Venant étoffer l’excellente collection «Mondes anciens» dirigée par Joel Cornette, cette synthèse sur Rome et son empire de la fin de la République et du Haut-Empire. Le titre, évoquant la «cité universelle» énonce clairement l’ambition d’une synthèse à la fois magnifiquement illustrée, riche en contenu et en documents précieux pour l’enseignement comme pour la recherche, et historiographiquement à jour sur les débats récents de l’Histoire romaine. En bon ouvrage sur Rome, c’est un efficace triumvirat qui en eut soin, à savoir Patrice Faure (MCF à Lyon 3, spécialiste des armées romaines et des provinces d’Occident), Nicolas Tran (PU à Poitiers, spécialiste des associations et de l’histoire économique, privilégiant l’entrée par les corporations artisanales), et Catherine Virlouvet (directrice de l’École Française de Rome, spécialiste d’économie alimentaire et des phénomènes frumentaires). L’ouvrage fait le choix, pour suivre la ligne de la collection, d’entrecouper son propos d’encadrés reprenant des textes de l’Antiquité, mais aussi des cartes, dues à Aurélie Boissière (qui a déjà travaillé à l’Atlas Historique de Rome, Autrement, 2013) et des documents iconographiques, tous dûment commentés.

 Comment adapter la République à la domination d’un empire

Ce chapitre commence à donner l’explication du découpage chronologique de l’ouvrage : -70 est en effet la date du premier recensement incluant tous les habitants libres de la péninsule italienne dans la citoyenneté romaine après la longue et coûteuse guerre sociale. Il évoque tout d’abord le poids de Cicéron dans notre connaissance de l’histoire tardo-républicaine, mais aussi dans le maintien de ce système en -63, lorsqu’il réprime la conjuration de Catilina. Par la suite, la montée en puissance du triumvirat César/Pompée/Crassus est évoquée, y compris dans ces aspects symboliques, tels l’identification de Pompée en Orient à Alexandre, faisant de la domination romaine une donnée « à la fois universelle et personnelle», ou l’illustration de César sous sa dictature comme un «nouveau Romulus», refondant les institutions de la cité, et remodelant profondément l’espace de son forum avec un recours à ses symboles familiaux et personnels (Vénus Génitrix, mère des Iulii, en réponse à la Vénus Victrix du théâtre de Pompée). S’arrêtant aux ides de Mars, ce chapitre qui suit strictement le cours des événements pose en filigrane la question de l’adaptation des institutions d’une cité-état italienne au contrôle d’un espace méditerranéen. La réponse est celle d’une improvisation réglée, où les généraux, souvent de rang consulaire, imbriquent leur domination personnelle sur les territoires conquis à la loi républicaine.

 De la République aristocratique au principat d’Auguste

Pour la transition entre -44 et -30 entre République et Principat, l’ouvrage insiste sur son caractère progressif : l’imperium personnel est déjà en germe au cours du dernier siècle d’existence de la République. Se posant d’abord comme vengeur de César et investi de l’imperium militaire, le jeune Octave personnalise ce pouvoir. Au cours de la guerre contre les «tyrannicides» Brutus et Cassius, puis jusqu’à l’escalade finale, un «impossible retour au calme», de la guerre entre César et Marc-Antoine qui aboutit à la défaite d’Actium, cette personnalisation du pouvoir se voit : par l’élaboration de discours littéraires comme iconographique (surtout via la numismatique) sur un pouvoir personnel s’inscrivant dans la gloire de la cité romaine.

Lorsque Octave sort vainqueur à Actium, se pose alors la question du maintien possible d’un pouvoir d’exception en des temps de paix. Débute alors  l’élaboration d’un discours complexe, ou Octave devenu Auguste affirme dans son inscription des Res Gestae Divi Augusti qu’il l’emporte «sur tous en autorité» mais qu’il n’a pas eu «plus de pouvoir que (ses) collègues dans (ses) diverses magistratures», inaugurant pour parler de son pouvoir l’expression de «principat». S’imposant ainsi tout au long de la vie d’Auguste, le pouvoir se cherche une pérennité par la recherche d’un successeur : ses petits-fils décédés successivement, puis son gendre Agrippa associé au pouvoir dès -18. L’ascension finale de son beau-fils Tibère et sa divinisation à sa mort en -14 fondent les bases d’un régime dont la nature a été disputée par l’historiographie, Mommsen jugeant au début du XXe siècle que le pouvoir était partagé entre le «prince» et le Sénat et que le contenu républicain des pouvoirs augustéens assure une continuité. Dans les années 1950, l’anglais Ronald Syme nuance ce propos, disant que l’empire ne se résume pas à un formalisme légal. L’ouvrage commenté prend une position médiane, acceptant la continuité républicaine mais ne niant pas la réalité du monopole du pouvoir par Auguste, qui n’est pas incompatible au fond avec l’état de droit romain, qui peut s’exprimer sous différentes formes telles que la république et le principat.

