Avec l’arrivée des Allemands au matin du 14 juin 1940, le château entrait dans la période trouble des années d’Occupation une éclipse qui dura près de quatre ans jusqu’à la Libération, le 25 août 1944.

Dans son introduction, l’auteure Claire Bonnotte développe son travail de recherche, son parcours et rappelle les différents enjeux qu’a présenté Versailles depuis le traité qui porte son nom en 1919. Elle s’attache à montrer avec finesse son travail commencé quelques années plus tôt, où elle nous fait découvrir le château de Versailles quasi vide. Quand on parle de Versailles à cette époque, ce n’est pas seulement le château dont il s’agit, c’est aussi et surtout la ville.

 

Le premier chapitre intitulé « Une drôle de paix » revient plus longuement sur l’histoire de ce château symbole à la fois de paix et de guerre, à l’image des deux salles entourant la célèbre galerie des Glaces. L’auteure remonte à 1814 et à l’arrivée des Prussiens et Russes dans l’ancienne cité royale qui resteront non pas sans passivité jusqu’en décembre 1815. Mais c’est en 1871 que des tableaux furent détériorés, comme celui de La bataille de Lutzen, le 2 mai 1813, qui fut transpercé par la lame d’un sabre d’un soldat prussien. C’est néanmoins surtout à cause de l’humidité et des problèmes de chauffage que les collections du château souffraient. Le château fut choisi comme lieu du sacre de l’empereur Guillaume Ier, le 18 janvier 1871 dans la galerie des Glaces. Tout un symbole donc pour inaugurer le IIe Reich, dans ce lieu où Louis XIV avait ordonné la mise à sac du Palatinat en 1688-89 lors de la ligue d’Augsbourg. Peu après, un climat germanophobe s’installa, particulièrement vif à Versailles.

Cependant, on aurait tort de penser que parmi les autres conflits, la Grande Guerre aurait eu un impact sur le château. Le conflit laissa moins de traces que celui de 1870-71 car les troupes allemandes n’ont pas réussit à remonter jusque-là. Dès 1914, des mesures ont été prises pour protéger les œuvres des jardins et du musée, qui ferma d’ailleurs le 2 septembre. Néanmoins, on rouvrit partiellement le musée et les Trianons en avril 1915, deux jours par semaine. Une foule importante se déplaçait pour admirer les Grandes Eaux le dimanche ; de nombreux concerts étaient organisés au profit des blessés de guerre. Dès 1917, les jardins étaient transformés en « pépinières nationales » pour assurer l’alimentation des soldats. En 1918, avec le rapprochement du front, on décida d’expédier des tapisseries, des tableaux dans le Midi mais aussi dans les différentes ailes du château, notamment dans les sous-sols de l’aile Gabriel qui ont été murés. Une partie des bronzes et des marbres du parterre d’Eau sont enterrés sous des sacs de terre et de branchage.

A partir de 1918, la ville hébergeait les représentants des puissances victorieuses. Le New York Tribune ironisait sur le fait que l’Allemagne se trouvait enterrée à Versailles, au lieu même de sa naissance. Surtout connu pour son traité signé dans la galerie des Glaces le 28 juin 1918, il ne faut pas oublier qu’il y eut le traité de Trianon, signé au Grand Trianon le 4 juin 1920 pour régler le sort de la Hongrie.

A la suite de cette première guerre mondiale, les conservateurs du musée regrettèrent que les conditions de paix ne prennent pas en compte la récupération d’œuvres d’art, prises par les Prussiens en 1870-71.

Le chapitre deux est intitulé « De la drôle de guerre à la bataille de France« . Lors de ce chapitre, nous suivons avec précision les décisions prises pour évacuer ce qui pouvait l’être du château vers la province ; voire abriter les biens du château dans ses sous-sols. Ceci ne s’est pas fait sans péripéties et sans contestations. C’est un chapitre intéressant où l’on ne cesse d’apprendre en détails les différents enjeux que présentait l’évacuation des oeuvres du château.

