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La péninsule arabique, cœur géopolitique du Moyen-Orient

Frank Tétart

Armand Colin, collection U, 2017, 240 pages, 25 €

Dépôt légal : septembre 2017. ISBN : 978-2200616328
Dimensions : 16,1 x 1,8 x 24,1 cm
Frank Tétart est docteur en géopolitique, diplômé en relations internationales, ancien co-auteur de l’émission « Le Dessous des cartes » (1994-2008) et rédacteur en chef de la revue Moyen-Orient (2009 à 2011), il est notamment l’auteur de l’Atlas des religions (Autrement, 2015) et du Grand Atlas 2018 (toujours chez Autrement).
Il est à noter que cet ouvrage est publié en collaboration avec la revue Moyen-Orient, dont Frank Tétart fut le rédacteur en chef.
Notre collègue Frank Tétart, décidément très en verve, nous gratifie d’un très utile manuel sur la péninsule arabique, paru dans la célèbre et indispensable collection U de nos amis d’Armand Colin.

Voici la présentation de l’ouvrage par l’éditeur :

Arabie saoudite, Émirats arabes unis, Koweït, Oman, Qatar, Yémen : la péninsule Arabique a toujours constitué un lieu de passage entre Europe, Afrique et Asie. Berceau de l’islam, dont elle abrite les villes saintes de La Mecque et Médine, son espace s’est construit au gré des intérêts géopolitiques, si bien qu’il est à présent au cœur de la mondialisation des échanges.
Espace convoité, son attractivité économique et stratégique a fait émerger de nombreuses tensions entre les États de la zone et a exacerbé les fractures existantes aux niveaux religieux (chiites/sunnites), ethnique (Perses/Arabes) et politique (Iran/Arabie saoudite). Parallèlement la péninsule, confrontée au défi de la fin de la rente pétrolière, doit entreprendre une diversification rapide de son économie.
Pour saisir les spécificités de cet espace-clé, cet ouvrage propose une géographie complète à la fois géohistorique, géoéconomique et géopolitique de ce qui constitue aujourd’hui le véritable cœur du Moyen-Orient.

On constatera – comme l’indique d’ailleurs le sous-titre : « cœur géopolitique du Moyen-Orient » – que l’auteur ne se cantonne pas à la stricte péninsule arabique, mais conçoit largement son sujet, dans ses rapports avec ses voisins moyen-orientaux, mais aussi dans un cadre mondialisé. Un bon point pour lui ! En doutait-on ? C’est d’ailleurs ainsi que Frank Tétart ouvre son livre.

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L’ouvrage est organisé en sept chapitres :

Chapitre I. La péninsule arabique, un espace convoité

Ce chapitre initial délimite les contours géographiques de la région étudiée puis en présente les dynamiques historiques : la péninsule est un espace qui « fut de tout temps convoité ». Les aspects géologiques permettent de donner un cadre avant que l’auteur n’analyse la notion de Moyen-Orient comme une représentation géopolitique. La péninsule jouit en effet d’une position stratégique : ce fut jadis en raison du commerce de l’encens, puis rapidement de tout le commerce avec l’Ouest, verrou de l’Inde et du canal de Suez, et enfin des ressources pétrolières.

Chapitre II. Une masse déserte bordée de mers

Les caractéristiques du milieu sont ensuite présentées. L’auteur analyse les contraintes qui s’imposent à la vie humaine, sans toutefois se limiter à la seule aridité, dont on dénonce à juste titre la « dictature ». L’encadrement maritime d’une péninsule ouverte sur trois côtés est ensuite analysé. Enfin, les ressources – ou parfois le manque de ressources – sont présentées, notamment hydriques et alimentaires.

Chapitre III. La péninsule arabique : l’unité par les hommes

Le monde arabe déborde largement, aujourd’hui, la péninsule arabique. Pourtant, celle-ci en fut le berceau historique. La présence humaine, très anciennement attestée, est marquée des caractéristiques spécifiques, tribales, nomades et, naturellement, musulmanes. L’islam est né dans la péninsule et continue de marquer fortement les sociétés. Cœur du monde arabe, nomade et tribal, la région est aussi – surtout ? – le cœur de l’islam. Pourtant, derrière une unité de façade, l’islam est multiple (sunnisme, chiisme, ibadisme, kharidjisme, soufisme… sans compter les écoles sunnites, dont le hanbalisme, dont dérive lui-même le wahhabisme… ouf !). Il n’en reste pas moins que la péninsule est le foyer pivot de l’islam, bien qu’elle n’en forme plus, de nos jours, les bataillons les plus nombreux.