 Une «Maison pleine de Césars» : le pouvoir romain de 14 à 70

Si la portée du règne des premiers empereurs de la «domus Augusta», famille élargie par adoption de César et Auguste est débattue par des historiens romains excessivement laudateurs ou au contraire hostile, on peut constater leur consolidation du pouvoir augustéen exceptionnel en un pouvoir impérial plus normé. Un danger demeure, celui de la «démesure du pouvoir solitaire», personnalisé par Caligula (37 à 41) puis Néron (54 à 68). Malgré l’avènement par défaut de Claude à la mort de Caligula, l’idée d’une «maison impériale» dans laquelle le tenant du pouvoir princier doit être choisie est acquise auprès d’une aristocratie sénatoriale transformée, dont les nouvelles familles doivent leur ascension aux premiers empereurs.

Claude renforce ce pouvoir du au hasard par l’action, confirmant ainsi une palette de stéréotypes de l’action impériale, militaire ou juridique : conquête de la Bretagne, loi dite des «Tables Claudiennes» réglementant l’accès élargi à la citoyenneté des grandes familles gauloises. Sous son règne se met également en avant un type nouveau de figures, celle du conseiller (pouvant être une femme ou un affranchi) du prince, qu’il parvienne à un pouvoir excessif et à une richesse indécente comme Pallas ou Narcisse, ou qu’il ait l’image du philosophe proche du pouvoir comme Sénèque. Néron assure une rupture en éliminant ses collatéraux de la Domus Augusta : l’assassinat d’abord de sa mère Agrippine, puis celui de deux sénateurs, l’un arrière-petit-fils d’Octavie sœur d’Auguste, l’autre arrière-petit-fils de Tibère, sont exécutés en 62. Cet empereur artiste «dépeuple» si bien la maison impériale qu’en 69, lorsqu’il est renversé et se contraint au suicide, aucun membre de la famille julio-claudienne n’est en mesure de réclamer le pouvoir et un général soutenu par les provinces orientales, Vespasien, l’emporte sur ses trois rivaux à l’empire lors de «l’année des quatre empereurs» en 69.

 L’empire en quête de continuité (69-117)

Ici, l’ouvrage fait un choix particulier, celui de contourner la chronologie traditionnelle : Nerva et Trajan sont ainsi séparés des Antonins suivants et considérés avec les Flaviens. Ces derniers tranchent avec les Julio-Claudiens en rendant le pouvoir héréditaire l’espace de deux décennies et en inscrivant leur règne dans l’espace de Rome : l’éphémère «maison dorée» de Néron est remplacé par le Colisée. Très vite, ils agissent militairement (répression de la révolte de Judée) comme institutionnellement (maintien et renouveau du culte impérial en province) comme leurs prédécesseurs. Domitien alourdit encore le pouvoir personnel de ces nouveaux princes, ce qui provoque son assassinat en 96. Cette fois, on a une «transition réussie» quand se succèdent le vieux sénateur Nerva et le militaire romano-espagnol Trajan. La transmission du pouvoir impérial se fait à nouveau par adoption. Trajan, à l’imitation de Vespasien, s’inscrit dans le répertoire traditionnel d’action de l’empereur, militairement (guerre victorieuse contre les Daces) et spatialement (forum de Trajan avec basilique Ulpia), réussissant là où Domitien avait échoué : imposer un pouvoir personnel sans partage en se comportant en optimus princeps, meilleur des princes, avec un discours rodé mais bienveillant.

Recension de Guillaume Rageau L’équilibre précaire de l’âge d’or antonin

L’idée d’un âge d’or antonin remonte à Gibbon (XVIIIe s.). Pour autant, la succession ne fut pas facile : Hadrien obtient l’empire grâce à sa proximité avec l’épouse de Trajan mais n’est pas désigné publiquement successeur du vivant de ce dernier, qui facilite pourtant sa carrière sénatoriale. «Changeant, ondoyant, divers» d’après un texte du IVe siècle, Hadrien marque un renouveau des études philosophiques, qu’il honore de sa sympathie, et des arts dans l’empire (retour du port de la barbe visible dans l’iconographie). Il manifeste aussi une rupture en voyageant dans l’empire, plus particulièrement en Orient, et en y illustrant une image de l’empereur évergète (bienfaiteur) des cités. Parant Rome de monuments dont un mausolée (actuel château St Ange), il fait également édifier le mur d’Hadrien en Bretagne, équivalent continu du limes germanique : l’espace de l’empire est symboliquement clos.

