Pour une histoire du bd journalisme
Mark Daniels retrace tout d’abord l’histoire du genre en en recherchant les racines. Le bd journalisme est d’abord l’enfant de la bande dessinée de guerre qui existe depuis longtemps. Rappelons par exemple les planches apparues au moment de la seconde guerre mondiale avec l’action des super-héros. A cela se conjugue la démarche du journalisme, c’est-à-dire une démarche d’investigation. Parmi les succès planétaires, on peut évoquer la série « Gen d’Hiroshima » qui narre l’histoire d’un enfant qui survit à la bombe atomique de 1945. Cette bande dessinée, parue en 1973, a rencontré un succès planétaire. Un autre repère fort, c’est Mauss, en 1986, avec son idée d’utiliser des chats et des souris pour raconter la période des camps. Le documentaire s’intéresse également à la personnalité de Joe Sacco, et revient sur sa bande dessinée « Palestine » parue en 1992. A l’époque, il raconte qu’il est un auteur à succès, mais qu’il est obsédé par la question des territoires occupés. Il se rend alors sur place.
Grande et petite histoire
Marjane Satrapi insiste sur le fait qu’elle utilise un point de vue très personnel dans ses livres, ce qui évite d’être abstrait pour parler de la situation d’un pays, à savoir ici l’Iran. De la même façon, Joe Kubert explique qu’à travers l’histoire d’une personne, un destin, on touche le lecteur. En même temps, il s’agit de raconter la grande histoire à travers la petite. On comprend dès lors mieux l’importance que les dessinateurs accordent à l’anecdote. Par le détail, par la quête et la représentation de ce que les journalistes de télévision éliminent souvent, les bandes dessinées nous font pénétrer au cœur des conflits. Rendre compte du réel, c’est également le défi et l’intérêt d’une bande dessinée comme « Le photographe ». Elle raconte une mission de Médecins sans frontières en Afghanistan en 1986. Elle mélange le dessin, la photographie dans une série captivante et qui ne ressemble à rien de connu.
Le BD journalisme comme marqueur du monde actuel ?
Un des auteurs évoque le fait que la bande dessinée parle par exemple de la torture, alors qu’on ne lirait jamais spontanément des pages et des pages là-dessus. Les auteurs nous font parcourir une planète agitée par les combats, que ce soit en Afghanistan avec Ted Rall ou en Irak. De façon moins récente, le bd journalisme a témoigné aussi de la situation yougoslave au moment de l’implosion de la fédération. En rassemblant les couvertures et les résumés de chaque volume abordé, on peut travailler avec les élèves sur la question des conflits contemporains.
Les bonus existants….et ceux qu’on aurait aimés…..
Le DVD dure en tout 100 minutes : les bonus représentent donc une part importante de l’ensemble. On y retrouve des interviews de Joe Sacco, Patrick Chapatte et Marjane Satrapi. Le découpage proposé est une approche par thèmes, à savoir les outils, les méthodes, les sujets, les anecdotes, les débuts ou encore les influences. Dans l’un des bonus, Chapatte explique qu’il écrit lorsqu’il est sur le terrain, mais ne dessine pas ! C’est ensuite seulement que commence ce travail, ce qui lui permet, par exemple, de réfléchir à des angles particuliers pour faire comprendre telle ou telle situation de guerre. C’est souvent passionnant de découvrir ce qu’on ne voit jamais, de suivre la genèse de ces albums. Lorsque les dessinateurs évoquent leurs influences, on aimerait bien voir des planches des dessinateurs qui sont cités. On aurait aimé un document qui à un moment, par exemple dans les compléments, récapitule les bandes dessinées citées dans le DVD et peut-être disposer de quelques images fixes, façon diaporama, de quelques-unes de leurs planches. Certes, il y a la partie biographie des auteurs, mais ça manque d’exemples de planches. Est-ce une question de droits qui explique cette absence ?
Au total, ce DVD a sans doute peu d’équivalent dans sa volonté de retracer la genèse d’un genre aujourd’hui très fécond. Selon les connaissances de chacun, ce DVD constituera un agréable résumé du bd journalisme, un approfondissement ou alors, pour les néophytes, une découverte très utile, car très claire. En tout cas, on n’a envie que d’une chose à l’issue du programme, c’est de se plonger ou replonger dans « Dans l’enclos de Gaza » ou dans « Baghdad journal ».
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