Chapitre IV. Le morcellement étatique de la péninsule arabique

L’organisation politique de la péninsule est sortie assez récemment – et incomplètement – du tribalisme. Longtemps « objets de politiques impériales », les sept Etats concernés ne se sont réellement constitués que dans la deuxième moitié du XXe siècle, à la notable exception de l’Arabie Saoudite, plus précoce (1932). L’auteur présente successivement les Etats de la région, en commençant en toute logique par le « géant aux pieds d’argile », l’Arabie saoudite. Viennent ensuite les Emirats du Golfe (dont les EAU, le Qatar, Bahreïn), Koweït, le sultanat d’Oman et la seule République de la région, le Yémen.

Chapitre V. Le nœud pétrolier du monde

C’est bien sûr le pétrole qui marque réellement l’entrée de la péninsule dans les flux commerciaux mondiaux. Depuis lors, et encore aujourd’hui, c’est le facteur structurant de la région, « en raison de l’accumulation financière et des transformations économiques et sociales qu’il induit ». Frank Tétart présente les grandes caractéristiques du premier pôle pétrolier mondial ; il analyse ensuite en quoi la rente pétrolière (et/ou gazière) constitue le levier de transformations économiques, sociales, territoriales, géopolitiques. Le pétrole constitue à la fois un facteur de dépendance et de rivalités : n’est-il pas un puissant facteur de déstabilisation ?

Chapitre VI. Un espace dans la mondialisation : de la rente à la diversification

La péninsule arabique est ainsi fortement intégrée aux processus de mondialisation, notamment le Golfe Persique (ou Arabique, ou Arabo-Persique, ou le Golfe tout court !), et l’emblématique Dubaï. Les différents modes d’insertion dans la mondialisation sont passés en revue : le commerce (Dubaï, les zones franches), l’image (tourisme et sport), la culture (la « Sorbonne des Sables », le Louvre Abou Dhabi), les réseaux aériens (le hub touristique), les flux humains (les différents types de migrations). La conclusion insiste sur la critique – par les populations locales – de ce modèle peut-être trop occidental ou ultra-libéral.

Chapitre VII. Un espace sous tensions

Mais cette richesse exacerbe les rivalités entre acteurs, générant des tensions, entretenant des fractures, surtout politiques et religieuses. « L’unité ethno-religieuse n’est donc que de façade et ne résiste pas aux velléités et ambitions des grands acteurs régionaux ». La religion parait en effet instrumentalisée au profit de projets de puissance qui visent à une certaine « hégémonie régionale ». L’auteur termine en rappelant, bien sûr, l’omniprésence américaine dans le Golfe. L’instabilité récurrente du Yémen – toujours de l’actualité la plus brûlante – conclut ce chapitre.

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Le cahier central cartographique présente l’avantage d’être tout en couleurs et constitué de cartes de grande qualité. Sa présence est très bénéfique, notamment en raison d’une certaine rareté des illustrations dans le texte, qu’on pourra regretter.

Les annexes sont constituées d’un index et d’une bibliographie, dont on s’étonne de la brièveté (34 ouvrages, 43 articles, 2 thèses) au regard de la richesse du propos de l’auteur… Vérification faite, il s’avère que de nombreuses références citées dans le texte sont purement et simplement absentes de la bibliographie, la rendant finalement peu opérationnelle. Notre excellent collègue, Christian Grataloup, par exemple, utilisé et cité en page 11, est absent en page 221, où il eût dû normalement figurer. C’est là un défaut dommageable pour un manuel de très bonne qualité par ailleurs.

On rajoutera, car cela s’est avéré exaspérant, la récurrence de fautes de frappe ou d’orthographe, manifestement passées au travers du crible de l’auteur et des éditeurs. Attention : rien à voir avec une copie d’élève ! J’en ai calculé la fréquence : une faute toutes les huit pages environ. Rien de bien pendable, donc. Mais il est vrai que cela ne cadre guère avec l’auteur ni avec l’éditeur. La réputation de sérieux de l’un comme de l’autre n’est plus à établir. Reste à en espérer une deuxième édition, revue, corrigée, à la bibliographie augmentée.

