La revue Problèmes d’Amérique latine, dans son numéro 78 de l’automne 2010, traite un sujet d’actualité à savoir « le Brésil au sortir des années Lula ». En une centaine de pages, plusieurs spécialistes de la question se risquent au jeu du bilan. Tous font preuve dans leur introduction de la nécessaire prudence à avoir, tant le recul sur l’événement est court, mais derrière ces précautions oratoires, on découvre des articles clairs et qui apportent très souvent une mise en perspective de qualité. Toutes les contributions sont très claires avec des plans annoncés de façon très explicite. Une présentation globale donne aussi en quelques lignes un résumé des articles à suivre. Quelques compte-rendus complètent l’ensemble. Une des interrogations est de savoir comment faire par exemple la part des tendances longues à l’œuvre bien avant Lula, et les distinguer des impulsions propres à son action ? Signalons également un article un peu à part qui traite du Salvador après les élections de 2009.

Penser le Brésil autrement

Dominique Vidal consacre son article aux nouveaux regards sur le Brésil. Cet article ouvre opportunément la revue car il permet immédiatement de remettre en cause certaines idées reçues sur le Brésil. Ainsi, pendant longtemps, le souvenir de la période de la dictature a été une sorte de clé de lecture unique de la situation politique du Brésil. Or on réévalue à présent la constitution de 1988 qui joue un rôle essentiel dans la construction du paysage politique actuel. On assiste ainsi depuis quelques années à la constitution de partis politiques plus solides, c’est-à-dire moins soumis à des marchandages de voix. Enfin, signalons que l’Etat se fait de plus en plus interventionniste. Malgré cela, le Brésil reste le pays des inégalités. L’action de Lula est néanmoins réelle comme en témoignent certains programmes sociaux qui ont donné des résultats tangibles telle la Bolsa familia à destination des familles pauvres. Tout ceci n’empêche pas le maintien de problèmes qui obèrent la situation du pays. Ils sont pour certains bien connus comme l’insécurité, mais aussi, et c’est plus nouveau, les disparités entre les générations. En effet la population jeune va fortement diminuer et selon les projections de 2050, il y aura 28 millions de moins de 14 ans pour 64 millions de plus de 60 ans.
L’article de Sergio Costa revient sur la question du métissage. Voilà bien une question qui a été très longtemps encombrée de mythes et d’images toutes faites. Après un historique, l’auteur souligne qu’il faut attendre 1985 pour voir apparaître des mesures de protection des ethnies indigènes. Cet état de fait est d’ailleurs affiché par la constitution de 1988. De nombreux programmes se mettent alors en place et davantage finalement pour les descendants d’Africains. En revanche, la question indigène reste compliquée, car liée par exemple à des questions de propriété de terres.


Le Brésil : une puissance d’un nouveau genre ?

Jean Daudelin dans son article s’interroge sur le Brésil comme puissance. Il est vrai que depuis plusieurs années le pays semble incontournable dans nombre de grandes conférences internationales. En Amérique latine le pays a des atouts à faire valoir, puisque c’est 40 % du territoire et 50 % du PIB et de la population ! Le pays se donne en tout cas les moyens de ses ambitions avec pas moins de 40 ouvertures d’ambassades. Mais tout n’est pas parfait puisque le pays reçoit finalement peu d’appuis de ses proches partenaires, par exemple à l’ONU dans ses démarches pour un nouveau siège. Enfin certains analystes s’enthousiasment peut-être un peu vite en imaginant une nouvelle manière d’être puissant, tout en étant solidaire, puisque le comportement de sa FMN Pétrobras augure mal d’une gestion consensuelle des ressources.

Quel bilan économique et politique pour Lula ?

A propos de cette question, les auteurs soulignent combien il est parfois difficile d’obtenir une image assurée. L’article de Pierre Salama est assez technique et nécessite quelques connaissances économiques pour partie. On en retient néanmoins que le coefficient de Gini s’améliore au Brésil. Les statistiques officielles montrent également l’émergence réelle d’une nouvelle classe moyenne synonyme de société de consommation. Ces bonnes nouvelles économiques ne doivent pas faire oublier que la possibilité de consommer n’est qu’un aspect de la citoyenneté et ne peut donc s’y réduire.
Marie-Hélène Sa Vilas Boas choisit de concentrer son attention sur une question délicate à savoir la façon dont le Parti des travailleurs a évolué sachant qu’il était au pouvoir. Elle montre bien qu’il a eu tendance à devenir un parti comme un autre, mais que parfois, il réaffirme son positionnement, sa spécificité au travers de programmes symboliquement très forts.

Bref, on a là un utile bilan de ces huit années de présidence Lula, et comme le Brésil est un pays souvent évoqué en seconde, notamment dans le chapitre sur « Nourrir les hommes », on trouvera donc dans cette revue d’utiles mises au point pour aller plus loin.
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