Daniel Chartier, professeur à l’université du Québec à Montréal et directeur du Laboratoire international d’étude multidisciplinaire comparée de représentation du Nord, était loin de se douter quand il a écrit La spectaculaire déroute de l’Islande qu’au moment de la sortie du livre, ce pays ferait de nouveau l’actualité internationale, cette fois-ci avec l’éruption du volcan Eyjafjöll et son nuage de cendres qui a immobilisé le monde occidental plusieurs jours durant.

En 2008, cette petite île septentrionale a connu une spectaculaire banqueroute sous l’effet combiné de la faillite de ses banques et d’un endettement étatique dix fois supérieur au PIB du pays. Cette faillite étatique interpelle d’autant plus que l’Islande était jusqu’alors un pays des plus riches et égalitaires du monde, sans cesse montré en exemple. Cette courte ère de prospérité est le résultat de la période dite « néo-viking » en référence à la douzaine d’hommes d’affaires qui ont été à la base de ce miracle économique.

Cette débâcle, fortement relayée par les médias, s’accompagne d’une crise économique, morale, éthique et identitaire. L’objectif du livre de Chartier est d’apporter au lecteur les clés de lecture de cet évènement afin de comprendre comment en est-on arrivé là ? Pour ce faire, Chartier a travaillé sur 3000 articles de presse qu’il a analysé selon une démarche qui s’appuie sur l’imagologie, l’herméneutique de la réception et sur l’analyse idéologique et sociologique du discours.

Ainsi, il apparait que l’excès est le maître de mot de cette crise : excès de confiance de la finance sur l’économie réelle. L’ampleur de la crise ne fait pas dans la démesure non plus : inflation à 15%, monnaie ayant perdu 60% de sa valeur, nationalisations à toute vitesse des banques et recours à l’aide internationale. Ce qui arrive au pays en 2008 intrigue et inquiète d’autant plus que l’on craint alors un effet domino.

L’image de l’Islande change radicalement à l’international d’autant plus que le gouvernement islandais et ses banques ne sont pas des champions de la communication, surtout lorsqu’ils annoncent qu’il n’est pas question de rembourser les avoirs des petits épargnants placés dans des produits islandais.

L’ensemble du texte est enlevé. Organisé en de courts chapitres qui se lisent vite et bien, la démonstration est convaincante. Daniel Chartier a le souci de varier les sources journalistiques. Si les analyses économiques tiennent une place non négligeable dans son étude, il fait aussi appel à des textes très variés. Ainsi, en est-il de la mise aux enchères sur ebay du pays pour 99 pences par un plaisantin mais aussi des articles qui rendent compte des prises de position des artistes (Björk) sur la crise. Le tout fait de cet essai une lecture rafraichissante pour la mémoire et bien utile. C’est donc à la fin d’une saga que l’on a assisté en 2008 : la fin de la success story du « Nordic Tiger », en attendant que cette île volcanique renaisse de ses cendres.

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