Comme l’ont encore montré les dernières élections présidentielles en France, l’extrême droite a le vent en poupe en Europe. Or, pour l’opinion publique, “extrême-droite” est souvent synonyme de “nationalisme” et de repli sur soi. On peut donc s’interroger sur l’intérêt d’écrire sur la géopolitique des extrêmes droites. C’est justement à cette question que s’attaque l’auteur de cet ouvrage, Stéphane François, professeur HDR de sciences politiques à l’université de Mons, Groupe sociétés, religions, laïcité (EPHE/ CNRS/ PSL) 

Introduction 

L’auteur note tout d’abord que l’extrême droite n’existe pas mais qu’on parle des extrêmes-droites car ces partis et groupuscules forment un univers pluriel. 

De plus, l’extrême-droite n’est pas close sur elle-même : ses différentes tendances ont une vision du monde souvent proche et elles diffusent leurs idées à travers le monde par les traductions et l’organisation de colloques. 

De même, la question des relations internationales a toujours été importante pour les extrêmes-droites car elles ont des conséquences sur la vie des nations. C’est pourquoi elles sont tentées d’influencer ces relations internationales soit par des stratégies diplomatiques (comme Steve Bannon dans sa tentative de mise en place de réseaux internationaux d’extrême-droite), soit par des actes terroristes (comme, par exemple, le massacre de Christchurch). 

Enfin, si l’extrême droite voue une passion pour la géopolitique, celle-ci est souvent complotiste, à dimension prescriptive, multipolaire et avec une dimension ethnique.  

Extrême droite ou extrêmes droites ? 

Tout d’abord, l’auteur rappelle que la notion d’extrême droite est une notion floue et pluriel, chaque courant ayant des caractéristiques propres. Cependant, il est possible de dégager des invariants idéologique comme le patriotisme, le nationalisme, le traditionalisme, l’autoritarisme et le rejet de la démocratie libérale. Un autre invariant est la conception organiciste de la communauté reposant sur les idées d’ethnie, de nationalité et/ou de race, ayant pour conséquence un rejet de tout universalisme et de l’”Autre”. Les courants d’extrême droite ont aussi souvent une rhétorique révolutionnaire, se présentant comme un modèle de contre-société et en élite de rechange. Ils exaltent aussi de grands mythes mobilisateurs ainsi que des valeurs irrationnelles. Enfin, ils rejettent l’ordre actuel géopolitique et sociétal (notamment en s’opposant au consumérisme) qui, selon eux, formerait un “Système”. 

Un des moteurs de la géopolitique d’extrême droite est le complotisme, parfois utilisé pour stigmatiser une partie de la population ou pour inventer un ennemi. L’extrême droite élabore ainsi la théorie d’un “métacomplot” organisé par des forces souterraines à des fins inavouables. De ce fait, l’antisémitisme est aussi un discours relavant du complot comme le prouve Les Protocoles des Sages de Sion, ce faux qui donne naissance au mythe du complot judéo-maçonnique. 

La question religieuse joue aussi un rôle important dans l’élaboration d’une géopolitique d’extrême droite car elle permet de valider une vision du monde ainsi que de mettre en place des réseaux. L’extrême droite est divisée en grandes tendances religieuses : chrétienne, musulmane (ou islamophile), hétérodoxe (néopaganisme, ésotérisme) et les athées. Elles entretiennent des rapports conflictuels mais peuvent aussi s’allier car elles ont certains points de convergence (antisémitisme et antisionisme, création d’une religion propre aux populations “blanches”) ou pour des raisons stratégiques. 

Le populisme constitue un modèle transnational politique d’extrême droite. Le peuple y est perçu comme une entité “naturelle” à défendre. On y rejette le système représentatif au profit du référendum qui permet de s’adresser directement au “vrai peuple”. C’est aussi à ce dernier que les bienfaits de l’Etat-providence doivent être réservés. Dans cette lignée, l’extrême droite tient un discours de défense des “petits” contre les “gros” (capitalistes mondialisés, hommes politiques “tous pourris”…). Elle prône aussi un modèle international basé sur une alliance de nations nationalistes, respectueuses de la souveraineté des nations hors de l’intrusion d’organisation comme l’ONU ou l’UE. 

