Heureux retraité au mauvais bilan carbone confessé, Antoine Bailly a souhaité avec ce petit ouvrage s’essayer à l’« autobiographie géographique », une manière de retracer spatialement sa carrière en proposant sa lecture du monde et en livrant quelques conseils aux jeunes géographes.

Le livre alterne une chronologie du parcours rimant avec un élargissement des échelles spatiales (l’enfance à Belfort; les études et les premières armes à Besançon, Philadelphie, Edmonton et Paris; l’essentiel de l’œuvre à Genève pendant 25 ans) avec de nombreux petits encarts (39 au total sur 95 pages) distillant études de concepts, regards sur l’actualité et anecdotes personnelles.

Ces « mini-leçons » traitent par exemple des attentats du Bataclan, une affaire éminemment spatiale ; des conflits d’usage à l’échelle du quartier où les populations les plus défavorisés créent l’appropriation sauvage par la violence et les plus aisés l’appropriation légale par les moyens juridiques ; des relations ville-campagne et de « l’effet barbecue » qui montre que le rurbain ne coûte pas plus cher à la collectivité de par des déplacements en semaine compensés par une stabilité le week-end et durant les vacances puisqu’il y possède les aménités paysagères désirées.

Le détail de l’apport scientifique notoire d’Antoine Bailly est présenté au travers des grands thèmes qui ont successivement et cumulativement jalonné sa carrière : la modélisation (pas simple à mettre œuvre à l’époque au vu des traditions classiques) ; l’humanisation (pour ne pas être prisonnier de la modélisation justement) ; l’enseignement (nombreux sont les manuels à destination d’étudiants parmi ses publications) ; la régionalisation (initialement défrichée à Philadelphie avec des collègues de science régionale) ; l’application (avec l’exemple de la médicométrie qui, hélas, n’a pas été vue comme autre chose qu’une autre thématique académique alors qu’elle aurait pu servir la santé publique de manière pratique).

Le discours nous permet d’apprécier les coulisses des nominations, invitations et autres gratifications et malgré un gros clin d’oeil à l’œuvre de Paul Claval, l’auteur ne se prive pas d’écorner le système français (bachotage stérile de l’agrégation, production scientifique uniquement faite en français, forte dispersion des thématiques de la géographie actuelle, FIG devenu trop replié sur lui-même) d’autant plus clairement qu’il a pu comparer à l’international.

Là où les biographies se résument souvent à une liste de publications et de responsabilités laissant transparaître un cursus linéaire, l’exercice proposé ici s’affiche comme une façon intéressante et originale de présenter l’œuvre de l’auteur. Et, bien qu’occupé par les activités vitivinicoles et les croisières, Antoine Bailly a encore des choses à dire et continue à communiquer et à écrire articles, préfaces, chapitres d’ouvrages et ouvrages entiers tout en ayant un rôle éditorial, précisément chez Economica Anthropos.