Le monde selon Monsanto est un monde où les OGM doivent sauver le monde de la faim. Alors qu’en ce mois d’avril 2008, en France, l’Assemblée nationale et le Sénat examinent un projet de loi sur les OGM tant controversés. Alors, qu’en 2008, partout dans le monde, les prix des denrées alimentaires ne cessent d’augmenter et que les réserves mondiales n’ont jamais été aussi basses. Alors que partout dans le monde éclatent des émeutes de la faim, la nouvelle enquête de Marie-Monique Robin « Le monde selon Monsanto » permet d’alimenter le débat. Il s’agit avant tout d’un ouvrage à charge, car on comprend très vite que ce monde, l’auteur n’en veut pas car les pratiques de cette firme pour imposer ses produits sont pour le moins contestables et surtout meurtrières.

CR par Arnold Desaintjean

Marie-Monique Robin utilise une méthode de recherche originale, elle utilise Internet comme base de recherche. Elle retrouve alors des documents déclassifiés, des rapports et des articles de presse qu’elle recoupe avec l’histoire de la firme. Puis l’auteur enquête sur le terrain, elle confronte, dans son enquête, la parole de Monsanto à la réalité du terrain.

Cet ouvrage est celui d’une journaliste et réalisatrice. L’auteur s’est distinguée après avoir étudié le journalisme à Strasbourg, par de nombreuses enquêtes retentissantes. Elle a obtenu par exemple le prix Albert Londres pour son livre et son film documentaire intitulé « Voleurs d’yeux » sur le vol d’yeux à des enfants de Colombie, pour fournir les hôpitaux des pays riches. Elle travaillait alors pour l’agence CAPA. En 2004, elle a publié et réalisé un documentaire sur les liens entre l’opération Condor lors de la Guerre d’Algérie et la pratique de la torture par l’armée française, intitulé « Escadrons de la mort, l’école française ». Depuis 2004, Marie-Monique Robin s’intéresse à la biodiversité. Elle a travaillé pour la chaîne de télévision franco-allemande « Arte », pour qui elle a réalisé plusieurs documentaires en 2005 : « Les pirates du vivant » sur la course aux gènes et les géants de la biotechnologie ; « Blé, chronique d’une mort annoncée » sur l’histoire de la biodiversité et des menaces qui pèsent sur le blé ; « Argentine, le soja de la faim » sur le bilan des cultures transgéniques dans ce pays. En 2006, elle publie « L’école du soupçon » sur les dérives de la lutte contre la pédophilie.
Partant de ses précédentes enquêtes sur la biodiversité et les biotechnologies, Marie-Monique Robin a constaté qu’elle rencontrait systématiquement la firme fondée en 1901 à Saint-Louis dans le Missouri, Monsanto. C’est avant tout une firme agrochimique. Elle fabrique d’abord de la saccharine et de l’aspirine, puis des plastiques et des fibres synthétiques, comme le polystyrène, mais aussi des phosphates et des PCB (polychlorobiphényles).

L’ouvrage se divise en trois grandes parties. La première est consacrée aux grands actes de pollution de Monsanto. Marie-Monique Robin s’applique à démontrer quelles sont les implications de Monsanto dans les trois cas de pollution avérés et les efforts fournis par la firme et ses dirigeants pour dissimuler, cacher et nier son implication.
Cela concerne le scandale des PCB, utilisés comme lubrifiants industriels, de la dioxine, « l’Agent Orange » utilisé pendant la guerre du Vietnam, et de l’hormone de croissance. Elle épluche les méthodes de dissimulation des études scientifiques ou leur manipulation afin de montrer l’innocuité de ses produits. Elle montre comment la firme fait aussi la chasse aux « lanceurs d’alerte », ces hommes et ces femmes qui travaillent dans les institutions publiques ou de grandes entreprises et qui, à un moment, considèrent que ces dernières mettent en danger la population ou l’intérêt public en violant une loi ou une réglementation. Cependant, comme Monsanto possède des alliés auprès de l’Agence de protection de l’environnement (EPA), de la Food and drug administration (FDA), à la Maison Blanche ainsi que dans bien d’autres administrations. Les lanceurs d’alerte sont souvent mis au placard.
Pour finir, l’auteur présente le Roundup (« rafle » en Anglais), le produit phare de Monsanto. Il s’agit d’un désherbant total qui a fait l’objet d’une campagne de publicité monstre où un chien prouvait que le produit était biodégradable et sans effet sur l’environnement. On apprend dans cette partie comment Monsanto a menti sur la biodégradabilité et l’innocuité du Roundup sur l’environnement et l’homme. Les études, en France, du professeur Robert Bellé sur des cellules d’oursin, montrent que le Roundup induit les premiers effets qui mènent au développement du cancer. De plus, il pourrait provoquer des troubles de la reproduction. De nouveau, les études sont occultées par une campagne de dénigrement.