Les extrêmes droites sont aussi nostalgiques d’un monde ethniquement homogène dans lequel les différences sont assimilées à des inégalités. Elles réactualisent l’idée de la supériorité de la “race blanche” tout en tenant un discours ethnocentrique, victimaire et identitaire. Selon celles-ci, la “race blanche” serait en train de disparaître à cause d’une colonisation inversée (le “grand remplacement”), d’où la volonté de structurer la communauté nationale de façon homogène et sécurisée face à une immigration extra-européenne et au métissage. On assiste donc à un remplacement progressif du racisme biologique par un racisme culturel basé sur l’incompatibilité des différentes cultures entre elles. 

Enfin, l’auteur note qu’après une baisse significative dans les années 1990, une partie des militants d’extrême droite retourne à l’action violente. Ces actions s’inscrivent dans un rejet croissant et violent du monde arabo-musulman suite à la guerre en Yougoslavie (à la fin des années 1990) et des attentats du 11 septembre. Ce sentiment est renforcé dans les années 2010 avec les vagues migratoires et les attentats de Paris (2015). Dans ce contexte, des terroristes australiens (comme Brenton Tarrant, auteur de l’attentat de Christchurch en 2019) ou américains (comme Timothy McVeigh, auteur de l’attentat d’Oklahoma City en 1995) décident de passer à l’action au nom de la défense de la “race blanche”. 

1900-1945 : les prémices de la géopolitique de l’extrême droite 

C’est pendant la seconde moitié du XIXe siècle que se construit une doctrine nationaliste d’extrême droite. Elle est alors fondée sur un nationalisme agressif et sur un ethnonationalisme se focalisant sur l’ethnicité et la langue. 

De même, à partir du dernier tiers du XIXème siècle, on constate le passage d’un antijudaïsme religieux à un antisémitisme racial, en essentialisant le Juif avec des caractéristiques psychologiques et physiques propres à leurs “races”. Ils sont alors présentés comme des parasites sociaux, des comploteurs visant la domination du monde et des cosmopolites destructeurs d’identité. Au début des années 1920, sont créés des réseaux antisémites internationaux avec la diffusion du pamphlet antisémite Protocoles des Sages de Sion. Ce dernier donne aussi naissance au mythe du complot judéo-bolchévique qui servira de justification aux massacres pendant la Seconde Guerre mondiale. C’est aussi pendant cette période que Mgr Ernest Jouin diffuse en France le thème du complot judéo-maçonnique. 

Cette période correspond aussi à l’âge d’or de la raciologie, pseudo-science prétendant expliquer les phénomènes sociaux par les facteurs héréditaires et raciaux. Ainsi, Arthur de Gobineau, un des fondateurs de la raciologie, postule qu’il y a une inégalité intellectuelle et physique entre les races (sous-entendant une supériorité de la race Aryenne) et que le métissage serait la cause de la dégénérescence des civilisations. Dans les années 1920, s’instaurent des échanges entre raciologues américains et européens autour de la question de la préservation de la “race blanche”. Sur cette question, l’auteur note l’importance des discours raciaux américains qui mettent en avant les composantes nordiques de la “race blanche”. 

Plutôt hostiles à la colonisation au début, les extrêmes droites européennes voient peu à peu le colonialisme comme un moyen d’ordonner le monde. La colonisation dans sa mission civilisatrice des peuples “blancs” vis-à-vis d’autres peuples inférieurs est alors aussi perçue comme la concrétisation de leurs spéculations raciales. Cependant, les extrêmes droites ont un intérêt tardif pour la colonisation (à partir des années 1920-1930) car elles considéraient les peuples colonisés comme peu civilisables. 

L’anticommunisme des extrêmes droites est lié à l’antisémitisme avec le mythe du complot judéo bolchévique. Il se retrouve aussi chez les catholiques traditionnalistes qui combattent le communisme pour son athéisme. Les premiers groupes anticommunistes sont constitués parmi les Russes blancs exilés en Europe après les révolutions russes. Dans les années suivantes, un fort courant anticommuniste s’installe en Occident. Ainsi, l’anticommunisme est un point important du fascisme faisant de Mussolini un dirigeant de premier plan admiré en Europe. Mais, dans les années 1930, il est supplanté par Hitler qui devient le pôle magnétique de l’extrême droite en développant un discours antimarxiste et antisémite. 