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Ces réserves ne doivent pas constituer l’arbre qui cache la forêt. Cet ouvrage est très bien fait, très utile, pour un espace dont on parle souvent sans vraiment le connaître. L’auteur, fort bien documenté, connait son sujet et le présente de façon synthétique et convaincante. Il faut donc recommander ce livre pour une première analyse sérieuse de la péninsule arabique. Il remplira parfaitement son rôle.

Christophe CLAVEL
Copyright Clionautes 2018

La péninsule Arabique : cœur géopolitique du Moyen-Orient

Frank Tétart

Armand Colin, U Géopolitique, 161 x 241 mm, 256 pages, Septembre 2017, 25 €.

En partenariat avec la revue Moyen-Orient, Frank Tétart propose chez Armand Colin une mise au point universitaire sur une péninsule à la fois lieu de passage et berceau de l’islam.

Frank Tétart est professeur d’histoire-géographie dans un lycée parisien et docteur en géopolitique (sur l’enclave de Kaliningrad). Il a activement participé à la diffusion des savoirs géographiques dans les médias à travers l’émission du « Dessous des Cartes » (comme co-auteur de 1994 à 2008) et les revues Moyen-Orient et Carto (2009-2011). Il est l’auteur de nombreux ouvrages, dont l’Atlas des religions chez Autrement.

La péninsule arabique : cœur géopolitique du Moyen-Orient


Ancien professeur dans un lycée français aux Emirats Arabes Unis, l’auteur signale que la péninsule arabique est « peu étudiée en France par les géographes » (page 6). Le manuel est donc une réponse à ce manque de synthèse en français. Son objectif est d’offrir « des outils notionnels et des approches pertinentes à l’analyse de cette région mal connue et souvent objet de représentations, de confusions et de fantasmes dans les pays occidentaux » (page 7). Pour y parvenir, Frank Tétart s’appuie sur l’étude des rivalités de pouvoirs sur les territoires, popularisée par l’essor de la géopolitique à la française menée par Yves Lacoste. En 7 chapitres, l’auteur présente les principales caractéristiques et clés de lecture de la région depuis les années 1970. Un cahier central de cartes en couleur est proposé, fruit du partenariat avec le magazine Moyen-Orient.

Frank Tétart débute en rappelant la situation de la péninsule comme étant à la fois marquée par une appartenance floue à l’Afrique ou à l’Asie. Sa position stratégique permet à la fois de contrôler les routes commerciales (entre l’Océan indien et la mer Méditerranée) et les ressources (hydrocarbures). L’aridité représente une importante contrainte pour les activités à travers l’absence d’un rythme des saisons. Dans un souci de problématisation constante, la suite de l’ouvrage s’attache à présenter les sociétés de la péninsule, les structures politiques, les ressources, l’insertion dans la mondialisation et les tensions.

Les enseignants de lycée y trouveront à coup sûr de très intéressants documents originaux de longueur raisonnable. Un acteur incontournable du pétrole saoudien (Saudi Aramco à la page 104), les zones franches dans le Golfe (page 151), les stratégies migratoires indiennes (page 173) ou la carte historique concernant les délimitations des frontières entre les États à la page 134. Ces documents sont principalement issus de la revue Moyen-Orient, éditée par Areion. Le chapitre 5 peut servir de support dans la préparation d’une séquence sur les enjeux énergétiques en classe de seconde. Le chapitre suivant est primordial pour les enseignants de terminale abordant la mondialisation : la quasi-intégralité des acteurs, pôles et flux à étudier sont définie de façon simple et didactique (notamment le passage sur les flux aériens avec le hub de Dubaï qualifié « d’aérotropole« ). Enfin, le livre a le mérite d’avoir été mis à jour jusqu’à la dernière minute avant l’impression (les événements politiques de juin 2017 sont présents). Une coquille s’est cependant glissée à la page 10 : la plaque arabique s’éloigne de la plaque africaine sur ses limites occidentales (et non orientales) ».

Une mise au point très efficace sur une région au cœur de la mondialisation des échanges et des tensions liées à son attractivité économique, culturelle et stratégique. Les enseignants de lycée y trouveront de riches pistes d’études documentaires (cartes et textes).

Pour aller plus loin :

Antoine BARONNET @ Clionautes

A propos de l'auteur

Antoine Baronnet

Professeur agrégé d'histoire-géographie en lycée. Mes principaux centres d'intérêts sont l'histoire des explorations, la cartographie, la géographie du sport et l'Asie de l'Est (Corée du Nord, Corée du Sud, Japon, Chine, Mongolie).

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