Une série remarquée et remarquable à plus d’un titre. Elle est découpée chronologiquement en cinq tomes autonomes qui représentent des récits de l’histoire de la péninsule bretonne.

Thierry Jigourel est un écrivain spécialiste de la Bretagne et des pays celtiques, journaliste reconnu qui a collaboré à de nombreuses revues (Armen, Armor magazine, Pays de Bretagne, Celtics, Histoire médiévale). Il a également assuré la direction allemande et espagnole de la revue Celtica, il est aussi le créateur de la revue Univers celtes.

Nicolas Jarry est un scénariste connu pour les Brumes d’Alceltis, Maxime Murène, Les contes de Brocéliande, la Rose et la Croix aux Éditions Soleil.

Gwendal Lemercier, un illustrateur qui met son talent au service de l’imaginaire celte, des Contes de l’Ankou, aux Dragons, en passant par Les Arcanes d’Alya, Durandal qui narre, bien sûr, l’histoire légendaire de l’épée du chevalier Roland.

Souvent négligée par l’histoire officielle, la Bretagne méritait cette fresque entre récits historiques et légendes. Arthur, prétendant à la couronne de Bretagne est assassiné par son oncle Jean sans Terre. Le baillistrei Pierre de Dreux (de 1213 à 1237) au nom de sa première épouse Alix de Bretagne (Alix de Bretagne) et pendant la minorité de leur fils aîné, Jean 1er. Présenté dans la bande dessinée comme « un chef indépendant de tous, il entendait tout gouverner, tout régenter ». Il défend le duché contre le roi du royaume de France, Philippe-Auguste et contre l’ingérence de l’Église (« L’Église… il y a bien trop longtemps qu’elle est passée, du moins en ce qui concerne sa hiérarchie, du côté du roi de France contre la Bretagne, et elle en prend trop son aise avec l’argent du peuple »). Cela lui vaudra le surnom de « Mauclerc » (mauvais clerc). Il lui faudra céder pour préserver les intérêts de son fils face à l’appétit territorial de la France. Il réclame les droits féodaux auprès des seigneurs, parfois en affrontant des séditions des vassaux. C’est lui qui ouvre une longue guerre de succession, la Guerre des deux Jeanne qui dure une vingtaine d’années. En 1237, il est contraint de remettre l’administration du duché à son fils et à son épouse Blanche de Champagne. Il se distinguera pour avoir agrandi le duché par des achats (la forteresse de Brest, en 1240, achetée d’une rente de cent livres à Hevé, comte de Léon).

Ce tome peut être utilisé pour évoquer les discriminations envers les Israélites (pages 12 et 13), les relations féodales, le poids de l’Église, les relations commerciales (page 21, les céréales comme le seigle, le froment, la toile de lin de Bretagne qui commence à gagner son excellente réputation en Angleterre et en Espagne, les fameuses Criées), les dynasties se succédant et permettant de présenter le renforcement de l’autorité royale et notamment le fait d’avoir déterrer une ancienne loi salique pour empêcher le roi d’Angleterre Édouard de prétendre au trône de France.

C’est à l’issue du règne de Jean III de Bretagne qu’intervient la guerre de succession. Refusant de voir le duché passé à son demi-frère, Jean de Dreux, fils de Yolande de Dreux, veuve du roi d’Écosse, comtesse de Limoges et de Montfort-d’Amaury. Son choix se porte sur Jeanne de Penthièvre, la fille de son autre frère, Guy de Bretagne. Il lui fait épouser Charles de Blois, le fils du roi et de la reine de Navarr, neveu également de Philippe VI de Valois. La guerre sanglante commence alors contre Jean de Dreux fait prisonnier par le roi à Paris et sa femme, Jeanne de Flandre, dite Jeanne la flamme. La bande dessinée reprend avec brio les combats menés jusqu’à la remise du duché à Jean IV par le roi de France, pourtant protégé par le roi d’Angleterre et considéré comme « son vassal » par beaucoup.

Remarquablement dessiné, les scènes choisies s’appuient sur une bibliographie impressionnante. Un ouvrage de vulgarisation remarquable par son approche didactique, plaisant à découvrir grâce au talent de ses auteurs, sérieuse et d’une approche chronologique. L’intérêt ne retombe pas en découvrant les batailles, les complots pour l’apanage des fiefs, les mariages et les relations, la « surprenante » décision française de soutenir Jeanne de Penthièvre par Philippe VI de Valois, alors que lui-même arrive sur le trône au bénéfice de l’utilisation de l’opportune loi salique par les légistes. Sortie du giron anglo-normand, pour tomber dans celui de la France … une fresque pertinente et riche !

i Baillistre : un régent ou tuteur selon le droit coutumier.


Valérie Manac’h, pour Les Clionautes