La géopolitique nazie est fondée sur une conception raciale du monde et sur l’antisémitisme. Cependant, l’idéologie nazie n’est pas originale : elle est la synthèse de différentes idées d’origines diverses. Ainsi, les lois de Nuremberg sont inspirées des lois raciales et ségrégationnistes américaines. La nouveauté du nazisme réside dans la volonté de fusionner ces différentes références et de les mettre en pratique de manière quasi-industrielle. L’attrait pour le nazisme se retrouve aux Etats-Unis parmi les éléments les plus radicaux du Ku Klux Klan ou chez des personnalités comme Henry Ford. Pendant la Seconde Guerre mondiale, les nazis soutiennent les régimes fascistes ou dictatoriaux des zones occupées et ils s’attachent la collaboration des militants fascistes ou quasi-fascistes. Ceux-ci souhaitent autant que les nazis la “purification” de leurs pays des Juifs, des francs-maçons et des communistes. De leur côté, les Nazis veulent germaniser les éléments les plus “nazifiables” des pays alliés ou occupés. C’est dans cette perspective que les SS recrutent des volontaires non-Allemands. Pour ce faire, la doctrine nazie va évoluer d’un discours germano-centré en un éloge du nationalisme européen (voire la promotion d’un ethnorégionalisme). 

L’après-1945 : structuration et consolidation idéologique de la géopolitique des extrêmes droites 

La Libération constitue l’année zéro pour l’extrême droite, nécessitant une reconstruction dans un contexte géopolitique nouveau (décolonisation et guerre froide). C’est aussi un moment de cristallisation et de radicalisation des idées. 

Ainsi dans les années d’après-guerre, sont créés des réseaux et des structures internationales d’extrême droite. C’est le cas du MSE (Mouvement Social Européen) qui réunit les droites radicales européennes sur un programme synthétisant les positions fascistes (européisme et nationalisme européen, indépendance de l’Europe vis-à-vis des Etats-Unis et de l’URSS, anticommunisme). C’est aussi le cas du NOE (Nouvel Ordre Européen), structure nazie paneuropéenne et antisémite. On peut aussi citer l’exemple de l’Internationale néonazie (WUNS) qui est représentative de la mutation de l’extrême droite racialiste vers une défense de la “race blanche” dans son ensemble. 

Avec la guerre froide, l’anticommunisme a facilité la création de réseaux associant vainqueurs et vaincus de la Seconde Guerre mondiale. Parmi les plus importants, on trouve la WACL (la Ligue anticommuniste mondiale) où on retrouve à la fois d’anciens nazis, des fascistes et des chefs religieux. Parfois, on assiste à une union des milieux conservateurs avec les milieux d’extrême droite comme dans la loge italienne P2 qui a fomenté un complot pour purger la société italienne des communistes et des gauchistes. On retrouve aussi des militants d’extrême droite dans le réseau Glaudio composé d’armées secrètes activables en cas d’invasion par l’URSS.  

Après la Seconde Guerre mondiale, en s’appuyant sur une anthropologie raciale, le racisme des Nazis se transforme en nationalisme européen, passant de la défense des Aryens à la promotion des Indo-Européens (et plus largement de la “race blanche”). Dans les années 1960-1970, aux Etats-Unis, se développe un racisme universitaire qui cherche à prouver l’infériorité intellectuelle des Afro-américains. En France, l’historien Dominique Venner fonde Europe-Action qui repose sur l’idée de la supériorité de la “race blanche” qui doit être protégée par une politique ségrégationniste. Il y fait aussi la promotion d’une Europe des ethnies faisant disparaître les Etats-nations dans un ensemble impérial des peuples de “race blanche” d’Europe (alliée à des Etats racistes comme la Rhodésie et la République Sud-Africaine). De son côté, aux Etats-Unis, en 1957, Roger Pearson fonde la Northern League qui propose de protéger les peuples nordiques contre le communisme et le métissage (en ayant recours à l’eugénisme). Les idées de Pearson sont acclimatées par le Français Alain de Benoist, théoricien du Groupe de Recherches et d’Etudes pour la Civilisation Européenne (GRECE) créé en 1968 et qui deviendra la “Nouvelle Droite” en 1979. Les extrêmes droites réutilisent alors des travaux de d’ethnologues et d’anthropologues de gauche et antiracistes pour appuyer leur argumentaire. Ainsi, ils emploient le terme d’”ethnocide” mais pour l’appliquer à l’Europe des années 1980, introduisant l’idée d’un “grand remplacement”. C’est enfin à cette période que l’extrême droite théorise une nouvelle forme de racisme, plus seulement biologique, mais aussi culturel et civilisationnel : cet “ethnodifférentialisme” insiste souvent sur l’incompatibilité des différentes cultures. 

