Atlas mondial de la Francophonie,
Poissonnier et Sournia, Autrement, février 2006, 80 pages

La Francophonie est mal connue. En France, elle est mal comprise et parfois stigmatisée comme « ringarde »ou « néo-coloniale » … Pour les uns, elle rassemble des peuples autour d’une langue, d’une vision du monde et de valeurs. Pour les autres, la Francophonie n’est qu’une manière pour la France d’imposer son autorité (culturelle cette fois) sur les anciennes colonies et ne serait que la continuation du colonialisme par d’autres moyens.

Il fallait donc décrire la Francophonie pour la laver de ces soupçons, totalement injustifiés pour qui connaît ces pays, dont une bonne part ne sont d’ailleurs pas d’anciennes colonies, et dont l’Algérie ne fait pas partie. D’où cet atlas, qui a eu des précédents (Atlas de la langue française, 1995, Bordas) sans parler des parties historiques et géopolitiques de nombreux ouvrages . Il s’en distingue par l’importance accordée aux institutions, soit, dans le vocabulaire en usage, à la « F »rancophonie (avec un grand « F »), le terme francophonie (avec un petit « f ») étant l’ensemble mondial des francophones et francisants.

L’atlas définit la Francophonie comme étant l’espace de la défense de la diversité culturelle face à « une certaine mondialisation » (américaine pour les uns, « libérale » pour d’autres, les deux pour certains). C’est devenu la priorité de l’Organisation Internationale de la Francophonie (OIF), organisation multilatérale qui regroupe 63 Etats et gouvernements sur tous les continents, soit près de 710 millions d’individus qui, à des degrés très divers, ont un lien avec le français. Sur ces 63 Etats, 29 pays ont le français comme langue officielle. C’est aussi un espace où les régimes politiques sont inégalement démocratiques et les niveaux de vie très différents. Depuis sa direction par Boutros Boutros Ghali, elle a un peu l’ambition d’être une ONU bis et se veut un acteur politique de premier plan sur la scène mondiale dont le but est de favoriser la diversité culturelle, l’éducation et le développement.

L’atlas s’attache donc surtout à cet aspect institutionnel. Une place importante est prise par ses origines puis sa création par le président du Sénégal, Léopold Sédar Senghor, celui de la Tunisie, Habib Bourguiba, celui du Niger, Hamani Diori, celui du Liban, Charles Hélou et le roi du Cambodge, Norodom Sihanouk, puis sur la succession des sommets et de l’évolution de l’organigramme complexe de cette « F »rancophonie. Sont également exposés les « opérateurs » et institutions reliés à l’OIF, tels TV5 Monde, l’Intif (Institut des nouvelles technologies de l’information et de la formation, Bordeaux), l’IPEF (Institut de l’Energie, de l’Environnement, Québec) et l’AIMF (Association Internationale des Maires Francophones), qui est peut être le siège des réalisations les plus humbles et concrètes. Suis la description des innombrables réseaux et associations reliés ou non à l’OIF. Cela est complété en annexe par les biographies des pères fondateurs de la Francophonie, la liste des membres actuels du Haut-Conseil de la Francophonie qui entoure le Secrétaire général de l’OIF et bien d’autres indications, dont une liste des principaux sites institutionnels sur la Toile.

La deuxième partie ressemble plus à un atlas traditionnel avec la présentation de plusieurs aspects des pays concernés, comme les médias ou la littérature. Toutefois, l’ouvrage n’ayant que 80 pages ne peut être exhaustif : il met parfois le projecteur tel pays, faute de pouvoir tous les décrire.

La troisième partie est plus axée sur l’économie et le développement au sens large (démocratisation comprise). Elle est intéressante, mais on peut se demander si la « F »rancophonie, dont c’est maintenant un des objectifs, y peut vraiment grand chose… Du moins s’instruit-on sur bien des facettes de la « f »rancophonie.

En conclusion, cet atlas est une banque de données indispensable dans un domaine mal connu. Sa cartographie est abondante bien que parfois discutable (le détail de la carte des religions au Liban par exemple). Le lecteur curieux devra néanmoins le compléter par des ouvrages sur la « f »rancophonie plus axés « terrain » : qui parle quelle langue et pourquoi (pays, groupes sociaux, familles, entreprises..) ?

Yves Montenay
Président d’ICEC, ONG étudiant les questions Nord-Sud
Chargé du cours « francophonie » à l’ESCP-EAP

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