présence, logistique, système d’information et de communication. Au-delà de ces rappels de base, la partie consacrée aux nouvelles dimensions de la stratégie permet de faire le point sur les principaux changements qui ont affecté la manière de faire la guerre depuis la fin de la guerre froide et de déconstruire certaines idées reçues.

Ainsi, les conflits de type classique demeurent nombreux, concentrés le long d’une zone allant du Sahel à la mer du Japon. Ils touchent l’Afrique, le Moyen Orient et l’Asie, essentiellement. Pour les auteurs, les guerres liées aux ressources n’existent pas et sont encore du domaine du fantasme. La prolifération nucléaire est faite plus souvent d’avancées (cas iranien, pakistanais, nord-coréen, syrien) que de recul (cas libyen). Une nouvelle « frontière » s’ouvre : l’espace extra-atmosphérique et le cyberespace sont de nouveaux théâtres d’opérations aussi importants que les anciens. En 1991, lors de la Guerre du Golfe, aucun missile n’était guidé par satellite alors qu’en 2003, lors de la seconde guerre en Irak, plus de 8000 sur 30 000 l’étaient. De même, la robotisation croissante des armes s’accompagne d’une précision croissante des tirs de missiles (aujourd’hui, celle-ci est de 3 mètres alors qu’elle était de 1000 mètres pour les lâchers de bombes de la seconde guerre mondiale).

De nouveaux acteurs non étatiques (terroristes) apparaissent. Ils cherchent à déstabiliser les Etats et les populations civiles. Les armées doivent se préparer à ce type de menace et accroître leur efficacité dans les conflits urbains : nouveau théâtre des conflits. De même, l’importance stratégique des mers n’est pas à négliger. Leur maîtrise est essentielle pour assurer la sécurité du commerce maritime (la lutte contre la piraterie est donc centrale). Parallèlement, les mers permettent d’user de la force de dissuasion dont sont dotés de nombreux sous-marins.

Si les conflits sont moins nombreux, ils sont plus médiatisés. L’information tient une place centrale. Les civils sont de plus en plus les cibles des conflits. Le traité de Westphalie de 1648, qui « régulait » la guerre est bien loin. Les forces en présence utilisent la psychologie afin d’influencer le chef adverse et d’accroître la vulnérabilité des populations. Les ONG tiennent une place à part entière dans ce dispositif. Les auteurs n’hésitent pas à parler de la militarisation de celles-ci (exemple : encadrement militaire de convois humanitaires). Ce mélange des genres brouille l’image de neutralité des ONG et entrave leur intervention.

« La mondialisation n’aplatit pas le monde (…) supposé uniformisé, homogénéisé et, in fini, pacifié ». Elle est source de conflits et de nouveaux défis sécuritaires (hyper terrorisme, catastrophes naturelles et humanitaires). Dans son message, au lendemain de l’élection à la présidence des Etats-Unis de Barack Obama, George W Bush met en garde son successeur sur les dangers que court l’Amérique en cette année 2008. Le discours sécuritaire l’emporte encore et toujours. Il est d’autant plus important, dans ce contexte, de disposer d’une mise au point actualisée pour comprendre les nouveaux enjeux stratégiques actuels et à venir.

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