10 mai 1940, en application du plan Jaune, les forces allemandes lancent leur offensive à l’Ouest à travers la Belgique et le Luxembourg. En réponse, les troupes franco-britanniques pénètrent en Belgique pour mettre en œuvre la manœuvre Dyle-Breda. Seules quelques troupes de couverture issues des DLC (division légère de cavalerie) sont envoyées dans les Ardennes et au Luxembourg. Pourtant c’est par là qu’arrivent les panzerdivisionen de Guderian bien décidées à mettre en œuvre le « coup de faucille » de Manstein. Le 13 mai, elles franchissent la Meuse à Sedan et s’apprêtent à foncer vers l’Ouest… elles ignorent encore que depuis le 12 mai, deux des divisions les plus modernes de l’armée française, les 3°DIM (division d’infanterie motorisée) et 3° DCR (division cuirassée de réserve) sont en route avec pour mission de colmater la brèche… La bataille de Stonne débute le 14 mai, le Verdun de 1940… ?

L’ouvrage des éditions Bénévent est une œuvre de passionnés. Il associe, Jean-Paul Autant, docteur en sciences humaines, mais surtout fils d’un combattant de Stonne, et Jean-Pierre Levieux, ancien combattant de Stonne au sein de l’artillerie de la 3° DIM. Ils livrent ici plus qu’un récit d’ancien combattant, une analyse de cette bataille méconnue de la Seconde guerre mondiale, Alors qu’elle fut pourtant, aux yeux des Allemands, une des plus acharnées qu’ils eurent à livrer lors de leur offensive contre la France.

Les forces en présence et les enjeux.

Désireux de permettre au lecteur de comprendre les enjeux de cette bataille, nos deux auteurs commencent par présenter les forces en présence. La 10° panzer division allemande, et le régiment d’élite Grossdeutschland d’un côté, et les 3°DCR, et surtout 3°DIM de l’autre. La bataille, comme celle de Gembloux, oppose des forces considérées comme étant les plus modernes de leurs armées respectives.

Le récit ne commence pas avec les combats, mais montre les différentes étapes de la montée en ligne des forces françaises. On comprend mieux alors une des causes de la défaite militaire : la lenteur dans la transmission des ordres, le manque de coordination des unités, l’absence d’informations sur le dispositif ennemi. Alors qu’en face, les allemands disposent de radios et de moyens de reconnaissances aériennes.

Le village de Stonne est situé sur un éperon à une quinzaine de kilomètre de Sedan. Ce qui en fait une position idéale pour stopper l’offensive ennemie et une base de départ de choix pour une contre-attaque décisive en direction des points de franchissement allemands sur la Meuse. C’est d’ailleurs l’objectif assigné aux forces françaises.

La première phase de la bataille l’échec d’une contre-offensive française cruciale.

La prise de contact avec l’ennemi a lieu dès le 14 mai. Des combats opposent les forces françaises qui montent en ligne de manière désordonnée aux avant-gardes allemandes au nord de Stonne, empêchant celles-ci de prendre le village, mais empêchant également une véritable contre-offensive. Ajoutons-y les hésitations et le manque de coordination des forces, et les Français passèrent à côté d’une occasion qui aurait pu être décisive comme le reconnaît l’historien allemand Karl-Heinz Frieser. La contre-offensive est reportée au 15.

Les Français sont cependant devancés par les Allemands, la 10° panzerdivision et surtout le régiment d’élite Grossdeutschland, appuyés par l’aviation attaquent dès l’aube : objectif Stonne. Les Allemands pénètrent dans le village, mais ils en sont aussitôt chassés par une première contre-attaque française appuyés par les blindés de la 3°DCR. Tout au long de cette journée les deux camps vont prendre et reprendre le village, qui au soir du 15 tombe entre les mains allemandes.
Le 16 mai, les Français, soutenus par leur artillerie, repartent à l’attaque et reprennent le village. C’est lors de cette journée que le B1-Bis (un des chars lourds français) du capitaine Billotte réussit l’exploit de détruire à lui seul 13 chars ennemis. Intenable, le village est évacué pour la nuit.

Côté allemand, l’objectif est cependant atteint, la contre-offensive française est définitivement stoppée. La 10° panzer division et le régiment d’élite Grossdeutschland durement éprouvés sont relevés et peuvent aller participer à la ruée vers l’Ouest. Désormais la bataille de Stonne va être livrée par des divisions d infanterie.

Les 17 et 18 mai, les combats se poursuivent entre fantassins français et allemands, mais le village reste définitivement aux mains des Allemands, après avoir changé de mains plus de 17 fois…

La deuxième phase de la bataille : une défense française acharnée.

La bataille de Stonne va cependant se prolonger jusqu’au 25 mai. Les forces allemandes, sans cesses renforcées, vont devoir lutter pour chaque bois, chaque village, chaque élévation. La bataille ne concerne plus seulement le village de Stonne, mais tout le massif situé à l’ouest du canal des Ardennes.

Les assauts de l’infanterie allemande, soutenue par les stukas, sont contenus pas les forces françaises renforcées de cavaliers et de coloniaux. La défense française est facilitée par le relief et l’appui que délivre une artillerie efficace bien camouflée dans les nombreux bois de la zone. Les Français peuvent également compter sur le soutien de chars qui ont été construits pour cette mission, l’appui de l’infanterie, comme lors de la première guerre mondiale. Un rôle d’appui tactique du char de combat, alors que les allemands donnent aux leurs un rôle stratégique : la percée et l’exploitation blindée.

Usés par un engagement incessant et obligés de tenir compte de l’évolution de la situation sur le reste du front, els Français finissent par évacuer leurs positions le 25 mai.

En conclusion

L’ouvrage présente un point de vue très français sur les évènements de Stonne. Les Allemands n’ont pas percé et sont certes stoppés durant 12 jours. Mais ils n’ont jamais eu l’intention de porter leur effort principal en ce lieu, leur objectif était d’interdire aux Français toute opportunité de contre-attaque en direction de Sedan, afin de permettre l’écoulement de leurs blindés vers l’ouest. Et c’est acquis dès le 16 mai.

Les Français échouent donc dans une contre-offensive qui aurait pu avoir des répercussions stratégiques. Ils livrent ensuite, certes avec brio, une défense dont l’issue ne peut désormais avoir que des conséquences tactiques sans aucun rapport avec l’enjeu initial de la bataille.
L’ouvrage n’en demeure pas moins intéressant. Tout au long du livre, de nombreuses photos et cartes, souvent inédites permettent d’illustrer le propos des auteurs et de se familiariser avec les lieux décrits. De nombreux témoignages permettent également de se plonger dans l’ambiance de la campagne. Il s’agit le plus souvent de documents d’époque issus de collections d’anciens combattants ou tirées de bulletins publiés par leurs associations.

Les auteurs ont rempli leur objectif, réhabiliter l’image du soldat français de 1940 et montrer qu’il était capable de faire aussi bien que son aîné de 1914, par contre pour ce qui est de leurs chefs….

Compte-rendu de François Trébosc, professeur d’histoire géographie au lycée Jean Vigo, Millau

François Trébosc ©