Après cet homme mouvant et actif, son successeur Antonin est présenté comme le tenant d’un «pouvoir sédentaire». Italien se liant aux familles espagnoles d’Hadrien et d’un de ses proches M. Annius Verus, il est souvent présenté comme l’empereur de l’âge de la stabilité, le discours d’Aelius Aristide «En l’Honneur de Rome» étant daté de son règne, en 144, et mentionnant une « felicitas saeculi» (bonheur des siècles). L’ouvrage discute ce point de vue : le règne d’Antonin comporte des interventions militaires ponctuelles, et des mesures défensives nécessaires comme la construction du mur d’Antonin, qui vient doubler le mur d’Hadrien en Bretagne. Par un jeu d’adoption une fois encore lui succèdent Marc Aurèle, remarqué dans sa jeunesse par Hadrien, et Lucius Vérus, qui décède rapidement, laissant Marc Aurèle exercer le pouvoir seul : l’empire est pour la première fois partagé entre deux Augustes. Si Marc Aurèle jouit de l’image d’un empereur philosophe, lié aux Stoïciens, et est présenté comme un modèle de stabilité, son règne est émaillé d’une reprise de conflits contre les Parthes, entaché par la « Peste Antonine » ramenée à ce moment d’Orient, peut être par des vétérans de ces nouvelles guerres parthiques. L’ouvrage discute des conséquences structurelles profondes, qui fragilisent l’économie de l’empire, de cette pandémie de nature encore débattue. La multiplication des fronts contre les Barbares sur le Danube et la tentative d’usurpation d’Avidius Cassius, répandant la nouvelle de la mort de l’empereur, en 175. Achevant ce chapitre avec la mort, réelle cette fois, de Marc Aurèle à Vindebona, sur le front danubien, les auteurs questionnent la stabilité réelle, répercutée dès le XVIIIe siècle par E. Gibbon puis E. Renan, de l’empire des Antonins. Pour eux, si la permanence des «réseaux familiaux» à la tête de l’empire fut un élément de stabilisation, la persistance des hostilités aux frontières montre qu’une construction historiographique d’un «âge d’or antonin» est à questionner, surtout au vu de la succession de Marc-Aurèle, qui renoue avec le modèle dynastique précédent, en faisant échoir le pouvoir au fils de ce dernier, Commode.

 Du temps des épreuves au temps de la maturité 180-212

Faisant ici encore le choix d’un redécoupage chronologique, les auteurs de l’ouvrage incluent Commode aux premiers Sévères. Le principat de Commode est dès lors introduit sous sa première image : celle d’une tyrannie renouant avec les modèles précédents, pouvoir excessif des affranchis favoris, comme Cléandre dès 185, et identification iconographique et discursive à un modèle divin de l’empereur, celui d’Hercule. L’empereur, qui se présente alors comme passionné de gladiature, renommant à son nom des unités militaires et qualifiant le sénat de « commodien », a une image de mégalomane excessive, répercutée dans l’historiographie et jusque dans le film « Gladiator » (1998). Cette rupture avec la modération paternelle lui suscita nombre d’ennemis, ce qui aboutit à son assassinat, impliquant trois comploteurs condamnés à mort par l’empereur, en 192.

Des périodes de guerre civile et d’instabilités qui suivirent, sortit vainqueur un officier africain, Septime Sévère. Le livre commente les déchirements des prétendants comme mettant en valeur « la force des armées provinciales ». Le candidat à l’empire doit se prévaloir du soutien de provinces entières et tenir Rome est l’étape finale de la course, non son préalable. Les guerres ont des conséquences sur les territoires : la Syrie, qui soutient la révolte de Pescennius Niger, est divisée en deux, Byzance qui avait soutenue l’usurpateur est privée de son autonomie civique. S’il assoit au départ sa légitimité sur celle des Antonins, allant jusqu’à se proclamer fils adoptif de Marc-Aurèle, Sévère change de discours avec la fin des guerres civiles, mettant en avant ses fils, Caracalla et Géta, et se présentant comme le « conservator orbis », conservateur du monde et de sa stabilité, à la tête d’une nouvelle « maison divine », marquant les espaces de l’empire de sa présence symbolique (arc de triomphe sur le forum, travaux d’envergure dans sa ville d’origine en Afrique, Lepcis Magna). La transmission du pouvoir à sa mort en 211 se fait de manière dynastique au prix d’un fratricide : Caracalla tue son jeune frère Géta et fait effacer son nom et son image.

Une historiographie datée a pu marquer l’époque sévérienne comme début d’un déclin sous la férule d’empereur afro-syriens (Iulia Domna, épouse de Sévère, était une Syrienne romanisée). L’ouvrage fait plutôt le choix d’indiquer alors un monde romain ayant atteint une « maturité », le choix des Sévère montrant l’intégration achevée des provinciaux aux sphères de pouvoir. De même, la « militarisation » du pouvoir impérial peut être discutée pour cette période : les augmentations de la solde militaire sous Sévère se justifiait par le fait qu’elle n’avait pas été augmentée depuis Trajan et déjà sous Auguste, le lien entre le princeps, ses prétoriens et ses légions était de mise. De même, lors de ses longs déplacements, Sévère rend la justice et s’exprime dans nombre de rescrits. Le travail des juristes de l’époque sévérienne, dont le préfet du prétoire Papien, jette les bases des compilations qui fixeront aux siècles suivants le droit romain, du Digeste aux Institutes de Justinien.

