Aborder autrement le conflit israélo-palestinien, c’est ce que propose le dessinateur José Pablo Garcia en choisissant comme angle le quotidien des populations qui vivent en territoire occupé. Le sujet est forcément délicat : il ne faut pas donner l’impression de verser dans un camp ou un autre.
Une bande dessinée pour un conflit

José Pablo Garcia est un dessinateur espagnol qui a déjà publié cinq livres en Espagne.
Cet ouvrage raconte donc son immersion en territoire occupé. Ce voyage fait suite à une commande de l’organisation non gouvernementale « Action contre la faim » pour parler autrement du conflit israélo-palestinien. L’angle est donc de témoigner des conditions de vie des populations qui représentent environ quatre millions de personnes. José Pablo Garcia ne part pas seul et est accompagné de plusieurs membres de l’ONG. L’ouvrage raconte donc de façon chronologique ces dix jours de voyage. Il comprend un certain nombre de cartes dessinées pour se repérer et il est organisé en plusieurs chapitres qui correspondent aux étapes du périple. Pour alléger le reportage, José Pablo Garcia n’oublie jamais, tout au long de son voyage, de parler nourriture pour faire, en quelque sorte, respirer le lecteur par ces petites descriptions.

Arriver à Jérusalem

Tout commence par le voyage pour Jérusalem et les accompagnateurs de José Pablo Garcia le préviennent des mesures drastiques de sécurité qu’il va subir. Ils lui indiquent quoi répondre et comment se comporter. Mais, à son arrivée, rien ne se passe comme prévu et il entre sans souci dans le pays. Son voyage se déroule alors que le ramadan va bientôt se terminer. Pour mieux comprendre Jérusalem, on notera quelques plans dessinés très clairs avec un zoom sur la vieille ville et un mot rapide sur les différents quartiers. Pour montrer la complexité de la situation, l’auteur prend le cas d’une personne : Omar a une carte d’identité de Jérusalem mais n’est pas citoyen israélien et ne peut pas voter aux élections du parlement israélien. Il a un passeport jordanien mais comme il n’est que temporaire et qu’il ne vit pas là-bas, il ne peut voter en Jordanie. Alors, comme il le dit lui-même, il pourrait voter aux élections générales palestiniennes mais les dernières datent de 2006. Lorsqu’il ajoute la situation de sa femme, l’auteur avoue être perdu.

L’eau, une question centrale

L’auteur est attentif aux détails et remarque par exemple, dès son arrivée, la présence de réservoirs d’eau sur le toit de certaines maisons. A Gaza, la nappe phréatique est presque inutilisable en raison de la salinisation par l’eau de mer. Du coup, l’eau représente une dépense importante. Cela peut aller jusqu’à un tiers des revenus d’une famille. José Pablo Garcia visite plusieurs projets soutenus par « Action contre la faim », ce qui donne un peu d’espoir. Au fur et à mesure de son voyage, il rencontre aussi des bénévoles de l’association et décrit les actions menées sans être trop démonstratif. Il montre la difficulté pour les populations locales d’avoir une activité économique rentable depuis les territoires occupés. Cela se voit par exemple avec la rencontre d’agriculteurs d’une coopérative située à Gaza, encore meurtrie par la guerre de 2014.

La question du territoire

José Pablo Garcia rappelle d’abord le découpage en trois zones imaginé au temps des accords d’Oslo. Cela conduit souvent à des difficultés pour se déplacer. Il remarque ainsi la différence de plaques minéralogiques. Ce n’est pas qu’un détail car cela n’ouvre pas les mêmes droits ou facilités de circulation. Au passage, l’auteur glisse quelques informations comme la durée du service militaire israélien, soit vingt-quatre mois, et le fait qu’il concerne garçons et filles. Il se rend également dans le sud de la Cisjordanie, s’arrête également sur le cas d’Hebron. C’est la seule ville de Palestine dont le centre est occupé par des colonies israéliennes. Il y a aussi 8 000 colons israéliens qui vivent en périphérie à Kiryat Arba. Le voyage se poursuit à Ramallah qui est la ville palestinienne la plus proche de Jérusalem. Située à 15 kilomètres au nord, elle est le siège administratif du territoire palestinien occupé. C’est aussi le lieu où sont basées beaucoup d’ONG. Un jour, le dessinateur découvre un dessin dans la rue et, grâce à ses guides, il mesure qu’il ne s’agit pas de n’importe quel dessin. Il s ‘agit de Handala qui est un symbole de la résistance palestinienne. Ce personnage créé en 1969 représente un garçon vu de dos et l’histoire veut qu’il montrera son visage et se retournera le jour où il retrouvera sa patrie.

Du côté de Gaza

José Pablo Garcia se rend également à Gaza, lieu pour lequel il prend la peine de donner un certain nombre de chiffres essentiels : cette bande de terre représente une des plus fortes densités de population de la planète avec 1 800 000 personnes qui vivent sur un territoire de 365 kilomètres carrés. Le dessinateur relève plusieurs fois tout au long de son périple la juxtaposition d’ambiances très différentes à parfois quelques centaines de mètres près. Il détaille les modalités de contrôle d’identité des populations. On découvre au passage l’existence d’un ballon blanc de surveillance israélien qui se déplace le long des frontières et est équipé de caméras de surveillance. C’est déjà pour l’auteur le temps du départ et, en partant, il éprouve cette fois la lourdeur des contrôles de sécurité.

La bande dessinée évite plusieurs écueils : elle offre donc un regard intéressant en le portant sur le quotidien des populations dans un territoire occupé. Il choisit cet angle et évoque aussi, chemin faisant, des projets d’ « Action contre la faim » sans que cela ne vire au panégyrique.
Pour en découvrir quelques planches, c’est ici.
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Jean-Pierre Costille, pour les Clionautes.