Cette collection originale propose des itinéraires historiques dans un lieu précis afin de suivre le fil de l’évènement au plus proche de l’action, tout en se promenant. L’initiative en revient à des universitaires, historiens et archéologues des universités du Sud Ouest, attentifs à tous ces signes laissés dans l’espace, sur les murs et les sols. Ils en appellent aux témoins de l’époque qui donnent leur interprétation écrite.

Là, il s’agit de courir derrière les soldats de Charles Quint qui déferlent sur Rome après leur victoire de Pavie. Un premier chapitre très clair restitue le contexte de ces années 1520-1527, la Rome impie, la «Babylone de tous les vices » où les papes successifs modifient leur position, entre Concordat de Bologne, roi de France et Empereur, dans une inquiétude qui alourdit l’atmosphère de Rome malgré les magnifiques chantiers entrepris dans des palais sous la protection de Clément VII.

Le texte se lit ensuite sur place, livre en main avec la description du paysage, des bâtiments, du point de vue, dont l’auteur signale ce qui était visible à l’époque, ce qui n’était pas construit. C’est à la fois un guide topographique et iconographique, lieu par lieu, et à la fois le récit du détail de l’événement, heure par heure. Cette reconstitution est assez captivante.

« L’enfer était une vue plus belle à contempler » Marino Sanuto

Le trajet part de la place de la Basilique Saint Pierre, sans son dôme, sans sa façade, sans les travaux du Bernin. Les tombeaux des papes sont profanés, les chambres peintes par Raphaël occupées par la soldatesque ; le feu ravage les appartements pontificaux. Les survivants du sac de Saint Pierre, le pape, les quatorze cardinaux et leur entourage fuient par la muraille crénelée, le passetto vers le Château Saint Ange où ils seront assiégés un mois durant lequel Benvenuto Cellini prétendra plus tard avoir fait jouer les pièces de canon en s’amusant à bombarder la rive droite. Pendant ce mois, Rome est systématiquement mise à sac, rançonnée, humiliée, suppliciée, détruite comme un acte nécessaire de destruction pour une régénération luthérienne. On suit ces bandes armées sur les places, passant les murailles, découvrant les chantiers en cours, entrant dans les palais et notamment la villa Farnésine.

Ces soldats luthériens dans leur violence destructrice, sont alors confrontés à la beauté de ces fresques toutes fraîches, aux inspiration mythologiques, païennes, végétales qui les répugnent tant (p 45). Alors ils font des graffitis au fusain ou au couteau sur les trompe-l’œil de Peruzzi, traces encore visibles de nos jours. Ce sac met un coup d’arrêt aux chantiers urbains de la Renaissance romaine avant de les réorienter vers une rénovation, bien plus ambitieuse, la rénovation de l’Eglise chrétienne.

La présentation, la rédaction et la mise en page de ce petit fascicule sont très agréables. Nous n’avons pu tester la formule numérique. L’ouvrage est imprimé sur du papier écologique, ce qui assez rare pour le souligner. Les illustrations en couleur agrémentent les pages avec de gros plans. Les marges sont, si nécessaires, remplies de biographie, vocabulaire et références instructives. A la fin de l’ouvrage, on trouve un lexique archéologique, architectural et de vocabulaire associé à l’histoire des arts qui précède une bibliographie sur le sujet traité. C’est un éclairage érudit et passionnant sur un épisode oublié des programmes scolaires, qui fit plus de 10 000 victimes.
On a juste envie de partir pour Rome avec ce guide en poche, armé de la carte très lisible que l’on rêve de déplier en haut du Janicule.

© Pascale Mormiche