Cette très belle collection « Archéologie de la France » des éditions la Découverte a déjà suscité l’intérêt des rédacteurs de la Cliothèque. Les ouvrages consacrés au paléolithique, à l’âge du fer en France et à l’âge du bronze, n’ont pas laissé indifférents nos rédacteurs. C’est encore le cas avec ce mésolithique, qui présente la période intermédiaire entre le paléolithique et le néolithique. Cette période qui s’étend entre – 10 000 et -5000 avant notre ère et marquée par un changement climatique.

Avec la fin de la dernière période glaciaire, la steppe et la taïga des chasseurs de mammouth cèdent le pas à une forêt plus tempérée. Les hommes et les femmes du mésolithique doivent s’adapter et gérer ce que l’on pourrait appeler une certaine abondance. Ils restent pourtant des chasseurs et des cueilleurs et ils auront à cohabiter, peut-être difficilement, avec les premières sociétés agropastorales qui commencent à se mettre en place vers le VIe millénaire. Cette population de chasseurs n’a plus forcément la possibilité de s’attaquer aux grands herbivores du paléolithique, comme le mammouth ou le rhinocéros à poils laineux, mais elle doit gérer un gibier de taille plus modeste mais sans doute beaucoup plus abondant. Les armes de chasse sont particulièrement sophistiquées, et leur petite taille ne les rend pas moins redoutable, les pointes de silex avec des barbelés datent de cette époque. Le terme de mésolithique a été finalement admis au tout début du XXe siècle.

Transition ou régression ?

La question qui se posait était celle de la transition avec le paléolithique tant du point de vue de la datation que délocalisation. Le mésolithique quand même été considéré comme le parent pauvre des études et des préhistoriens, coincé entre le « bel âge du renne » et les lumières de la civilisation agropastorale. Le terme de régressif a même été utilisé pour qualifier ce peuple de chasseurs-cueilleurs. Ce sont les études d’ethnologie des chercheurs du nord de l’Europe et des États-Unis qui ont permis aux études sur le mésolithique de sortir de leur indignité. Des travaux de stratigraphie menée avec une plus grande rigueur ont permis de dégager les traits originaux de cette culture. Les chercheurs actuels refusent d’ailleurs le terme de transition encore accolé à cette période. Il s’agit au contraire pour eux d’un moment particulier, basé sur des stratégies de prédation adaptée à des écosystèmes tempérés forestiers, montagnards aux marins, assez proche des nôtres, et de la mise en place de représentations symboliques et de grandes nécropoles. Pour les chercheurs de cette période il s’agit également d’une civilisation européenne à part entière, contrairement à ce que l’on pensait au début du XXe siècle, où l’on situait ce développement en Afrique.

Culture européenne sophistiquée

Cette culture mésolithique est également très variée avec des influences diverses, notamment dans la fabrication des armes de chasse. C’est également à ce moment-là qu’apparaissent des premiers outils à emmanchements complexes, mais aux formes variables, selon que l’on se situe au nord ou au sud de l’Europe. Il semblerait que les populations méditerranéennes négligent quelque peu les outils lourds. Cette civilisation se caractérise aussi par un usage maîtrisé de la navigation côtière. Les cours d’eau de grands et de petits débits sont parcourus grâce a des pirogues. Enfin c’est à ce moment là qu’apparaissent les premières grandes nécropoles, avec une différenciation entre deux perceptions de la mort. Les dépôts dans les sépultures de restes d’animaux associés aux inhumés ne se trouvent pas de façon uniforme. Le mésolithique peut se diviser également en deux grands ensembles. Le premier mésolithique d’Europe occidentale produisait des éclats et des lames relativement irréguliers, avec l’utilisation d’un percuteur de pierre, tandis que le second mésolithique voit l’apparition d’un débitage de lames régulières aux nervures parallèles, grâce à de nouvelles techniques de débitage qui font intervenir un élément intermédiaire utilisé directement par pression ou comme élément médian.

Sympathiques… génocidaires et cannibales

En France le néolithique ancien apparaît vers -5800 sur la côte méditerranéenne, et vers -5400 en Languedoc. Des néolithique se sont implantées assez rapidement sur tout le territoire, à l’exception peut-être de la Bretagne et de la mer du Nord, mais la cohabitation avec les peuples de chasseurs-cueilleurs a été suffisamment importante. Le mésolithique se caractérise aussi par des innovations techniques comme l’utilisation du tranché ou la très sophistiquées technologies de l’os permettant de réaliser des outils de toutes sortes. Enfin, les premiers signes de domestication du chien sont perceptibles notamment dans les Bouches-du-Rhône ou en Bretagne. Des sépultures canines ont également été mises au jour au Danemark et aux Pays-Bas. Les techniques de pêche sont également très élaborées et les hameçons ou les harpons en os permettent d’imaginer la capacité à réaliser des fils fins et solides pour sortir de l’eau des proies importantes.
Enfin, il semblerait que ces chasseurs et cueilleurs du mésolithique se soient livrés à des actes de violence particulièrement nombreux. Il semblerait même que les décapitations rituelles étaient pratiquées fréquemment après un combat. En Bavière se sont 34 crânes et mandibules qui ont été retrouvés, et la moitié des victimes de ce massacre étaient des enfants âgés de un à 10 ans. La thèse des accidents de chasse qui a longtemps été utilisé pour justifier les blessures retrouvées sur les corps dans la nécropole n’est plus aujourd’hui défendue par personne. Il semblerait aussi que les victimes de ces raids subissaient de la part de leurs vainqueurs la pratique du cannibalisme.

Comme tous les ouvrages de la collection, cette étude sur le mésolithique est remarquablement illustrée avec des photos et des schémas très bien réalisés et sans aucun compromis pour les légendes. Les deux auteurs de cet ouvrage parviennent d’ailleurs à faire rêver les lecteurs en les conduisant à travers bois, ou sur les grèves de plages sauvages sur les traces de ce redoutable prédateur qu’est l’homme à toutes les époques. Pas sûr que ces mésolithiciens aient été les plus redoutables.

© Bruno Modica