Malgré l’implication des extrêmes droites dans la défense des empires coloniaux, il existe entre les années 1960 et 1980, un tiers-mondisme d’extrême droite. Ainsi, le nationaliste révolutionnaire belge Jean Thiriart est favorable à une alliance entre l’Europe et le monde arabe en raison de son hostilité à Israël et pour s’émanciper de l’URSS et des Etats-Unis. Ce tiers-mondisme philo-arabe est ensuite repris dans les années 1970 et 1980 par la “Nouvelle Droite”. 

Les réseaux d’extrême droite soutiennent aussi la cause palestinienne pour son rejet d’Israël, associant ainsi logique antisioniste et logique antisémite. Pour ces réseaux, judaïsme et sionisme deviennent alors des synonymes de racisme et de colonialisme. L’auteur note aussi que dès la fin des années 1940, le discours antisémite se transforme en discours négationniste : c’est alors qu’apparaît le “bobard des 6 millions” selon lequel les Juifs n’auraient pas été exterminés mais qu’ils auraient utilisé ce mensonge pour justifier la création d’Israël. Ce discours a pour but de réhabiliter le régime nazi. 

Après la Seconde Guerre mondiale, les extrêmes droites se passionnent pour le paganisme, héritage plus ou moins direct de la doctrine SS. Ce néopaganisme s’hybride alors avec les thèses de l’existence d’une civilisation et d’une ethnie européenne blanche continue depuis la Préhistoire. C’est à cette période que l’extrême droite réinvente de vieux cultes nordiques. 

Enfin, à la fin des années 1970, la mouvance skinhead appelée “bonehead” (à différencier des skinheads d’extrême gauche) apparaît. Elle se situe dans l’héritage de la SA nazie développant un discours nationaliste, anticommuniste, raciste, antisémite et homophobe. Ces skinheads se structurent alors en réseaux internationaux (comme celui de Blood and Honour). Ils sont aussi parfois utilisés comme service d’ordre par les partis d’extrême droite et sont connus pour leur extrême violence vis-à-vis des populations immigrées et des milieux “antifa” ou marxiste.  

1990-aujourd’hui : l’identité par-dessus tout 

Dans les années 1990, les chamboulements géopolitiques amènent les Etats-Unis à conduire une politique étrangère jugée unilatérale par les extrêmes droites. Celles-ci font alors la promotion d’un monde multipolaire. Dans cette perspective, elles soutiennent d’abord Chavez qui apparaît comme la figure de proue du combat contre l’impérialisme américain. Puis, Poutine devient un exemple pour les extrêmes droites pour son modèle impérial appuyé sur l’Eglise, opposé aux Etats-nations et rejetant la démocratie libérale et parlementaire. Elles soutiennent aussi les régimes autoritaires arabes (Syrie) ou musulmans (Iran). Durant cette période, apparait un discours contre les droits de l’homme (“droit-de-l’hommisme”) qui seraient un instrument de domination des Etats-Unis sur les peuples. On note aussi un renforcement des réseaux entre identitaires européens et américains ainsi que l’apparition de liens entre les extrêmes droites occidentales et celles d’Europe de l’Est. 

Au début des années 1990, l’enjeu identitaire devient primordial avec l’apparition de l’islamisme, représentant pour les extrêmes droites un danger pour la civilisation européenne. Les tournants sont alors la guerre en Yougoslavie, les attentats terroristes en France dans les années 1990 et surtout les attentats du 11 septembre qui associent migrants, islam et terrorisme. Les extrêmes droites s’appuient sur un rejet croissant dans les opinions publiques des sociétés multiethniques et sur un racisme culturel qui fait des musulmans des personnes incapables de s’adapter aux valeurs occidentales. Les militants identitaires européen tentent de se fédérer et de mettre en place des synergies : ils défendent l’idée d’une Europe ethniquement homogène en prônant le retour des immigrés dans leur pays (“remigration”). Ils procèdent aussi à un renversement des perspectives : les peuples à décoloniser seraient les “peuples blancs” colonisés par le Tiers-Monde. Ils élaborent une théorie d’un monde qui serait divisé en différentes “ethnosphères” : à cause de la baisse de la natalité et d’une forte immigration, on assisterait à un déclin des “peuples blancs”. Pour éviter ce “grand remplacement”, l’extrême droite veut créer des grands espaces civilisationnels autarciques et indépendants où chacun serait libre de trouver leur mode de développement : les relations entre les blocs seraient alors régies par une “paix armée”. 

