La conjuration de Cluny
Co-édition Glénat – éditions du patrimoine Juillet 2010 / 13.50 €

L’action de cette histoire se déroule dans l’abbaye de Cluny, le centre majeur de la chrétienté médiévale. Un professeur d’histoire (en détachement à Cluny ou en sortie pédagogique ?), à qui il ne manque rien, même pas le look Camif, se retrouve en train de compulser un manuscrit médiéval mis à jour, très opportunément par un gros orage.

Le scénario est très proche, c’est le moins que l’on puisse en dire, du Nom de la rose, et bien des scènes y font directement référence. Différence de taille tout de même, la scène d’amour ne se déroule pas dans la cuisine du monastère mais dans la forêt. Pour le reste, on retrouve les personnages du roman de Umberto Eco, revisité par le cinéaste Jean-Jacques Annaud dans le film de 1986 et même certains plans.

Par contre ici, les ressorts de l’intrigue sont bien mercantiles, puisque l’on apprend à la fin de cette histoire, qui ne comporte pas de happy end, que ce sont les marchands vénitiens qui sont à l’origine de la quatrième croisade et du sac de Constantinople par les croisés en 1204. Ce sac de Constantinople par les croisés aurait permis aux vénitiens de prendre le contrôle de la méditerranée et de marginaliser Byzance. C’est en tout cas la thèse du scénariste de la bande dessinée. En fait, les croisés qui devaient des sommes importantes aux vénitiens, se sont retrouvés au centre d’une crise successorale à Byzance et ont préféré prendre des gages sur la ville.

À propos de la quatrième croisade, on pourra se référer à ce site canadien, souvent cité sur H Français, http://pages.usherbrooke.ca/croisades/croisade4.htm

Sur le fond, cette histoire n’est évidemment pas désagréable à lire et après tout, pour de jeunes lecteurs qui n’ont pas vu le film de Jean-Jacques Annaud ni lu le roman de Eco, l’intrigue est tout à fait plaisante. Les méchants le sont vraiment et le musulman de l’histoire apporte aussi sa contribution à la tolérance avec une référence à l’œuvre de Pierre le vénérable dans sa réfutation du Coran. Contra sectam Sarracenorum

http://expositions.bnf.fr/livrarab/pedago/orientocc/corantraduit.htm

Il est fait référence à deux volumes disparus de cette somme. Il semblerait que les volumes manquants, alors que les deux premiers sont consacrés à la réfutation de l’Islam soient enclins à favoriser un rapprochement entre les deux religions monothéistes. D’autres sources évoquent par contre l’antisémitisme radical de l’ancien abbé de Cluny.
Un blog publié par un historien de l’art, prêtre par ailleurs donne quelques indications assez précises.

http://www.narthex.fr/blogs/abbaye-de-cluny-910-2010/pierre-le-venerable-et-le-coran

L’importance de Cluny, centre spirituel de la chrétienté occidentale est bien évoquée et la richesse de cette abbaye, son expansion mise en évidence. Le dessin de facture assez classique est précis, les décors également, mais on reste un peu sur sa faim. On ne trouve pas le souffle épique que l’on pourrait attendre d’une telle histoire. Les plans du film semblent avoir été très présents dans la construction des planches et cela pèse un peu. On a le sentiment très net d’une autolimitation des deux auteurs.
Ce qui est tout de même intéressant c’est de voir la place que les éditions du patrimoine entendent prendre dans ce processus d’édition qui serait amené à se poursuivre avec d’autres volumes en préparation.

Bruno Modica