Les 8e conférences stratégiques annuelles associent des partenaires aussi divers que l’OTAN, des organes de presse, mais également le fournisseur des armées des Etats-Unis, Northrop Grumann pour ne citer qu’eux. Les intervenants sont des ambassadeurs, des parlementaires, des responsables politiques et militaires, des universitaires et chercheurs qui nous livrent leur vision des relations transatlantiques.
Entre la fin de la Guerre froide, le 9 novembre 1989 et l’effondrement des tours jumelles au cœur de Manhattan, jusqu’à la crise Euro-américaine lors des préparatifs d’intervention militaire contre l’Irak, les divergences d’analyses, de part et d’autre de l’Atlantique, n’ont eu de cesse de se creuser.
Pour autant, la tonalité de la plupart des interventions, va dans le sens de l’apaisement nécessaire des relations entre des partenaires dont le destin est indissolublement lié.

Une nouvelle équipe à Washington

La crise des relations transatlantiques a commencé dès l’arrivée aux affaires d’une équipe très éloignée des préoccupations Européennes. Il suffit de constater la différence d’approche entre l’administration Clinton, associant l’Europe aux tentatives avortées depuis de mise en place d’un processus de paix au Proche Orient et l’équipe de George W. Bush, réservant ses premiers voyages en Europe à l’Espagne, à l’Italie, à la Pologne et à la Grande-Bretagne. La France et l’Allemagne, bien avant la crise Irakienne, étant évitées.

Les Etats-Unis mettent en place une politique Atlantiste, contournant le noyau dur de l’Europe, le couple Franco-Allemand, qualifié d’Europe vieille quelques mois après l’accession au pouvoir de l’équipe Républicaine.

La référence Etatsunienne

L’ensemble des auteurs de communications, évoque directement ou indirectement le document de référence qui fixe la doctrine Etatsunienne en matière de sécurité. Cette dernière présentée dans un document de quelques dizaines de pages publiées en décembre 2002 est souvent rappelée par les intervenants. Certains, comme Paul Quilès, regrettant que l’Europe ne dispose pas, elle aussi d’une référence équivalente, sorte de livre blanc sur la sécurité nationale de l’Europe.
Mais justement, le débat serait sans doute sans objet si l’Europe en était arrivée à ce point d’intégration…

C’est donc sur les deux axes suivants, frappes préventives et coalitions ad hoc que les Etats-Unis organisent leur politique de sécurité et de défense. Ces deux piliers de la pensée stratégique etatsunienne ont été présentés bien avant l’arrivée de l’équipe de Texans à la Maison Blanche par Donald Rumsfeld en 1998.

Ces frappes préventives sont destinées à ramener à la raison des Etats voyous susceptibles de se doter d’armes de destruction massive. Cela suppose donc une approche unilatérale des relations internationales. Clairement cela signifie qu’il importe de maîtriser ces Etats voyous avant que cela ne coûte trop cher.

Du coup, les tentatives des Etats-Unis de remettre en cause les traités ABM de 1972, es coalitions ad hoc sont à l’image de ce qui s’est passé lors des dernières interventions militaires des Etats-Unis en Irak à deux reprises. Le principe en est finalement très simple :

– les alliés sont tenus de s’associer y compris financièrement à l’intervention décidée, planifiée et organisée par les Etats-Unis.

– Les pressions pour obtenir cette alliance sont de nature politique mais également commerciale et financière.

Et l’Europe ?

Les réactions Européennes sont bien entendu différentes en raison de l’écart de puissance et de moyens. Le problème de l’Europe, si elle souhaite s’affranchir de cette tutelle est clairement d’augmenter les budgets militaires. Mais même à ce prix, l’écart serait encore trop important pour être comblé. Les opinions publiques, les gouvernements ne peuvent envisager les sacrifices nécessaires même si, lors du sommet de Saint Malo en 1998, la France et la Grande Bretagne se sont engagées à augmenter leurs budgets militaires.

L’idée est de faire de l’Union Européenne un acteur lors de crises spécifiques. On pouvait imaginer par exemple que les Pays Bas et le Portugal soient associés à la France et à la Grande Bretagne pour intervenir dans une crise comme celle du Timor Oriental ou même que l’Italie ou la France n’interviennent dans la crise hispano-marocaine à propos de l’îlot du Persil en juillet 2002.
Dans les deux cas théoriques, et il en est d’autres plus pratiques, l’Union Européenne a été hors jeu.

De fait, la célébration des quarante ans du traité de l’Elysée, la formation du couple Franco-Allemand en 1963, a été suivie peu de temps après, en janvier 2003, par la lettre des huit et celle des dix, deux véritables plaidoyers en faveurs de la politique des Etats-Unis. Un nouvel Atlantisme est né à cette occasion.

Pour l’ensemble des participants à ces conférences, qu’ils soient Ministre de la Défense, comme Madame Michelle Alliot-Marie, chercheurs en relation internationales à Moscou ou à Shangaï, comme MM. Vyacheslav Nikonov ou Zhang Zuqian, qu’ils représentent une institution, comme Javier Solana ou le département d’Etat, comme Barry Lowenkron, tous évoquent en des termes quasi semblables l’avenir des relations transatlantiques.

Perspectives Européennes

L’Europe, dans ses relations avec les Etats-Unis, est confrontée à un triple questionnement.

A-t-elle vocation à devenir une troisième voie, dans le cadre d’un partenariat à égalité de décision, à défaut de pouvoir, avec les Etats-Unis ? ( Ni derrière, ni devant, mais aux côtés.)

L’Europe deviendra-t-elle, sous le coup de la disparité des potentiels une sorte de soft power, attaché aux règles du droit dans les relations internationales.

Quel moteur trouver aux avancées européennes pour ce qui concerne la politique Européenne de sécurité et de défense ? ( PESD).

A beaucoup de ces questions, Dan Smith, l’auteur du récent Atlas des guerres et des conflits dans le monde, dont il a déjà été rendu compte dans ces colonnes répond en termes de partenariat menacé par l’unilatéralisme des Etats-Unis, mais en même temps essentiel eu égard aux menaces. En fait cet auteur renvoie dos à dos une double incohérence :
– celle des Etats-Unis, empêtrés dans le mensonge avec leur justification de la guerre contre l’Irak.
– celle de la France partant d’oppositions de principe afin de justifier un minimum son rang, avec le droit de veto au sein du conseil de sécurité des Nation Unies.

Les 34 communications auxquelles on rajoutera les deux introductions à ces huitièmes conférences stratégiques de l’Iris, permettent de faire le point sur les réflexions en cours dans ce domaine sensible des relations entre les Etats-Unis et l’Union Européenne en matière de sécurité et de défense.

L’ensemble des champs de relations est ainsi balayé, à l’aune des préoccupations des uns et des autres et des institutions ou courants de pensées qu’ils représentent. Le lecteur trouvera certainement, dans l’un ou l’autre de ces articles matière à réflexion sur un sujet d’actualité immédiate mais dont les implications sont forcément dans le long terme.