D’après Fellini, la ville éternelle serait le meilleur endroit pour atteindre la fin du monde. D’emblée, l’auteur de cette belle Histoire rappelle toute la mythologie qui entoure la naissance de Rome. Les Romains voyaient dans le site de la ville un lieu privilégié : les dieux et les héros l’auraient hanté avant les âges historiques, car c’était le premier gué depuis la mer d’où l’on pouvait traverser le Tibre. Tout ceci valut à Rome le surnom de « premier pont ».

Professeur de langue et de littérature latines à l’université de Nantes, Jean-Yves Boriaud est spécialiste de la Rome renaissante. Il a déjà consacré une biographie à Galilée et traduit en français de nombreux textes classiques de Pétrarque et Machiavel. Les éditions Perrin viennent de republier sa belle Histoire de Rome en format poche.

Les véritables premiers autochtones de Rome furent les Etrusques, qui s’y installèrent vers 620 avant Jésus Christ. Ils assainirent les environs au moyen de canaux, comme la fameuse « cloaca maxima ». Mais, vers 510, Rome de débarrassa des Etrusques et la dynastie des Tarquin fut chassée. Cette famille laissa un piètre souvenir, à tel point que les Romains renoncèrent à la royauté pour fonder la république.

Jean-Yves Boriaud évoque également le sac de Rome que menèrent les Gaulois emmenés par Brennus, dont le nom a été repris en rugby. A cette occasion, les célèbres oies du Capitole avertirent Rome de la présence ennemie, mais cela ne suffit pas à assurer la victoire des Romains. Tout se termina par une rançon, laquelle fut récupérée par les Gaulois, et le célèbre aphorisme lancé par les Gaulois aux Romains « malheur aux vaincus ». La formule fit par la suite florès et passa à la postérité.

Avec force détails, Jean-Yves Boriaud se penche également sur les guerres puniques, le meurtre de Jules César et les guerres civiles qui suivirent cet assassinat en plein Sénat. A chaque guerre remportée, Rome s’enrichit considérablement et étendit ses frontières. L’avènement d’Auguste Octave ainsi que la défaite de Cléopâtre et d’Antoine sont rappelées. La fin de la république et la mise en place de l’empire sont tour à tour expliquées : un seul homme « le princeps » concentre désormais la totalité des pouvoirs, au lieu qu’ils soient la chose de quelques familles, mais il lui faut l’aval de la garde impériale.

Guerres civiles et assassinat politique

L’historien dresse un portrait de tous les empereurs, comme le tristement célèbre Néron. L’empire fut une époque de vastes constructions dans la ville romaine. Des thermes gigantesques furent mis en place, tels ceux de Néron, de Trajan, puis de Caracalla, qui complétèrent l’architecture d’apparat de la ville. La culture ne fut pas oubliée : des théâtres furent en effet créés, comme celui de Marcellus et le Colisée.

Mais, l’histoire de Rome ne fut pas linéaire, loin s’en faut. Il y eut des revers. En 350, l’empereur Constantin choisit une autre capitale sur les bords du Bosphore, i.e. Byzance. Puis, à partir de 410, commencèrent les sacs par les Goths, puis les Vandales et les Sarrasins. Durant ces terribles épreuves, rapporte Jean-Yves Boriaud, c’est l’église qui ravitaillait la population.

Ce thème amène l’auteur à montrer comment Rome devint progressivement la capitale de la chrétienté. Les visites des pèlerins dans la ville éternelle se multiplièrent sous l’empire. L’histoire de la chrétienté à Rome ne fut pas non plus sans difficulté. De 1309 à 1377, la papauté dut en effet s’exiler à Avignon, avant de pouvoir retrouver Rome à la fin du XIVe siècle. Rome s’imposa comme le théâtre des luttes d’influence auxquelles se livraient les grandes puissances européennes. Après le pillage par les lansquenets de Charles Quint, la ville fut à nouveau en ruines.

Au fil des siècles, Rome devint très cosmopolite, c’est-à-dire peuplée par des habitants de tous les pays. Après la république et l’empire, le grand siècle pour Rome fut le XVIIe siècle, où le visage de la ville éternelle se modifia profondément en raison de nombreux travaux de tout premier plan. Rome connut à nouveau un régime républicain en 1798, mais elle fut proclamée « ville impériale et libre » en 1809. Sous Bonaparte, les Etats pontificaux n’étaient plus que deux départements. Le pape Pie VII ne put revenir qu’en mai 1814.

Rome avant l’Italie

La république fut de nouveau proclamée à Rome en 1849 et le pape dut s’enfuir. Mais les troupes de Napoléon III, le rétablirent finalement sur le trône. En 1871, la brèche de la Porta Bria permit aux troupes italiennes de rentrer dans Rome. La ville éternelle devint la capitale de l’Italie unifiée et se laïcisa avec de nouvelles rues baptisées Sénèque ou bien Ovide.

Durant la période fasciste, Mussolini dégagea les forums impériaux et effectua des travaux qui permirent les défilés d’apparat du régime. A la fin de la Seconde Guerre mondiale, Rome fut occupée par les Allemands, puis libérée par les Américains.

Cet ouvrage est très didactique et complet, qui intéressera tant les débutants que les initiés. L’histoire de la cité éternelle est vue sous un jour à la fois historique, littéraire et artistique. La filmographie sur Rome est également mentionnée, avec le chef d’œuvre de Fellini « Roma » de 1972, ainsi que l’art moderne. L’auteur rappelle qu’à Rome tout est différent, qu’« au contact des Romains, en tout cas, on comprend vite qu’un problème n’est très grave, puisqu’on a l’autorité pour le régler ».

Jean-Paul Fourmont