La conclusion de ces six chapitres événementiels est la Constitution Antonine ou édit de 212, donnant la pleine citoyenneté romaine aux habitants libres de l’empire sous Caracalla. Connu par plusieurs copies (dont le papyrus Giessen 40), il comporte des limites, même si l’historiographie a pu valoriser ce mouvement d’intégration unique dans l’Antiquité comme étant de portée purement humaniste. Ainsi, l’édit a surtout une portée fiscale, plaçant une vaste population sous un régime d’impôts unique en augmentation (le vingtième prélevé sur les héritages dès Augustes devient le dixième). De même, la citoyenneté ainsi octroyée est depuis longtemps « dépouillée de ses prérogatives politiques » pour la multitude, et l’égalité de tous les citoyens romains est discutée par la différence pénale déjà ancrée entre « honestiores » plus riches et « humiliores » très majoritaires. De même, cette citoyenneté unique renforce le rejet des extérieures à l’empire, on voit alors apparaître un terme unique et excluant de « barbaricum » pour toute terre hors du monde romain. Enfin, les projections contemporaines, où la chute de l’empire romain devient un miroir obsédant, tendent à idéaliser l’ouverture de 212, ce qui ne doit pas effacer sa dimension d’expérience « originale et diverse ».

I Guerre et paix dans l’Empire de Rome

Premier chapitre thématique de l’étude, celui-ci traite dès le départ de deux lieux communs : une Pax Romana plus complexe qu’il n’y paraît, et les diverses implications de l’armée dans la cité romaine. La première paix de la période est la Pax Augusta qui fait suite aux guerres civiles en -30. Il convient de rappeller qu’elle concernait les citoyens vivant dans l’empire, mais non ses voisins. La Pax Romana, idée construite à partir de documents comme le Panégyrique d’Aelius Aristide sous Antonin, connaît une fortune contemporaine : exaltée par l’historiographie française au XIXe comme ayant permis l’essor gallo-romain civilisé et justifiant une « paix française » dans les colonies. Elle servit à forger des concepts médiatiques contemporains comme celui de Pax Americana. De fait, au delà des mythes, l’empire connut une paix relative durant deux siècles, par rapport aux périodes précédentes et suivantes.

Il faut d’abord signaler que la guerre comme la paix sont entre les mains de l’empereur, dont la virtus militaire est une des premières attributions. Il hérite en cela de la distinction chez les magistrats républicains entre pouvoir civil (imperium domi) et pouvoir militaire (imperium militiae), les exerçant tous deux. De plus, la carrière militaire demeure encore sous l’empire un élément de promotion des élites sénatoriales et équestres. Le caractère divin des concepts de guerre et de paix est également à souligné : le but des rituels religieux est d’atteindre la pax deorum, paix avec les dieux qu’un sacrilège peut briser, engendrant des défaites. À ce titre, la guerre elle-même s’accompagne de sacrifices propiatoires et nécessaires pour qu’elle soit qualifiée de bellum iustum, de guerre juste. La pratique de la guerre se doit normalement d’être vertueuse, même si les généraux romains n’hésitent pas à tromper l’ennemi.

La paix quant à elle repose essentiellement sur le droit, sur la confiance (fides). Le voisin ou l’allié est lié a Rome par un foedus, traité en bonne et due forme. Aider un allié, comme le fit César pour défendre les Gaulois Éduens contre les Helvètes en -58. L’essentiel de cette activité diplomatique se fait à Rome, les Romains estimant souvent que c’était aux autres de venir à eux. Les étrangers sont accueillis dans des lieux témoignant de la grandeur de Rome, curie, temples, et reçoivent des garanties individuelles, octroi de la citoyenneté à des rois-clients, ou collectives, rang d’amis du peuple romain, promesses d’aide.

Abordant ensuite le recrutement militaire, l’ouvrage s’appuie sur une thèse récente, celle de François Cadiou («L’armée imaginaire», 2018) : les réformes de Caius Marius en -107 n’aurait pas ouvert le recrutement massivement aux prolétaires par le volontariat autant que pensé. De fait, les armées des imperatores de la fin de la République, dans le recrutement comme dans la motivation n’auraient pas été très différentes de celles des premiers siècles de la République. Auguste achève pourtant la professionalisation de l’armée, dont les vétérans se voient définitivement dotés d’argent et de terres, et où les auxiliaires toujours nombreux se voient octroyer la citoyenneté au sortir de leur service. La souplesse des légions assure la permanence de l’appareil militaire romain, qui croit jusqu’à 400 000 hommes au début de l’époque séverienne. Si les armées sont facilement mobiles, elles ont des cantonnements fixes, surtout autour de trois zones importantes : le limes danubien et l’Orient menacé par les Parthes. Ces frontières romaines sont ainsi incomplètement fortifiés, comptant sur un réseau de camps et de fortins davantages que sur des lignes fixes, le mur d’Hadrien étant une exception.

