La Seconde Guerre mondiale frappe la France mais aussi ses colonies. À Dakar, le chef Demba Touré ordonne à son fils Addi de faire son devoir et de s’engager dans les troupes afin défendre la « mère patrie ». À trois mois de prononcer ses vœux de prêtrise, Addi troque donc sa soutane de séminariste contre l’uniforme de tirailleur. Il se trouve confronté alors à une réalité à laquelle nul n’est préparé. Échappant de peu à la mort, il est condamné à l’emprisonnement puis employé comme travailleur aux confins d’une France inconnue : la Bretagne. Addi s’appuie sur sa foi en Dieu pour faire face aux événements. Progressivement, il découvre l’amitié auprès d’Ibrahim le musulman et l’attirance pour une femme… Auprès de qui Addi va-t-il vouloir être ?

Le récit s’inspire de faits réels : l’histoire de la détention de tirailleurs sénégalais dans des Frontstalags implantés en Bretagne. Les Allemands refusaient de transférer en Allemagne les prisonniers noirs. Une dizaine de camps furent créés en France, dont trois en Bretagne. Les prisonniers purent y liés des contacts avec la population locale.

Jean-Claude Fournier et Kris présentent un album humaniste à la trame fluide et au ton qui peut paraître d’abord naïf. L’histoire semble se focaliser surtout sur les amours des prisonniers et des jeunes villageoises. Les descriptions du village breton prennent souvent un aspect bucolique. Les tons d’aquarelle renforcent la douceur émanent du récit. Mais l’album est aussi réaliste. Les faits tragiques ne sont pas masqués. Addi découvre le racisme et apprend vite que la vie d’un Africain n’a guère de valeur pour beaucoup des protagonistes du conflit. Le récit est sans nul doute à relier au drame de Thiaroye, en décembre 1944, qui a frappé les tirailleurs sénégalais. Cet album, lisible à tous les âges, est une belle réussite dont on attend la suite, annoncée pour 2019, avec impatience.

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Jean-Marc Goglin, pour les Clionautes