Maxime Tandonnet :

un haut fonctionnaire engagé auprès de Nicolas Sarkozy et spécialiste de l’immigration

L’ouvrage André Tardieu (L’incompris), écrit par Maxime Tandonnet, constitue la dernière parution des éditions Perrin, dans la collection « Biographie ». L’auteur, né le 7 octobre 1958 à Bordeaux, est un essayiste et haut fonctionnaire français, âgé de 61 ans. Ancien élève de l’Institut d’études politiques (IEP) de Bordeaux, de l’université de Californie et de l’École nationale d’administration (ENA), il commence sa carrière au ministère des affaires étrangères, comme premier secrétaire à l’ambassade de France au Soudan en 1983 et en administration centrale, avant de rejoindre le ministère de l’Intérieur en 1992, comme directeur de cabinet du préfet de Tours, de Versailles, puis d’être nommé inspecteur de l’administration en 2000 et inspecteur général de l’administration en 2008. Le 9 juin 2005, il intègre comme conseiller technique le cabinet de Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’Intérieur. Il est chargé du suivi de la politique d’immigration et d’intégration des populations d’origine étrangère. Maxime Tandonnet le suit en 2007 à la Présidence de la République, où, au sein du cabinet, il exerce les fonctions de conseiller affaires intérieures et immigration. Présenté comme l’un des coauteurs du discours de Grenoble, il a été parfois pris à partie dans la presse. Il quitte son poste à l’Élysée, en août 2011, pour reprendre ses fonctions d’inspecteur général de l’administration au ministère de l’Intérieur. Maxime Tandonnet tient un « blog personnel », depuis octobre 2010, dans lequel il développe son point de vue sur divers sujets de société à caractère national, européen et international. Proche par ses idées de la tendance gaulliste de l’UMP puis LR, il affirme cependant n’avoir jamais adhéré à un parti politique. Souvent critique vis-à-vis du milieu de la politique et des médias, chroniqueur occasionnel au Figaro et au Figaro Magazine, il publie régulièrement des articles sur différents sites d’information (dont Atlantico et le Figaro vox)

            Cette publication de 348 pages inclut une introduction (p. 11-16), comprenant 14 chapitres (p. 17-304), une conclusion (p. 305-312), des notes sur les sources et la bibliographie (p. 313-342), un index des noms de personnes (p. 343-348), des remerciements (p. 349-350) et une table des matières (p. 351-352).

André Tardieu et les années de formation (1876-1924)

La première partie de l’ouvrage, d’à peine 70 pages (p. 17-86), a pour objet les années de formation (1876-1924) d’André Tardieu. Elle comporte quatre chapitres ayant pour titre : chapitre I « Une tête bien faite » (p. 17-34), chapitre II « Vocation, journaliste » (p. 35-50), chapitre III « Combattant volontaire » (p. 51-62) et le chapitre IV « De l’Amérique à Clemenceau » (p. 63-86).

D’une longueur de 17 pages, le chapitre I « Une tête bien faite » (p. 17-34) décrit l’enfance et l’adolescence de ce fils d’un avocat parisien aisé. André Tardieu descend d’une vieille famille bourgeoise parisienne. Brillant élève au lycée Condorcet, à 17 ans, il remporte une douzaine de prix au Concours général (notamment des premiers prix de géographie et de rhétorique en 1893). Licencié ès lettres en 1895, en parallèle, il est reçu premier (major) au concours d’entrée à l’École normale supérieure, il décide de ne pas y entrer.

Avec le chapitre II « Vocation, journaliste » (p. 35-50), à 22 ans, André Tardieu est reçu premier au concours du ministère des Affaires étrangères. Il est, de 1899 à 1902, secrétaire de Waldeck-Rousseau. Il commence à écrire au Figaro, dès février 1901, sous la signature de Georges Villiers. Adrien Hébrard, directeur du très influent quotidien Le Temps, l’attire à son journal en août 1903. À partir de 1905, il est le principal chroniqueur de politique étrangère du journal Le Temps, où il rédige le Bulletin de l’étranger pratiquement tous les jours jusqu’en 1914. Il passe tous les matins au Quai d’Orsay et ses articles ont la réputation d’être inspirés par la politique officielle des différents gouvernements. Ses articles, remarquables de clarté et bien documentés, lui attirent une audience considérable tant en France qu’à l’étranger. En 1910, il est mêlé aux affaires de la société concessionnaire (exploitant les richesses naturelles du Congo belge) N’goko Sangha et du conglomérat financier de la ligne ferroviaire Homs-Bagdad, où il est accusé par certains d’avoir été corrompu pour user de son influence au Quai d’Orsay. Il n’est jamais condamné mais sa carrière politique souffrira de ces deux scandales. Le 26 avril 1914, il est élu (sous l’étiquette « républicain de gauche ») au premier tour député de la 4e circonscription de Seine-et-Oise, à Versailles.

Avec le chapitre III « Combattant volontaire » (p. 51-62), André Tardieu est mobilisé à 37 ans et fait la Première Guerre mondiale, après avoir servi au front (automne 1915-printemps 1916), il est démobilisé en mai 1916 non sans avoir été cité par trois fois pour héroïsme durant le conflit.