A partir des années 2000, la doctrine antisémite d’extrême droite évolue passant du néonazisme au postnazisme. Celui-ci consiste à tenir un discours de la “race blanche” tout en assumant le génocide des Juifs européens. Mais, la vieille doctrine du “complot juif” est toujours présente dans une pratique agglutinante où la haine des Juifs assimile des discours de différentes natures. Ainsi, comme l’ont montré les messages de l’extrême droite sur les vaccins, celle-ci interprète les évolutions des mœurs et du monde par un “métacomplot” où se conjuguent refus du système, condamnation du néolibéralisme économique et antisémitisme. 

L’extrême droite s’est intéressée très tôt aux potentialités d’internet qui permet d’échanger des informations, de collecter des fonds, de recruter des militants, de diffuser leurs idées (compensant ainsi leur absence dans les médias traditionnels) et de pallier un faible nombre de militants par un suractivisme virtuel. Internet permet aussi pour les militants de banaliser des idées pour les rendre acceptables par la répétition, par la désinformation (“réinformation”) et par le confusionnisme. Cette stratégie de communication a été efficace comme le montre la diffusion dans l’opinion publique des thématiques de l’extrême droite la plus identitaire comme la théorie du “grand remplacement” ou la notion de “remigration”. Il ne faut pas aussi oublier que le but de cette communication est aussi d’amener les électeurs vers l’extrême droite. 

Dans les années 1990, on note une montée en Europe des partis d’extrême droite. Ils sont souvent qualifiés de “populistes” car ils se présentent comme voulant défendre le “vrai peuple” au sens racial mais aussi au sens social (notamment les classes populaires précarisées par la mondialisation). Longtemps considérés comme des repoussoirs, les partis d’extrême droite vont alors ethniciser les problèmes sociaux et économiques en développant, par exemple, le concept de “préférence nationale”. Mais, c’est grâce à leurs succès électoraux dans les années 2000, que les partis d’extrême droite vont devenir des partis de premier plan. Cette visibilité a deux conséquences : à la fois, une banalisation des discours et, en même temps, un contrôle de la violence des militants d’extrême droite générant des micros-partis encore plus radicaux. Ainsi, certains militants considèrent la voie politique stérile rendant les partis d’extrême droite trop modérés. Comme Breivik en Norvège en 2011 ou Tarrant à Christchurch, ils se tournent alors vers des actes terroristes avec une double motivation : terroriser les populations immigrées et provoquer une guerre civile ou raciale. 

Depuis la moitié des années 1990, l’écologie joue un rôle de plus en plus important à l’extrême droite. Mais, c’est une approche ethniciste et localiste de l’écologie. De même, par rejet de la société libérale et du capitalisme, certains prônent un retour à la ruralité, quasi-autarcique, respectueux de la nature dans un monde fermé. Parmi les plus extrémistes, apparaît la notion d’écofascisme : pour protéger les pays occidentaux d’une convergence de catastrophes, ils proposent la mise en place de régimes totalitaires. 

Enfin, depuis le début des années 2000, l’extrême droite se passionne pour le survivalisme mais un survivalisme raciste avec des considérations identitaires, écologiques et spirituelles. Ainsi, certains veulent installer des “colonies blanches” loin de la promiscuité raciale des villes. Cependant, l’auteur conclue que si cette forme de survivalisme est courante aux Etats-Unis, elle l’est moins (voire marginale) en Europe. 

Mon avis 

Ce livre très intéressant nous montre que, loin des clichés habituels, l’idéologie d’extrême droite est bel et bien une idéologie construite et qu’elle a une vision géopolitique du monde basée essentiellement sur l’appartenance ethnique. Stéphane François nous présente aussi des militants d’extrême droite qui, loin de leur isolement national, n’ont eu de cesse lors des XXème et XXIème siècles de dialoguer avec d’autres théoriciens venant d’autres pays.  

Même si on peut regretter le choix d’un plan chrono-thématique plutôt que d’un plan thémato-chronologique (qui aurait rendu les évolutions idéologiques plus lisibles pour un néophyte), Stéphane François met bien avant la diversité des extrêmes droites ainsi que leurs multiples influences et transformations. Mais, il conclue aussi sur les constantes de ces idéologies, à savoir la défense de la “race blanche”, la persistance de l’antisémitisme et la conception complotiste des relations internationales. 

Cet ouvrage pourra être très utile pour les professeurs de lycée, notamment ceux qui enseignent l’histoire en 1ère et en Terminale pour obtenir des informations et des précisions sur l’évolution des idéologies d’extrême droite au XXe siècle.