La guerre devient sous l’empire une « affaire de professionnels ». Si le recrutement est rapidement multiethnique, avec une dominante des provinces balkaniques à la fin de la période, l’armement et le recours à l’infanterie lourde comme pivot de l’armée demeurent homogènes. En temps de paix, cette armée est d’une grande polyvalence, garde frontière, garante de l’ordre dans les provinces, participant aux travaux publics avec ses spécialités d’intendances, et surtout soutien du pouvoir impérial, rémunéré et acheté par des donativa en numéraire. Les militaires ont des rapports étroits aux civils, certaines villes de garnisons passant du simple camp au centre urbain attirant commerçants et artisans, ce qui ne va pas sans abus, comme en témoigne de nécessaires arbitrages impériaux.

Les Romains et le Monde

Les Romains eux-même ne parlaient que d’empire romain, pas de monde romain, le monde ne se limitant pas à cet empire. Pourtant, l’idée d’un « empire sans fin » (Virgile, l’Énéide), héritier de l’oikoumènè grec et la figure de l’empereur comme cosmocrator illustre cette volonté de centralité, de se penser comme première puissance d’un monde aux limites africaines et asiatiques mal connues. L’idée d’empire elle-même est liée au pouvoir, à l’imperium, l’empire étant donc toute terre où l’empereur et les Romains ont pouvoir.

L’empire lui même suit une « organisation concentrique ». L’Italie, réorganisée en 11 régions numérotées par Auguste. L’empereur y nommait directement des légats de rang prétorien. Le reste des provinces se divisaient en deux catégories. Il y avait d’abord les provinces « du peuple romain », dont le gouverneur était choisi par le sénat parmi les « promagistrats » ayant exercé le consulat et la préture comme à l’époque républicaine, pacifiées et dépourvues de garnisons. Dans les provinces impériales, le gouverneur n’était nommé et révocable que par l’empereur, pour une durée indéterminée. Ce système reste stable, malgré la division de certaines provinces frontalières (le long du Danube) ou anciennement révoltées (la Syrie sous Septime Sévère). Des rois-clients bordent les provinces frontalières, souvent citoyens romains à titre personnel, baptisant ou rebaptisant des villes en l’honneur de l’empereur (Césarées) et laissant au bout de quelques génération leurs royaumes à l’administration directe de Rome, souvent en testament. Les buts sont doubles : recherche de marchandises exotiques (ambre en Baltique et en Germanie par exemple) et conquêtes potentielles (Maurétanie). Après la prise d’Alexandrie, le commerce entre Rome et l’Inde connaît une croissance exponentielle, des échanges d’ambassade entre Rome et la Chine des Han étant attestés.

Ces découvertes donnent lieux à l’élaboration de savoirs géographiques sans précédents, qu’ils prennent la formes de chorographies ou description des lieux (Strabon, Pline) ou de cartographies et d’itinéraires (Claude Ptolémée, stations parthiques d’Isidore de Charax). Ces savoirs pouvaient guider les voyages mais avaient aussi un but administratif de connaissance des provinces et de leurs richesses imposables.. Un contrôle strict de l’empire et de ses territoires par des outils (recensements, cadastrage) permet de taxer la population selon des modalités qui évoluent au fil du temps, mais aussi d’imposer la justice de l’empereur et l’idéologie impériale à toutes échelles, entre autres par la circulation libre des biens et des informations (réseau des voies romaines).

 Vivre dans l’empire des Césars

Ce chapitre débute en évoquant des problèmes méthodologiques certains : malgré l’existence de recensements, connaître la population de l’ensemble de l’empire est une gageure, car aucun de ces comptes n’a été fait à l’échelle globale de l’empire. Des estimations liées entre autres à l’annone (blé distribué gratuitement ou à peu de prix) permettent par contre d’estimer que Rome comportait à peu près un million d’habitants sous l’empire. On ignore cependant avant 212 la proportion de citoyens et d’étrangers ou d’esclaves parmi ces habitants. Il est toutefois sûr que la mortalité était conséquente à tous âges, soixante ans étant considéré toutefois comme le seuil de la vieillesse. Cette mortalité était sûrement due aux diverses formes de « fièvres », dans lesquels les Romains classaient ce qu’on sait aujourd’hui être le paludisme, le typhus, la malaria, dues à l’humidité du climat méditerranéen. On peut également y associer les maladies intestinales causées par des infections alimentaires et les épidémies régulières. Pour braver cette mortalité, la fécondité était forte.

Les densités étaient variables : faibles dans les provinces éloignées de la Méditerranée et les environnements hostiles (désert, montagne alors vue comme un loccus horridus), fortes dans les vallées fluviales et les zones cotières. Hors des quelques centres urbains, l’empire est très majoritairement un monde de campagnes et de petites villes. Les rapports entre ville et campagne vont dans le sens d’une inféodation à la ville, exigeante en approvisionnement de denrées de base (blé, vin, huile). La viticulture et l’oléiculture étaient les cultures commerciales par excellence, devenant spécialités de provinces entières, permettant de dégager des surplus monétaires nécessaires au paiement des loyers et de l’impôt pour la petite paysannerie. La circulation de la céramique et des amphores (dont les types et les timbres de fabricant ont fait l’objet de travaux abondants) montre le poids des échanges à l’échelle de la Méditerranée dans un empire qui rompt le cadre autarcique. Même si les temps de trajets sont raccourcis par les auteurs antiques, la circulation des biens se fait et avantage certaines provinces très largement (l’Italie et les provinces périphériques surtout selon le Taxes and Trade model proposé par l’historien Keith Hopkins, les provinces intermédiaires ayant du batailler pour s’adapter.