Dans la deuxième partie, Marie-Monique Robin explique comment le Monsanto de la chimie, s’est transformé en Monsanto de la biotechnologie grâce à Robert Shapiro, le PDG de 1995 à 1999, qui est à l’origine de la course aux semences et de la stratégie de brevetage de tous les composants « vivants » où elle a pu insérer le procédé Roundup Ready comme le soja, le maïs, le coton…
En 1993, Monsanto dépose le brevet de son premier soja résistant au Roundup : le Soja Roundup Ready (RR). Par l’intermédiaire d’un lobbying important auprès des organismes étatiques (FDA, EPA, Maison-Blanche…), alors qu’il n’existe aucun produit OGM sur le marché, elle exige…qu’ils soient réglementés ! En réalité, Monsanto voulait une apparence de réglementation pour être couverte par la FDA. C’est ainsi qu’il est établi que les OGM ne présentent aucun risque. C’est le principe de l’équivalence en substance qui prouve que les OGM sont « grosso modo » identiques à leurs homologues naturels. Ce « grosso modo » est aujourd’hui au cœur du débat.
Marie-Monique Robin pose la question des dérives : l’interdiction pour les agriculteurs de garder les semences d’une année sur l’autre, les attaques en justice et la dissémination naturelle puisque les graines de soja peuvent être transportées par le vent, les oiseaux, les camions lors des transports ou les moissonneuses puisqu’il n’existe pas de filière dissociée aux Etats-Unis entre les plantes OGM et les plantes conventionnelles. Enfin, la culture du soja RR demande toujours plus d’herbicide et les mauvaises herbes développent de plus en plus de résistances au glyphosate, ce qui demande de multiplier les doses de Roundup par trois ou par quatre pour en venir à bout : une aubaine pour Monsanto, un désastre financier pour les agriculteurs.

La troisième partie de cet ouvrage décrit la stratégie de Monsanto dans les pays du Sud. Le but, imposer la culture exclusive de ses plantes. Un exemple parmi ceux cités par l’auteur : l’Argentine. Le Soja y occupe aujourd’hui plus de 60% des terres cultivées à tel point que l’on parle de « sojisation du pays ». 37 millions de tonnes récoltées sur 14 millions d’hectares sont issus du soja transgénique RR. Ce dernier est principalement exporté vers l’Europe et la Chine. Ce succès est à attribuer à la crise économique de 2001. Le soja est devenu pour l’Etat un moyen d’éviter la faillite, mais une catastrophe pour les paysans. Le prix de la terre a flambé. Les petits propriétaires ont vendu leurs terres favorisant ainsi la concentration de la propriété foncière. 16 millions d’hectares appartiennent à des groupes agro-industriels.
En Argentine, l’Etat a cependant refusé de laisser Monsanto déposer un brevet sur ses semences transgéniques, ce qui a permis aux paysans de ressemer sans payer de droits d’exploitation. La firme a alors vendu ses semences trois fois moins cher qu’aux Etats-Unis pour s’emparer de tout le marché argentin.
Conséquences : recul des cultures vivrières qui oblige l’Argentine à importer des produits qu’elle exportait auparavant comme le lait. Augmentation du prix des produits de consommation de base. Le gouvernement argentin encourage à substituer le lait et la viande par du lait de soja et des steaks de soja !
De la même manière, les Argentins assistent impuissants aux effets néfastes du soja RR : l’utilisation massive du Roundup Ready entraîne les phénomènes observés aux Etats-Unis comme la résistance accrue de certaines « mauvaises herbes ». Il faut donc de plus en plus de Roundup pour en venir à bout. Les sols sont épuisés, la stérilisation progressive des sols entraîne une baisse de rendement et l’appel aux engrais chimiques, ce qui augmente les coûts de production…
En termes sanitaire et environnemental, les implications sont nombreuses. Les épandages par avion des « mosquitos » manquent de précision et font courir des risques mortels aux populations qui habitent près des champs : anomalies de fécondité, fausses couches, morts fœtales, dysfonctionnements de la tyroïde et de l’appareil respiratoire…
Enfin, la course aux surfaces cultivées entraîne la déforestation de la forêt primitive accueillant une biodiversité unique au monde.

