compte rendu réalisé par Gilles Boué, professeur agrégé d’histoire géographie, lycée Hélène Boucher, spécialiste d’histoire militaire à l’époque moderne

Dernières nouvelles de la recherche universitaire en histoire militaire napoléonienne,

Ce livre décrit par le détail et la critique des sources l’affrontement entre grecs et perses à la bataille de Salamine. Celle ci représentait dès l’antiquité un moment charnière dans la domination en méditerranée orientale et fut à l’origine de la naissance de l’Empire Athénien.
Salamine appartient à cette rare sorte de bataille « La bataille de » qui sera présentée à nos élèves (esquissée en 6ème ou objet d’étude en module de seconde). C’est pourquoi l’ouvrage de M. Pigaillem est le bienvenu, il permet dans un format proche du livre de poche par son nombre de pages de faire le point sur ce que les grecs appelaient « la divine Salamine ».
L’ouvrage dépasse largement le seul récit de la bataille en la replaçant dans la période des guerres médiques et en évoquant les principales sources qui permettent de cerner l’événement.
En 11 chapitres l’auteur décrit avec des qualités littéraires certaines la naissance de l’Empire achéménide, la révolte ionienne menant à l’intervention des Athéniens puis les tentatives d’invasion de la Grèce continentale par Darius (492 av. J.-C.) puis Xerxès (480-479 av. J.-C). Il nous amène lentement mais sûrement vers l’affrontement décisif que sera Salamine. Rien ne nous est épargné des trahisons, tractations plus ou moins officielles, des hésitations des cités face au « déferlement perse » de 480.Par un regard croisé sur les sources principales (Hérodote et Eschyle, parfois Thucydide) l’auteur nous montre la complexité à reconstruire l’événement paroxystique qu’est une bataille.Nous pouvons donc en conclure que les historiens ne savent toujours pas précisément où s’est déroulée la bataille navale, quelle en furent son exacte chronologie, ses péripéties (plus ou moins édulcorées par les auteurs antiques, tous grecs ou romains admirateurs). Ni quel fut le rôle exact de Thémistocle ou de la mythique Artémise, reine d’Halicarnasse, qui fit couler tant d’encre et de trières athéniennes.
Le livre est habilement complété par trois chapitres d’annexes présentant les espaces géographiques concernés, les principales sources (largement reproduites) et un lexique des termes maritimes ou militaires généralement peu connus.

Or, après une lecture agréable, il reste cependant un goût d’inachevé. En effet, les approximations sont nombreuses, par exemple la description du combat hoplitique appartient au domaine du cliché car semblant ignorer les travaux de Victor Davis Hanson (The Ancient Greek Battle Experience (Routledge, 1991 ; paperback éd. 1992) et surtout le remarquable chapitre sur Salamine dans « Carnage and Culture » (Doubleday, 2001 ; Flammarion 2002 pour la traduction française). Affirmer que les Epibates (combattants embarqués équipés en Hoplite) portent des cnémides de bronze est une proposition bien hasardeuse, les Grecs, marins nés, ne se seraient pas encombrés de pièces de protection de bronze assurant la noyade en cas de chute de la trière. Les principales sources imprimées utilisées sont bien loin des dernières publications savantes, l’auteur s’appuie beaucoup (trop peut-être) sur les travaux de Constantin Rados « la tactique navale des anciens » de 1915 en laissant de coté les travaux de Jean Pages publiés en 2000 dans la revue de la British School at Athens article sur les armes navales dans l’Antiquité et leur emploi tactique) ou sur le net l’article « La pensée navale athénienne aux Ve et IVe siècles avant J.-C » sur le site www.stratisc.org..

Le choix de sources est parfois surprenant, ainsi après avoir présenté dans une annexe la vision d’Eschyle, contemporain combattant de Salamine, nous avons droit à un poème de notre irremplaçable Victor Hugo complété par un texte de Chateaubriand qui se conclut par « je marchai quelque temps le long de la mer qui baignait le tombeau de Thémistocle ».

On nous annonce l’auteur comme historien et romancier, et s’il est vrai que l’écriture est limpide et le style agréable on ne peut s’empêcher de proposer en 4ème de couverture de remplacer l’affirmation par romancier et historien. De plus, dans son introduction, l’auteur (qui a écrit une « bataille de Lépante » pour Economica en 2000) s’efforce de comparer Salamine à Lépante, dans une sorte de comparaison hasardeuse et anachronique déconseillée à un étudiant en DEUG.

Il n’empêche que pour le collègue désirant éviter la nombreuse littérature publiée il y a quelques années pour le programme d’agrégation sur le « monde grec et la guerre », ce livre donnera des repères suffisants et un agréable moment de lecture.

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