Ces flux commerciaux causaient une grande mobilité : les déplacements se faisaient aisément, sur un réseau dense de voies parsemées d’auberges dont les comédies et des inscriptions comme la stèle d’Aesernia dépeignent comiquement le quotidien. Cette mobilité des personnes s’atteste par l’épigraphie : nombre de villes de l’empire ont des résidents étrangers (Syriens de Lyon). Si le grec et le latin font figure de ferments d’unité, les langues vernaculaires (gaulois, punique..) survivent jusqu’au Ve siècle. Dans ce contexte de brassage, les religions se rencontrent dans les deux sens, dans le cadre d’un polythéisme tolérant : les interprétations locales de dieux gréco-romains cotoient les syncrétismes avec d’autres divinités (Saturne Africain, Jupiter Taranis en Gaule…). C’est par ce monde de circulations naturelles et aisées que s’explique l’expansion relativement rapide des cultes orientaux (Grande Mère, Isis, Mithra) puis du christianisme.

Le développement se divise en 14 chapitres : les 6 premiers recouvrent une chronologie allant de 70 av. J.C au IIIe siècle, les 5 suivants privilégiant des approches plus thématiques et les 3 derniers faisant une plongée dans l’historiographie «romaniste» de préférence récente et évoquant les débats et outils d’aujourd’hui dans cette spécialité. Cette présentation succincte suivra l’ordre des chapitres.

 Hiérarchies et relations sociales dans l’empire romain

Si en apparence, l’empire romain est composé d’une « mosaïque de sociétés locales », ces sociétés participent toutes d’un même ensemble social avec ses stratification. La première distinction à faire est celle entre hommes libres et esclaves. Ces derniers sont présents dans l’empire mais forment tout de même une minorité (qui peut être forte à certaines périodes et en certains endroits, comme en Italie du fait du flux de captifs après les conquêtes). La seconde distinction est celle entre citoyens romains (eux en minorité relative jusqu’en 212) et pérégrins, non-citoyens libres de l’empire. Ces derniers se romanisent de manière croissante : emploi de la langue latine et des habitudes quotidiennes des conquérants.

L’organisation censitaire met rapidement en valeur des catégories supérieures de la population, ou « ordres » sur la base de la fortune. Le patriciat républicain laisse la place aux « sénateurs » sous Auguste, l’ordre équestre des « chevaliers » se maintient. Les Italiens y demeurent majoritaires, la plupart des sénateurs ayant des attaches en Italie et dans une province bien choisie. L’ordre équestre s’ouvre le premier aux provinciaux. Dans les cités de province, les seuils financiers pour exercer des magistratures locales, apanage de l’ordre des « décurions » sont changeants en fonction des lieux. La grande pauvreté est jugée sévèrement par les élites, comme marque d’indignité. Entre les deux, une « stratification » fine s’établit entre corps de métiers et niveaux sociaux, avec l’émergence d’une « plebs media » (Pline l’Ancien), véritable classe moyenne de l’Empire. Dans le cadre des cités provinciales, les rapports entre classes sociales font état d’une stratification forte mais aussi de relations bien codifiées : protection d’un « patron » important accordée à la masse de ses « clients » qui le soutiennent dans ses procès et ses menées politiques, fonctionnements associatifs visibles de haut en bas de la population. La présence de classes marginales, esclaves fugitifs, ruraux trop isolés puis chrétiens, se signale par la non-participation aux rites religieux et sociaux du maillage civique dense de l’empire.

 Les deux patries : citoyenneté et adhésion à l’empire

L’empire romain se distingue dans le monde antique par une imbrication d’échelle des identités, Cicéron parlant de « grande et petite patrie ». À l’échelle locale, l’identité du citoyen d’une communauté dépend de son statut : municipe (toute l’Italie est municipalisée dès les années -80), colonies, cités se voyant accorder le droit romain ou le droit moindre des Latins, et simples cités pérégrines. Du point de vue individuel, l’obtention de la citoyenneté romaine se fait en s’associant à la conquête ou aux autorités romaines, elle est prisée par nombre d’élites locale.

À strictement parler, on ne peut parler de double citoyenneté sous l’empire, car la citoyenneté romaine reste plus englobante et supérieure aux citoyennetés locales. L’empire fit naître de même de nouvelles communautés de citoyens romains : en Espagne, Gadès et Ulia reçoivent le droit latin, conférant la citoyenneté à leurs habitants, sous la dictature de César. De nombreuses colonies militaires sont ainsi fondées dans tout l’empire naissant par César puis Octave Auguste, ancrant les vétérans citoyens dans les provinces, mais diffusant également autour d’elles une aspiration au droit latin et à la citoyenneté. Les cités provinciales rivalisent entre elles pour atteindre progressivement un statut légal supérieur.