 

Le chapitre trois, intitulé « Sous drapeau nazi » revient dès l’introduction sur le titre de l’ouvrage. En voici un extrait :

« Au petit matin, le souffle de l’explosion de la poudrière de Satory occasionna quelques dégâts au château […]. Dans le ciel, les fumées du sinistre avaient occulté la lumière telle une éclipse ».

Au cours de ce chapitre, nous apprenons les différentes dégradations qu’on causé les visiteurs allemands dans le château et dans son domaine. La cause des visites, pourquoi c’est un monument incontournable pour les soldats. Mais aussi nous apprenons les conditions difficiles de la vie quotidienne pour les quelques employés du château, les soldats et les habitants de la ville. Du positif comme du négatif parcourait les lieux. Le musée était dépouillé de ses œuvres expédiées en lieu plus sûrs, mais aussi volé de toutes sortes d’objets par les visiteurs. Le mauvais état du château pouvait, comme le dit l’auteure, renforcer l’orgueil des Allemands en juin 1940, mais il le rendait inapte au rôle qu’Hitler souhaitait probablement lui donner, c’est-à-dire en faire le lieu du prochain Traité de paix. C’est pourquoi les autorités allemandes se sont attachées à faire renaître le château et son domaine en les nettoyant et restaurant. Malgré l’Occupation, la vie reprenait son cours. Les responsables du château qui avaient fuit l’avancée des troupes allemandes reviennent, mais pour certains ce sont les règlements de compte qui interviennent.

 

Le chapitre quatre est intitulé « Un patrimoine sous collaboration« . On y trouve différentes informations quant aux collections d’œuvres d’art spoliées aux Juifs pendant l’Occupation mais aussi ce qu’a fait le maréchal Pétain pour Versailles. Petit à petit, le château, alors dégradé en raison de multiples facteurs, redevient plus vivant et eut de nombreuses restaurations (qui ont permit de découvrir des dessins qui n’ont pas subit les dégradations causées à la Révolution).

 

Le chapitre cinq nommé « Dans la guerre totale » reprend des éléments du chapitre précédent en ce qui concerne les spoliations des collections de particuliers, les achats d’objets pour la collection du musée. Egalement les difficultés du personnel, des Versaillais, des accès aux différents lieux du domaine, les dégradations, les restaurations….

 

Le dernier chapitre, « Versailles en exil« , revient sur les œuvres d’art mises à l’abri en province et celles à mettre hors Versailles dans l’idée d’une invasion. Il fallut à partir de la Libération les rapatrier au château. Certains disaient alors que la mise à l’abri causa plus de dégâts aux œuvres que la guerre elle-même.

 

L’ouvrage se termine par un ultime chapitre, « Conclusion« , où l’auteure rappelle que les Allemands ont quitté Versailles dans la nuit du 24 au 25 août 1944 après 1500 jours d’occupation (la plus longue de leur histoire). Les travaux de remise en l’état du domaine se fit à partir de 1945. Puis vint la restitution des séquestres, plus ou moins réalisée. Le bilan de l’occupation se fait donc lors des dernières pages de l’ouvrage.

 

Il est agréable d’avoir des photographies pour mieux comprendre le contexte et les protections faites pour les oeuvres ; mais celles-ci sont regroupées à la fin de l’ouvrage et non mises pendant la lecture.

 

Le seul reproche que l’on puisse faire à cette lecture, est d’être trop redondante. En effet, nous avons l’impression au fil des pages de tourner en rond, de relire ce que nous avons déjà lu. Aussi l’on se perd dans la lecture par rapport aux dates où nous passons en quelques paragraphes de 1940 à 1944 pour revenir dans le passé en 1942 et retourner encore dans le passé…puis dans le « futur ». Quelques fois cela rend la lecture difficile et indigeste. Néanmoins il faut souligner le fait que c’est un ouvrage fait avec beaucoup de sérieux et d’investissement en temps et en énergie. Félicitations au remarquable travail de l’auteure qui nous informe sur cette période méconnue du château de Versailles !