Professeur en lycée à Versailles et chargé de cours à l’université de Saint-Quentin-en-Yvelines, Eudes Girard propose ici, non pas un manuel de technique cartographique, mais davantage un décryptage de la portée politique des cartes. Pour appuyer son propos, l’auteur convoque l’histoire, « prévoir c’est gouverner ! », et la méthodologie, celle qui permet de faire dire aux cartes ce qu’on veut bien leur faire dire.

Si le propos commence bien, une anecdote accrocheuse d’un cours d’Henri Chamussy du début des années 1980 (celle d’un empereur chinois qui ne reconnaissait pas son empire sur la carte du fait de figurés trop simplificateurs à son goût et qui en souhaitait une représentation tellement grande pour rendre compte de l’immensité de son territoire qu’il ne pouvait finalement pas se servir de cette carte non assez réduite), le livre souffre hélas de trop nombreux défauts pour en faire une référence solide en la matière.

Plusieurs analyses concordent assez mal avec les illustrations qui y sont associées : l’absence de couleur dans l’ouvrage déjà qui ne peut pas autoriser un commentaire les évoquant (carte p 100 sur le potentiel de superficie des terres émergées qui montre 8 niveaux de gris dont on a peine à voir les nuances et qui donc en appelle à un regard sur du vert, du jaune et autre marron…) ; l’exercice de la comparaison avec une seule carte pour appui (p 121, comment saisir les différences repérables lors du passage d’une carte du golfe de Venise au 1/200.000 à une au 1/20.000 si cette deuxième n’est pas reproduite dans l’ouvrage ?) et surtout l’absence même de cartes pour se faire une idée de ce qui est dit (notamment le passage sur les cartes mentales, p 155, ou, plus encore, sur l’explication des types de projection et des méthodes de discrétisation des valeurs, p 95 et suivantes).

D’autres laissent un peu perplexe de par leur caractère plutôt « évident » : « toute carte a vocation à être dépassée et à devenir erronée » (p 25) ; « si l’on veut représenter la France métropolitaine (un relativement grand espace tout de même !), au 1/50.000, il faudrait presque 1000 cartes mises à bout…au 1/100.000, encore 74 cartes…. », et l’auteur, de conclure, que « tout cela, il faut bien en convenir, n’est guère pratique… » (p 130). Certes !

Ajoutons à cela un recours à Jacques Lévy un peu trop systématique, notamment sur la fin, et une réalisation bâclée : de nombreuses coquilles (p 8, deux fois d’ailleurs, notre « comte » chinois est évidemment un « conte » ; la citation précédente, p 130, il « faudrait » au lieu de il « vaudrait » ; p 168 « au grès du cartographe… », au « gré »D’autres se sont frottés à la question inverse lors de la [dictée de Gilles Fumey de ce FIG 2012.->http://www.clionautes.org/?p=2888] sans doute) et une gestion de la virgule farfelue, parfois en excès, parfois trop absente.

Pas tout à fait dans le même registre, on préférera, en lecture récente, l’ouvrage de Jean-Paul Bord sur l’univers des cartes.

Malgré tout, on pourra retirer de cet opus quelques bonnes cartes, parlantes et originales, puisées dans les archives de lectures de l’auteur : les cartes superposées de La Hire et Sanson pour expliquer les tâtonnements historiques des délimitations des côtes françaises (p 12) ; la carte tenant lieu elle-même de langage avec les illustrations de Tim, dans les années 1960, qui montrent le profil du Général de Gaulle comme contour offrant son nez à la Bretagne ainsi qu’à l’Alaska et au Kamtchatka (p 92-93) ; des cartes de diffusion des euros étrangers en France l’année de leur mise en service (p 104).