Cette présentation prend appui sur les deux derniers numéros parus de la revue. Il s’agit d’un magazine trimestriel, disponible en kiosque et sur tablette qui propose plus de 200 pages à chaque numéro depuis 2013. Le cocktail se compose donc d’enquêtes, de reportages et de documentaires.

Un projet et une équipe

Pour découvrir l’esprit de la revue, on peut visionner cette rapide présentation : http://www.dailymotion.com/video/xxzpp9. Après près de quatre ans d’existence, « La Revue Dessinée » s’est en quelque sorte dédoublée avec depuis un peu plus d’un an l’apparition du petit frère « Topo » destiné aux moins de 20 ans et présenté également sur la Cliothèque. Chaque numéro de « La Revue dessinée » propose donc une information de qualité présentée grâce à une alchimie réussie entre dessinateurs et journalistes. Précisons que « La Revue dessinée » existe aussi pour tablettes Apple au prix de 5,99 euros le numéro.

Des rubriques culturelles variées

En dehors du traditionnel éditorial, on trouve un certain nombre de rendez-vous réguliers comme « Face B » consacré à la musique. Le ton et l’angle sont clairement à mille lieues des artistes main stream avec par exemple un portrait de Colette Magny. La revue des cinés aborde un film comme « La femme d’à côté » dans le numéro 16. Pas question de proposer un résumé du film mais plutôt de le mettre en perspective et et de l ‘analyser. Fabrice Erre, dont on peut voir les dessins très drôles dans les blogs du Monde, offre dans « Trait pour trait » un décryptage des concepts de satire, de caricature et d’humour noir. Il se donne la profondeur historique nécessaire pour aborder ces questions délicates mais se frotte aussi aux interrogations d’aujourd’hui comme le fait d’ « être ou de ne pas être Charlie ». La rubrique « Instantané » propose le commentaire et le décryptage d’une photographie, que ce soit celle de ce supporter qui débarque nu sur un stade en 1974 ou celle plus ancienne réalisée par Cartier Bresson avec des ouvriers qui piqueniquent au bord de la Marne en 1938. « La sémantique c’est élastique » invite elle à décortiquer les mots comme féminisation. Dans « Savoir pour tous », Daniel Vandermeulen, l’auteur de la remarquable biographie sur Fritz Haber, et Daniel Casanave nous révèlent ce que fut l’orage magnétique de 1859 et ses conséquences. « Mi-temps » propose une approche des sports avec par exemple ici la boxe ou le frisbee. On découvrira sans doute l’histoire et les règles plus compliquées qu’on ne l’imagine de cette discipline.

Des enquêtes politiques

Ce sont des reportages qui empoignent à la fois l’actualité avec des angles variés. Ainsi le numéro 15 se propose de raconter les coulisses du parlement et des débats au moment de l’adoption de la loi Macron. C’est une approche très personnelle, et en même temps très fouillée car, si on prend le temps, on découvre plusieurs acteurs essentiels ainsi que les rouages de la machine parlementaire. Toujours dans le même opus, on peut noter une approche très détaillée de la situation à Mayotte avec une description hospitalière et sanitaire de l’île très préoccupante. La revue poursuit également son approche sur la situation des migrants avec « Identités englouties » qui aborde la question en évoquant l’identification des victimes de noyades. Le reportage fournit ainsi des détails sur les opérations de récupération des corps mais livre aussi des chiffres sur les tarifs de passage pratiqués.

Des enquêtes civiques

Le numéro 16 propose un reportage « Repris de justesse » sur les décrocheurs avec une approche du quotidien d’un microlycée. C’est le résultat d’une enquête au long cours auprès de ces 80 élèves âgés de 16 à 23 ans et qui essayent de repartir dans les études. C’est une approche très sensible et très humaine sans rien cacher des difficultés. Il faut aussi signaler le formidable article sur « Le transhumanisme : l’homme augmenté ». Ce mouvement prône l’usage des sciences et des techniques pour augmenter les performances physiques et mentales des êtres humains. Grâce à une approche noir et blanc et couleurs, le reportage montre ce qui pourrait advenir et ce qui existe déjà. Sa lecture vous donnera souvent l’occasion de frémir. Il ne se contente pas de cela et envisage la question avec des apports philosophiques bien dosés.

Des enquêtes environnementales

Sans que cela soit affiché comme tel, « La Revue Dessinée » propose plusieurs reportages sur des questions environnementales. Parmi elles une sur « le poids du clic » absolument passionnante. Le reportage fournit de nombreux chiffres assez édifiants : la fabrication des NTIC émet 100 fois plus de gaz à effet de serre que leur utilisation. Une entreprise de 100 personnes génère avec son courrier électronique autant de tonnes de CO2 que 13 allers-retours Paris-New York. Si Internet était un pays il serait ainsi le sixième consommateur mondial d’énergie. De façon très drôle, on suit Steve Jobs qui connait trois réincarnations : il se retrouve d’abord à la place de ceux qui extraient le coltan puis dans la peau des ouvrières chinoises avant d’être lui-même un portable ! On notera dans le numéro 15 une enquête sur « Les nouveaux filons » qui parle des mines françaises et de leur renouveau économique possible avec toutes les questions environnementales que cela soulève.

C’est donc une revue sans doute engagée, mais dans le bon sens du terme, qui se révèle à la lecture très engageante à la fois par la variété des sujets, des angles et des modes de représentation.

© Jean-Pierre Costille pour les Clionautes