Avec le chapitre IV « De l’Amérique à Clemenceau » (p. 63-86), André Tardieu fut nommé Commissaire général aux Affaires de guerre franco-américaines, après l’entrée en guerre des États-Unis, il devint ainsi l’interface principale entre les deux pays pour tout ce qui concernait les affaires militaro-industrielles. Rappelé par le Président du Conseil Georges Clemenceau à Paris, en 1918, il devint son principal collaborateur pendant la conférence de paix de Paris. En tant que bras droit de Clemenceau, délégué français, président ou membres de nombreuses commissions de la conférence de la paix, il participa donc aux négociations qui débouchèrent sur la signature des traités de Versailles avec l’Allemagne, de Saint-Germain-en-Laye avec l’Autriche, de Trianon avec la Hongrie, de Neuilly avec la Bulgarie, de Sèvres avec l’Empire ottoman. Lors des législatives de 1919, André Tardieu est réélu député de la 4e circonscription de Seine-et-Oise, à Versailles, mais est battu lors des législatives de 1924.

André Tardieu et sa carrière politique (1924-1935)

La deuxième partie du livre, d’à peine 140 pages (p. 87-224), a pour sujet la carrière politique (1924-1935) d’André Tardieu. Elle  compte six chapitres intitulés : chapitre V « L’ascension politique » (p. 87-120), chapitre VI « Au sommet de l’État » (p. 121-150), chapitre VII « Un retour manqué » (p. 151-174), chapitre VIII « Le visionnaire » (p. 175-188), chapitre IX « Dans la tourmente » (p. 189-200) et le chapitre X « Le grand malaise » (p. 201-224).

            Avec le chapitre V « L’ascension politique » (p. 87-120), André Tardieu devient député de Belfort avec l’étiquette « Alliance démocratique », lors d’une élection partielle, le 13 février 1926 et il est réélu à l’issue des législatives de 1928. Il devient ministre des Travaux publics (le 24 juillet 1926) puis de l’Intérieur (le 11 novembre 1928) sous Poincaré (président du Conseil de 1926 à 1929), ce qui l’oblige à rompre avec Clemenceau. Vexé que son disciple politique n’ait pas tenu compte de sa recommandation de ne pas se compromettre dans des combinaisons « à la Briand », Clemenceau interdit ensuite sa porte à André Tardieu.

Avec le chapitre VI « Au sommet de l’État » (p. 121-150), André Tardieu devient Président du Conseil (pour la première fois) durant 3 mois (3 novembre 1929-17 février 1930). Léon Daudet le surnomme « le Mirobolant » dans l’Action française parce qu’il a une idée par jour et que sa pensée va trop vite pour l’homme politique moyen. En janvier 1930, André Tardieu gracie le même Léon Daudet réfugié à Bruxelles depuis son évasion de la prison de la Santé en 1927 (les Camelots du roi ayant alors trompé le directeur de la prison avec un faux ordre de libération).

Avec le chapitre VII « Un retour manqué » (p. 151-174), André Tardieu exerce à nouveau les fonctions de président du Conseil des ministres (du 2 mars 1930 au 4 décembre 1930). Ministre de l’agriculture (janvier 1931-janvier 1932), puis ministre de la Guerre (janvier-février 1932), il redevient président du Conseil pour la troisième et dernière fois (du 20 février 1932 au 10 mai 1932). Il est également ministre des Affaires Étrangères et assure l’intérim du président de la République Paul Doumer après son assassinat au salon du livre patriotique (du 7 au 10 mai 1932). Lors des législatives de 1932, l’échec de la majorité qu’il conduit en tant que président du Conseil l’ulcère profondément. Son fort caractère et son style trop « parisien » nuisent à sa carrière politique ; en effet, le peuple n’a que peu de confiance en lui, son modernisme le dessert parfois (dès 1932, il utilise la radio avec ses « causeries » et se fait suivre de radio-reporters qui enregistrent et diffusent ses discours) et les radicaux et radicaux-socialistes le combattent.

Avec le chapitre VIII « Le visionnaire » (p. 175-188), à partir de 1934, André Tardieu publie de nombreux ouvrages dont La réforme de l’État, dans laquelle il défend la réduction du nombre de partis politiques et un renforcement du pouvoir exécutif. Il crée son propre groupe parlementaire, le Centre républicain. Ces propositions, variées, consistaient en la perte du droit d’initiative des dépenses pour le Parlement, le droit de vote pour les femmes, le recours au référendum pour contrer l’opposition du parlement, la possibilité pour le Président de la République, de dissoudre la Chambre des députés sans l’accord du Sénat, après un an de mandat, la limitation du nombre de ministres à 20 sous la direction du Premier ministre. Ce poste nouvellement créé et désormais défini par la Constitution, était l’appellation d’usage du chef du gouvernement avant 1815. Le général De Gaulle s’inspirera de La réforme de l’État d’André Tardieu pour la rédaction de la constitution de la Cinquième République et en fera l’apologie.

