Sophie Delaporte est spécialiste de l’approche de la guerre sous l’angle des blessures, des médecins, elle publie en 1996 un premier ouvrage sur le sujet : Les Gueules cassées, les blessés de la face de la Grande GuerreAgnès Vienot Editions, 2001. Aujourd’hui elle enseigne à l’université de Picardie.

Dans cet ouvrage elle élargit son étude dans l’espace et le temps, de l’Amérique de la guerres de Sécession aux guerres les plus contemporaines : Afghanistan et Irak.

Trois portraits

En deux chapitres : la blessure, Revivre, on découvre trois soldats, leur vie, leurs combats, leur blessure, les soins, les réactions de l’entourage.

Trois personnages :
Albert Jugon, soldat français de la Grande Guerre, figure emblématique des Gueules cassées qui fait une courte expérience du combat en 1914 dans les Ardennes puis sur la Marne et est blessé le 16 septembre 1914. Le récit évoque les soins improvisés à Bordeaux puis à Paris.
Jean Lequertier a été blessé en Indochine le 1er avril 1953. L’auteure s’appuie sur son interview, on découvre les progrès de la médecine militaire et notamment au sein du service maxilo-facial.
Jason Hare, lui est britannique, soldat d’élite il a sauté sur une mine dans la province de Helmand en Afghanistan en novembre 2008, rapatrié en Grande-Bretagne il sort du coma deux mois plus tard.

Dans le second chapitre l’auteure a choisi de privilégier le point de vue du blessé tant sur le plan médical (reconstruction, relation aux soignants) que sur le plan social (relations familiales, rapports sociaux).
Si la durée des soins, la gêne occasionnée par les blessures et l’état d’esprit des témoins (relations avec la famille proche, autres blessés de guerre, personnel hospitalier) sont développés, l’auteure donne également des détails sur les techniques médicales. Un assez long récit décrit la participation
d’Albert Jugon à la signature du traité de Versailles.

L’atteinte

Cette seconde partie s ‘intéresse à un corpus iconographique essentiellement américain qui accompagne le discours médical. Elle pose la question de l’usage de la photographie dès la guerre de Sécession. Comment, où, quand, et pourquoi montrer ces blessures de la face qui touchent à l’identité même du blessé ?

L’auteur évoque assez longuement, à partir de 1862, la création du musée médical de l’armée à Washington ainsi que sur les ouvrages médicaux traitant des soins aux victimes de guerre.
Dans le chapitre Rendre visible l’auteure constate une évolution vers une moins grande visibilité des dommages de la face, un respect croissant de la personne.
Dans le chapitre suivant Les survivants et les morts de l’atteinte faciale, il s’agit de montrer les progrès de la prise en charge médicale, la différenciation du type de blessures au cours des diverses guerres en fonction des armes utilisées (obus, mines…). L’étude porte aussi sur la mortalité liée aux blessures faciales, à la capacité de survie au champ de bataille. Ce chapitre traite de façon détaillée les derniers conflits : Afghanistan, Irak à partir de sources américaines et britanniques.

Reconstruire des visages, construire une discipline ?

C’est à l’histoire d’une discipline médicale ou plutôt chirurgicale qu’est consacrée la troisième partie.
L’auteur met en avant les techniques nouvelles et les praticiens qui en furent les précurseurs, les diffuseurs en Amérique, en France et au Royaume-Uni. Comment les techniques nées de la guerre ont une suite en temps de paix ? Quelle diffusion des travaux, quel enseignement en faculté de médecine ?
De la guerre de Sécession à la Grande Guerre l’évolution concerne d’abord les États-Unis, puis en France pendant et après la première guerre mondiale. Les dynamiques les plus récentes sont traitées avec les exemples anglais et américains.
Deux axes pour ces travaux : la réparation fonctionnelle et la reconstruction esthétique. L’auteur met en valeur le travail des chirurgiens pendant les guerres et la validation des techniques après les conflits.

L’auteur conclut sur la nécessité de s’intéresser au traumatisme, à l’expérience vécue.