La Première Guerre mondiale vue à travers la production des cartes postales de tous les pays impliqués.
La Première Guerre mondiale est aussi le premier conflit à avoir produit une abondance d’images. La puissante proximité visuelle engendrée par la photographie et le cinéma a rendu possible une immersion inédite dans le déroulement des hostilités. Leur petite sœur la carte postale a fait de même, avec d’autant plus d’entrain que les 1561 jours de la guerre ont représenté une interminable séparation qui a alimenté un intense besoin de correspondre.

La carte postale, moyen simple et populaire de s’écrire, est donc un des reflets de la guerre les plus familiers et les plus diffusés. Son rôle de support d’image en a fait à la fois un enjeu de censure et de propagande. Contribuant à façonner et à mobiliser l’opinion publique, elle fait partie de ces outils de communication où, pour paraphraser McLuhan, le media est le message. L’étude des cartes postales en guerre permet donc d’aborder tout à la fois les images de la guerre et la guerre des images. Telle est l’ambition de cet album richement illustré élaboré par un agrégé d’histoire spécialiste des deux guerres, de l’histoire de la presse et de la propagande.Le tour d’horizon assuré par cette petite encyclopédie de la guerre des cartes postales est très complet. Son contenu est d’autant plus intéressant qu’il s’appuie sur un corpus documentaire multinational. Cartes postales françaises, alliées et ennemies composent une vaste promenade visuelle qui permet de visiter les différents belligérants, majeurs ou mineurs, leurs armements et leurs chefs, les aspects et les évolutions de la guerre, la vie de l’arrière, et ceci jusqu’à l’aboutissement célébré par les Fêtes de la victoire.

L’abondante production de vues de champs de bataille et de photos de destructions montre combien cette thématique a énormément inspiré les éditeurs de cartes postales… et attiré leur clientèle. Les images données des combattants sont celles d’hommes valides, de prisonniers de guerre ou de blessés en convalescence, mais rarement des cadavres sauf si ce sont ceux de l’ennemi. Les animaux dans la guerre constituent aussi une source d’inspiration, plus anecdotique et attendrie. L’action de la propagande et ses thèmes de prédilection sont évoqués avec une attention particulière, en soulignant les choix distincts privilégiés par les uns et les autres. Très judicieusement, l’auteur élargit son intérêt jusqu’aux cartes postales publicitaires qui ont audacieusement exploité les thèmes patriotiques et militaires pour promouvoir des marques commerciales durant la Grande Guerre.

La confrontation des regards entre les principaux belligérants est aussi édifiante dans ses rapprochements (on retrouve un répertoire similaire dans les deux camps) que dans ses différences. Elle s’appuie sur un riche choix d’images provenant d’un minutieux effort de collecte. Certains spécimens sont particulièrement rares (photocartes, rectos dessinés à la main) et originaux (pour ne citer qu’un seul exemple, signalons cet étonnant photomontage représentant l’empereur François-Joseph en blatte assaillie par les moustiques de ses minorités nationales !). Un texte très didactique apporte une information factuelle claire et documentée. Des légendes descriptives éclairent la plupart des nombreuses cartes postales présentées et permettent de mieux en apprécier les enjeux. En définitive, ce bel album illustré très réussi devrait naturellement trouver sa place dans la bibliothèque des passionnés de la Grande Guerre… et des cartophiles.

© Guillaume Lévêque