Dans le chapitre IX « Dans la tourmente » (p. 189-200), l’émeute du 6 février 1934 donne l’occasion à André Tardieu de tenter d’appliquer ses idées de révisionnisme institutionnel souhaité par André Tardieu. Ce dernier accepte de Gaston Doumergue le poste de ministre d’État et pousse ce dernier à proposer une réforme de l’État tout en ferraillant contre les radicaux hostiles au principe même de révision. Ces derniers font chuter le cabinet Doumergue et André Tardieu les dénonce comme les responsables du blocage de la vie politique.

Dans le chapitre X « Le grand malaise » (p. 201-224), André Tardieu est confronté au scandale des fonds secrets, à l’automne 1937, lors du procès de La Rocque. De mars à décembre 1930, alors qu’il est président du Conseil et ministre de l’Intérieur, André Tardieu finance les ligues d’extrême-droite par l’intermédiaire de fonds secrets, parmi lesquelles les Croix-de-Feu du colonel de La Rocque. André Tardieu a un rapport particulier aux ligues d’extrême droite. Même s’il ne s’allie jamais avec une de ces associations, André Tardieu voit leur action anti-parlementaire comme une chance pour lui de modifier le système politique français.

André Tardieu : L’ermite de Menton (1935-1945)

La troisième et dernière partie de l’ouvrage, d’à peine 80 pages (p. 225-304), a pour étude les dernières années de la vie (1935-1945) d’André Tardieu. Elle comprend quatre chapitres ayant pour titre : chapitre XI « L’ermite de Menton » (p. 225-250), chapitre XII « La révolution à refaire » (p. 251-268), chapitre XIII « Gringoire, un engagement paradoxal » (p. 269-284) et le chapitre XIV « Tardieu, le recours ? » (p. 285-304).

Avec le chapitre XI « L’ermite de Menton » (p. 225-250), André Tardieu se retire dans un petit village, près de Menton. Ne parvenant pas à imposer ses vues sur la réforme des institutions de l’État, il se consacre à l’écriture d’une pensée devenue hostile à une République faible. Il n’assume plus aucune fonction ministérielle et se retire de la vie politique institutionnelle.

Avec le chapitre XII « La révolution à refaire » (p. 251-268), en 1936, dans son œuvre La Révolution à refaire dont le premier tome est Le souverain captif, André Tardieu affirme que le régime parlementaire est contraire aux intérêts de la France mais il milite pour le droit de vote des femmes. La déception politique et la grande peur que provoque chez lui l’avènement du Front populaire lui font renoncer à ses idéaux de jeunesse et son opposition au Front populaire le fait évoluer vers l’hostilité à la Troisième République.

Avec le chapitre XIII « Gringoire, un engagement paradoxal » (p. 269-284), André Tardieu se radicalise et bascule progressivement dans l’antiparlementarisme au nom d’une république forte, à partir de 1934. De 1936 à l’été 1939, il écrit régulièrement dans l’hebdomadaire littéraire et politique Gringoire et dénonce la gauche. Cependant, en 1938, il désapprouve la ligne munichoise de Gringoire.

Avec le chapitre XIV « Tardieu, le recours ? » (p. 285-304), André Tardieu dénonce dans la revue L’Époque l’abandon de la Tchécoslovaquie par les nations européennes. Le 4 mai 1939, dans Gringoire, André Tardieu écrit une lettre ouverte à Hitler intitulée « Réponse à un criminel » qui lui vaut les critiques des milieux pacifistes de droite comme de gauche. Victime d’une attaque cérébrale le 22 juillet 1939, « l’Ermite de Menton » perd l’usage de la parole, la vue et est paralysé. André Tardieu meurt le 15 septembre 1945.

André Tardieu (L’incompris) : une biographie réhabilitant l’incompris André Tardieu

            Pour conclure, L’ouvrage André Tardieu (L’incompris) de Maxime Tandonnet réhabilite le personnage d’André Tardieu. Héritier de Clemenceau puis de Poincaré, précurseur du général de Gaulle et de la Ve République, trois fois président du Conseil et ministre à plusieurs reprises, André Tardieu (1876-1945) fut l’une des personnalités politiques les plus remarquables de son époque. Fondateur de l’éphémère Centre républicain, grand visionnaire, il eut pour ambition de rediriger la politique en faveur du bien commun et soutint ainsi un ambitieux programme d’investissement public et de hausse des revenus populaires, instituant en outre l’assurance vieillesse pour tous les salariés. Il n’eut de cesse également de participer à la modernisation du pays, favorisant l’électrification des campagnes et la construction de vastes infrastructures. Homme d’État – et écrivain – d’une rare puissance intellectuelle, entraîné par ses intuitions, en particulier sur le péril hitlérien, celui que Léon Daudet surnommait « le Mirobolant », se heurta cependant au pacifisme et à l’incompréhension de la classe politique de son époque, aussi bien à gauche qu’à droite, ce qui le conduisit à se retirer de la vie publique après avoir dénoncé les dérives de la IIIe République dans des manifestes au style enlevé. Dans cette biographie agréable à lire, Maxime Tandonnet livre la vie de ce personnage complexe et tourmenté.  

© Les Clionautes (Jean-François Bérel pour La Cliothèque)