Quoi de mieux que de lire un ouvrage consacré aux overnighters (entendez par là ceux qui passent plus de 60 nuits par an loin de leur domicile pour des raisons professionnelles) en attendant un TGV à la gare de Belfort – Monbéliard, au retour d’un colloque ! « Autour de 40% des individus en âge de travailler de plusieurs pays européens (Allemagne, Belgique, Espagne, France, Pologne et Suisse) sont concernés [actuellement ou par le passé] par la « pendularité quotidienne de longue distance », la birésidentialité ou l’overnighting. » Pourtant les géographes et les sociologues qui travaillent sur les mobilités se sont peu intéressés jusque là aux voyageurs au long cours.

Ceux qui l’ont fait se sont rendus compte que leur mobilité n’était pas incompatible avec un fort ancrage résidentiel. La mobilité sur de longues distances vise à éviter de quitter, pour de bon, un lieu auquel nous sommes attachés. Parfois contrainte, cette mobilité réversible peut être aussi le résultat d’un choix de vie. Cela ne signifie pas pour autant que la mobilité sociale soit au rendez-vous de la mobilité géographique. « Aller loin n’est pas une assurance de dépaysement. » La rencontre avec l’Autre ne se fait pas toujours surtout quand on transite de centres de congrès en sièges sociaux. Dans ce cas, il s’agit d’un déplacement.

Ce livre est le résultat de quatre programmes de recherche financés par l’ANR, l’ADEME, le PREDIT et l’UE. Composé de six chapitres, il se présente comme un petit manuel faisant le point sur la question (état de l’art). Des études de cas sont développées et posent des pistes de recherche pour le futur. Le tout est accompagné d’une copieuse bibliographie.

Les auteurs désignent sous le terme de mobilités réversibles l’ensemble de ces mobilités particulières « au sens où ces pratiques de déplacement témoignent d’une utilisation réversible des territoire et des réseaux. » Ils ont réalisé des études à la fois quantitatives et qualitatives. Cela leur a permis de tracer le portrait robot du mobile réversible. C’est surtout un homme, plutôt jeune, père d’un enfant, possédant un titre universitaire, travaillant dans les services et plus particulièrement dans « l’économie de la connaissance ». Le mobile réversible évite d’utiliser la voiture au bénéfice des transports en commun, qui deviennent un véritable lieu de travail. Ce mode de vie est majoritairement bien vécu par les « pratiquants ». Cela n’a rien d’un phénomène temporaire (moyenne de la durée de la mobilité : plus de 7 ans). L’entourage familial a globalement un avis négatif sur la mobilité si la personne concernée n’y trouve pas son compte. La perception négative de cette mobilité rend compte de la motilité, c’est-à-dire de la capacité à se déplacer. Parmi le panel étudié, les personnes, ayant une faible motilité, supportent le plus difficilement les déplacements qu’ils réalisent. Ils mettent en avant la fatigue provoquée par l’usage de la voiture, leur faible maîtrise des langues étrangères. En revanche, ceux qui sont satisfaits de leur mobilité, développent un mode de vie propre aux déplacements : lecture pour soi, continuation du travail dans le transport. On est en droit de se demander en quoi ces occupations sont-elles propres à des mobilités de longue distance ? De même, on reste sur sa faim pour ce qui est de l’occupation des multirésidents. Que font-ils du temps passé hors de leur famille ?

Voici un livre qui a le mérite de faire connaître une nouvelle catégorie de mobiles. Le sujet demanderait à être approfondi comme le souhaitent les auteurs dans le chapitre six. A quand le « Mobilité sans racines II » ?

Catherine Didier-Fèvre © Les Clionautes