Dans la classe : Cet ouvrage peut être utilisé pour alimenter le débat sur les rapports Nord/Sud, sur la notion de mondialisation, de risques majeurs et de sécurité alimentaire. Les collègues de Troisième, Seconde et Terminale pourront y trouver des exemples à utiliser en classe. On peut imaginer qu’en ECJS, cette enquête, que l’on retrouve sur Internet (https://www.combat-monsanto.org/) pourrait faire l’objet d’un débat sur les OGM. Les élèves pourraient être amenés à confronter les différents arguments défavorables aux OGM à ceux qui leur sont favorables sur d’autres sites (https://www.ogm.org/ par exemple).
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Cr par Bruno Modica

Une fois le visionnage de ce DVD terminé, le jardinier amateur a toutes les raisons de se précipiter vers les étagères de son garage sur lesquelles il range les produits phytosanitaires qu’il utilise pour voir s’il ne possède pas un petit bidon vert contenant du Roundup. Ce produit, l’herbicide le plus vendu au monde est diffusé par une multinationale fondée en 1901 qui est devenue un géant mondial de l’agriculture.
Mais derrière ce produit, commercialisé il y a encore un an avec la mention « biodégradable », se dissimule une redoutable société qui ne semble pas animée par les meilleures intentions du monde malgré ce qu’elle affiche sur son site.

Ce film est le récit d’une enquête obstinée de la vidéaste Marie-Monique Robin qui a réalisé de multiples documentaires depuis au moins 1989. Dans la présentation de ce travail elle raconte comment, à partir d’un usage du moteur de recherche vedette, elle a pu retracer l’histoire des pratiques de cette firme. Internet est en effet un formidable moyen d’investigation mais également une arme à double tranchant. La vidéographie de Marie- Monique Robin a été forcément examinée avec attention par les chargés de communication de la firme et cela explique leur attitude. L’entreprise ne permettra pas à la journaliste d’interviewer les concepteurs des produits de cette firme. Il est vrai que lorsque l’on regarde les noms sur le boîtier du DVD, en dehors du Roundup, la marque vedette, On découvre le pyralène, l’agent orange, la dioxine, le PCB, c’est-à-dire l’hormone de croissance, et même l’aspartane qui se trouve dans de nombreux produits light ou présumés tels.

À partir de cette recherche sur le net, la journaliste a donc « tracé » ou « traqué », comme on voudra les différentes actions de Monsanto dans le monde et surtout leurs conséquences. Firme chimique au début du siècle et même après la seconde guerre mondiale, elle a évolué vers le génie biologique pour devenir la conceptrice de différentes molécules destinées à l’agriculture. Toutefois, dès 1949 une ville entière des Etats-Unis, (Anniston), a été contaminée de façon massive et de nombreuses maladies touchant les habitants se sont développées. L’enquête réalisée montre que dès 1937, la firme connaissait la toxicité de ce produit qui n’a finalement été interdit en France qu’en 1987…
Certes l’entreprise à l’origine de cette pollution massive en 1989 a été condamnée à payer 700 millions de dollars aux 20000 habitants qui ont porté plainte mais cela n’est qu’une goutte d’eau dans l’océan des profits générés par cette production de polychlorobiphényles (PCB) aussi appelés biphényles polychlorés. Ils sont parfois dénommés à tort « Pyralènes » dans les régions et pays francophones (du nom commercial d’un produit à base de PCB autrefois très utilisé en Europe, dans les transformateurs).
Dès le premier incident ou accident, l’entreprise a pris l’habitude de mentir de façon éhontée sur les conséquences de ses pratiques. Parfois condamnée comme on vient de le voir plus haut, elle a été amenée à développer une redoutable stratégie de lobbying actif pour changer son image et se présenter comme une entreprise éco-citoyenne, soucieuse de développement durable et de sécurité alimentaire.