Les cités provinciales inter-réagissent de différentes manières avec le pouvoir impérial : en lui envoyant des ambassades pour lui demander des secours en cas de difficultés particulières (tremblements de terre sous Hadrien en Asie mineure) ou un arbitrage, en honorant les gouverneurs et représentants du pouvoir impérial, mais aussi en célébrant la venue de l’empereur lui-même lors de leurs voyages. Le culte impérial, même si cette notion est floue dans la pratique et pas forcément distincte des cultes usuels, est également un ferment de lien entre l’empire et les collectivités locales. Des collèges de prêtres (sevirs augustaux souvent) sont nommés dans chaque communauté parmi les locaux pour assurer ce culte, qui est organisé par des associations de plusieurs cités à l’échelle de fractions ou de totalités de provinces (koina en Orient, concilia en Occident). De manière générale, l’intégration fut à la fois « puissante et inégale » selon les lieux, bénéficiant surtout aux notables. L’édit de Caracalla de 212 semble être l’aboutissement logique du processus mais est en fait une rupture de cet ordre stratifié.

 

« L’Atelier de l’Historien »

Les trois derniers chapitres de l’ouvrage viennent succéder à la grande densité des six chapitres événementiels et des cinq chapitres thématiques qu’il comporte.

Le chapitre XIII traite de la notion, souvent évoquée, de romanisation. Datée du XIXe siècle, elle est chez l’allemand Mommsen traitée comme « principe de civilisation », chez l’anglais Haverfield un principe précurseur et justificateur des empires coloniaux européens, principalement l’empire britannique. En fait, c’est un phénomène à reconsidérer : il y aurait eu des romanisations différentes selon les provinces (J. Webster parle en 2001 de « provinces créoles ») et les cultures indigènes et des résistances à la romanisation (comme celle que le français M. Bénabou évoque dans un ouvrage éponyme pour l’Afrique en 1976). La force de dynamiques culturelles locales pré-romaines dans la religion, la langue, la culture (l’exemple des provinces grecques et orientales est significatif) demeure vive. Sur le terrain, les processus sont polymorphes, découlant soit de la volonté de l’envahisseur romain qui implante colonies et monuments, soit de l’adhésion volontaire des provinciaux. Paul Veyne parlant même d’empire « gréco-romain », cela questionne le terme de romanisation. Dans les années 2000, des historiens comme Richard Hingley prônent même un abandon du concept de romanisation. D’autres comme les français M. Dondin-Payre et Xavier Loriot s’inscrivent en faux contre cette théorie, étant attentifs à la forte municipalisation des cités de l’empire. Pour les auteurs de l’ouvrage qui nous concerne, le concept demeure opérant et nécessaire à l’intelligence des échelles de l’empire romain, même s’il faut le critiquer et être attentifs aux débats historiographiques qu’ils détaillent, tout comme aux concepts plus nouveaux de créolisation, d’hybridation et d’indigénisme.

 

Le Chapitre XIV traite d’un des principaux outils de l’Historien romaniste, l’épigraphie. Science des inscriptions sur pierre ou sur d’autres supports, elle permet de comprendre l’empire et ses discours de pouvoirs comme la vie de particuliers par des « instantanés ». Louis Robert, spécialiste de l’Asie mineure hellénistique et romaine, insiste sur l’omniprésence forte de l’écrit gravé, avec des inscriptions bien plus visibles qu’aujourd’hui (souvent repassées en rouge) dans le paysage des cités. Le chapitre s’assortit de détails sur l’édition contemporaine des sources épigraphiques, sérieusement débutée en Allemagne au XIXe et d’encarts biographiques sur les grands épigraphistes français, parmi lesquels H.G Pflaumm, qui a contribué à une connaissance pointue des carrières administratives et militaires des élites dans le cadre de l’empire. Cet instantané de l’épigraphie a toutefois ces limites, celles de l’expression parvenue jusqu’à nous. Ainsi, l’ouvrage distingue bien la « population épigraphique » de la « population réelle ».

 

Le chapitre XV enfin interroge la place du Romaniste et de l’Histoire romaine aujourd’hui, faisant figure de brillante conclusion à un ensemble dense, ainsi que les nouveaux outils disponibles. Dans le cadre d’une histoire plurielle, où la forme des empires et leurs déclin interrogent nos sociétés actuelles, l’histoire romaine se signale également par son croisement des sciences : archéologie, philologie, histoire conceptuelle parmi tant d’autres. En archéologie, les progrès de la chimie et des systèmes d’information géographique (ainsi que de la reconstitution 3D de site comme Palmyre ravagée) enrichissent une longue histoire de progrès successifs. En termes d’épigraphie et de philologie, le développement des « Humanités numériques » permet un accès accru aux catalogues et aux publications disponibles, ainsi qu’un travail bien plus fin sur l’intertextualité des sources. Le chapitre s’achève sur un encart humoristique évoquant la journée d’un Romaniste « connecté » actuel, au rythme des mails et des vicissitudes de la vie universitaire, une belle mise en abyme pour clore le rideau.

