La série « Jour J » compte à l’heure actuelle plus de trente volumes qui abordent des événements historiques, y compris très contemporains comme cette série de trois albums intitulés Le Prince des ténèbres. Plusieurs scénaristes ont élaboré cette histoire qui débute en 2005, au moment de l’investiture de John Kerry, sorti vainqueur de la confrontation avec George Bush. La réalité est évidemment bien différente, puisque l’ancien vice-président démocrate de Bill Clinton a bien été battu aux élections de 2004. Il faudra attendre 2008 et la victoire de Barack Obama pour que le parti de l’âne, retrouve la Maison-Blanche pour deux mandats.
Le personnage central de l’histoire, construit sur le mode de la fiction réaliste, est un agent du FBI, O’ Neill, appelé par ses collègues, comme par le directeur de l’agence fédérale, le prince des ténèbres.
L’action commence en 1996, à la suite d’un attentat contre un immeuble en Arabie Saoudite, causant une vingtaine de victimes américaines. Dès leur arrivée sur place, les agents du FBI découvrent l’existence du groupe de travaux publics appartenant à la famille Bin Laden. Très rapidement les enquêteurs se heurtent à la susceptibilité des services de renseignement saoudiens, dont on peut supposer qu’ils ne sont pas véritablement très nets dans cette affaire. Référence directe à l’actualité immédiate, les Iraniens sont pour les saoudiens des coupables tout désignés.
On se laisse prendre assez rapidement dans cette histoire, même si on a du mal à comprendre comment une équipe du FBI peut enquêter à l’étranger, alors qu’il s’agit habituellement des prérogatives de la CIA. L’essentiel de l’action se déroule pendant cette période où à la suite du départ des troupes soviétiques d’Afghanistan, la guerre civile entre les talibans et les forces du Nord se termine par la victoire des islamistes. L’histoire se déroule évidemment sur un fond de rivalité entre agences, puisque la CIA intervient sur le territoire des États-Unis, tandis que le FBI poursuit une enquête à l’étranger.
Le scénario se révèle particulièrement sophistiqué, et sur plusieurs planches on retrace la trajectoire de Bin Laden, organisateur de transfert d’armes via le Pakistan pendant la période de l’occupation soviétique de l’Afghanistan, et en rupture avec la famille des Saoud lorsqu’a lieu la première guerre du Golfe avec l’invasion du Koweït par Saddam Hussein. C’est pendant le deuxième mandat du président Clinton que les premiers attentats organisés par Al Qaïda se déroulent dans la réalité, et ils sont repris dans la fiction, avec un fil conducteur qui emprunte différentes pistes. Pendant ce temps Bin Laden se réfugie au Soudan, avant d’en être expulsé et de s’installer en Afghanistan. On sait que c’est à partir de ce pays, protégé par les talibans, qu’il organisera les attentats du 11 septembre.
Il n’est bien entendu pas question de déflorer l’histoire, mais il faut rappeler que le personnage principal, l’agent John Patrick O’Neill est bien un personnage réel, coordonnateur de la lutte antiterroriste au titre du FBI en 1995, et il semblerait qu’il ait tiré la sonnette d’alarme, sans être forcément entendu, à propos de la menace que le groupe Al Qaïda pouvait constituer. Démissionnaire du FBI en août 2001, il est nommé chef de la sécurité du World Trade Center et commence à y travailler le 11 septembre. Son corps ne sera jamais retrouvé.

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Bruno Modica, pour Les Clionautes