Le roundup est également montré du doigt car il intervient dans le dispositif visant à promouvoir, depuis maintenant vingt ans aux Etats-Unis les sojas génétiquement modifiés, appelés roundup ready. Le produit qui est présenté comme inoffensif sur les emballages destinés aux particuliers est semble-t-il toxique à moyen terme. En fait, lors de sa diffusion trois cadres de la federal drugs administration semblent avoir été approchés par la firme qui leur a proposé deux millions de dollars à chacun pour que leurs conclusions soient favorables à Monsanto.

Le film démonte les différents moyens que la firme utilise pour s’imposer y compris dans les grands pays développés. Si l’on a la curiosité de voir ce qui se passe sur le site de Monsanto France par exemple, on s’aperçoit que la firme s’affiche comme le défenseur de la liberté de choix des agriculteurs et dénonce avec vigueur les positions prises à la suite du grenelle de l’environnement même si elles n’ont pas été d’une clarté lumineuse.
L’affaire de l’hormone de croissance, heureusement interdite en Europe et au Canada a montré aussi quelles étaient les méthodes de l’entreprise. De très nombreux allers-retours entre Monsanto et les administrations fédérales permettaient de disposer de soutiens parfois décisifs.

Pour le professeur d’histoire géographie, ce DVD dans sa seconde partie montre avec beaucoup de clarté les conséquences sur les sociétés paysannes de l’introduction des semences OGM dans les pays en développement. Monsanto a racheté les semenciers indiens pour imposer sa semence de coton BT, évidemment brevetée et vendue quatre fois plus cher que la conventionnelle. Elle se révèle moins résistante que prévu aux maladies et serait à l’origine de mauvaises récoltes conduisant à des suicides pour causes d’endettement.
Au Mexique, le foyer originel du maïs, même les espèces indigènes sont contaminées par la dissémination transgénique et cela a eu bien entendu des conséquences sur le développement local. Peu à eu, d’après la journaliste et les témoignages qu’elle filme, les sociétés paysannes s’organisent et cherchent à résister à cette guerre biologique menée à partir de la dissémination transgénique.

Par contre, un pays comme le Paraguay semble avoir perdu cette guerre. Peu à peu, par les biais d’importations non autorisées le soja transgénique s’est imposé dans le pays et la concentration des terres s’est accentuée. L’État paraguayen a dû autoriser ces importations sans doute pour satisfaire les 2 % de propriétaires terriens qui possèdent 40 % des terres et aussi pour préserver ses sources de devises en raison de la flambée des prix.
Certes le documentaire est une charge sévère contre Monsanto et il appartiendra au professeur de nuancer certains propos, toutefois on notera que la firme malgré de gros efforts de communication refuse de répondre à des questions précises et sans donner le moindre argument.
On aurait peut-être pu ajouter à ce documentaire quelques éléments sur les agriculteurs français qui ne se limitent pas à José Bové. Il est clair par exemple que les gros céréaliers sont plutôt favorables aux OGM. Moins de travail de traitement, de gros rendements pour des cours qui flambent. De quoi donner aux agriculteurs du nord de la France et du bassin parisien quelques bonnes raisons d’espérer. On aurait bien aimé les entendre et les voir dans ce reportage, à moins qu’ils n’aient appliqué le vieil adage « pour vivre heureux vivons caché ».

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