_________________________

Recension de Guillaume Rageau

Dernier paru dans la collection « Mondes Anciens » des éditions Belin, cet ouvrage a été supervisé par Catherine Virlouvet, directrice de l’École française de Rome, et rédigé par Nicolas Tran et Patrice Faure, respectivement enseignants à l’université de Poitiers et à l’université Jean-Moulin Lyon 3.

« Rome, cité universelle » constitue le premier élément d’un ensemble de trois ouvrages dont deux sont encore à paraître. Ce premier tome traduit la volonté des auteurs d’axer leur propos autour de la question de la citoyenneté. Il couvre la période s’étendant de 70 av. J.-C. à 212 de notre ère, depuis le recensement ouvrant le corps civique romain aux Italiens consécutivement à la Guerre Sociale (91-89 av. J.-C) jusqu’à la Constitution antonine (ou édit de Caracalla) attribuant la citoyenneté à tous les hommes libres de l’Empire.

L’ouvrage est divisé en 11 chapitres dont les six premiers suivent un fil chronologique. L’objectif est de montrer les multiples adaptations d’un modèle politique et civique face à des contextes changeants, avec comme période charnière le principat d’Auguste. Les premiers chapitres abordent les Guerres civiles nées de l’opposition de César et de Pompée, puis d’Octavien et de Marc-Antoine, une période de crise qui porte en elle les germes d’un renouveau. L’émergence de la figure de l’homme providentiel ou encore la prétention à une domination universelle affirmée par Pompée forment un héritage qu’Auguste parvient ensuite à faire fructifier. Se présentant comme un refondateur, le premier empereur de Rome est par bien des aspects un continuateur.

Après lui, les règnes des empereurs sont analysés et replacés dans leur contexte. La question de la transmission du pouvoir a particulièrement intéressé les auteurs. Les fins de règnes peuvent se traduire, en cas de difficultés, par un changement dynastique comme cela se produit en 69 lorsque les Flaviens s’emparent du pouvoir ou en 193 avec l’avènement des Sévères. A chaque fois, des arbres généalogiques apportent la clarté nécessaire au lecteur pour se repérer dans les ramifications complexes engendrées par les politiques matrimoniales du milieu impérial.

Les cinq chapitres suivants sont thématiques (Guerres et paix dans l’Empire romain, Les Romains et le monde, Vivre dans la Rome des Césars, Hiérarchies et relations sociales dans l’Empire romain, Les deux patries : citoyenneté et adhésion à l’empire). Ils permettent d’aborder des questions transversales et de réévaluer certains aspects ou concepts telle que la paix romaine qui tend à masquer des formes d’instabilité et de contestations, ou de revenir sur la prolétarisation des légions longtemps attribuée à Marius.

Chacun de ces chapitres comporte des éclairages sous forme d’encadrés faisant le point sur des thèmes particuliers tels que les contacts entre Rome et la Chine (p. 510), Rome et le judaïsme (p. 622) ou encore la modification de l’environnement liée à l’expansion et à la domination romaines (p. 655), autant de thématiques qui reflètent les évolutions historiographiques récentes.

Comme l’éditeur nous y a habitué depuis sa collection « Histoire de France », la dernière partie de l’ouvrage est consacrée à « l’atelier de l’historien » qui propose des approfondissements sur des points précis. Cela offre l’opportunité de revenir sur le concept de romanisation qui a fait l’objet de bien des critiques. Si ce concept n’est pas indispensable selon les auteurs, il ne faudrait pas que son abandon se traduise par un appauvrissement de la grille de lecture de l’historien. Un autre éclairage porte sur l’épigraphie dont l’importance est soulignée pour la construction historique de la période antique. Le dernier thème nous confronte aux évolutions technologiques qui bouleversent le métier d’historien avec le développement de l’imagerie scientifique, l’utilisation du géoradar, autant d’innovations qui contribuent au renouvellement de la discipline. Ces technologies permettent de trancher certains débats anciens, mais les auteurs soulignent que cela doit s’accompagner d’un indispensable renouvellement des questionnements afin de « faire du neuf avec du neuf » (p. 808).

Cet ouvrage, à la fois clair et détaillé, ouvre une très belle porte d’entrée sur l’histoire romaine en couvrant un champ large sans jamais perdre le lecteur dans des détails inutiles. Les illustrations, nombreuses, variées et de grande qualité, permettent d’incarner le propos par des documents célèbres et presque attendus comme la statue d’Auguste dite de Prima Porta, mais aussi par d’autres beaucoup moins connus qui raviront tous les lecteurs y compris les plus initiés.