Bruno Modica est chargé de cours en relations internationales, rédacteur au CNED de Lille
C’est un numéro appelé à faire référence que la Documentation française vient de publier sur le thème, actualité oblige, de la mondialisation et de la crise financière.
Les auteurs font littéralement le tour de tout ce qu’il faut savoir sur le sujet avec de multiples exemples, certains sont inédits, et bien des encadrés sur ces termes dont les medias nous abreuvent au sens parfois obscur.
Une fois ce numéro 34 refermé, on peut sans crainte répondre à bien des questions que l’honnête homme se pose sur le sujet.

La question posée par Serge Sur, le rédacteur en cher dans son éditorial ramène le lecteur à l’Europe. Au-delà des mouvements spéculatifs et des États qui portent la responsabilité d’avoir laissé la bride sur le cou aux spéculateurs, il convient de revenir sur ces fondamentaux que sont les instruments de régulation. La question qui est posée en est même lancinante. Ceux qui spéculent toujours, à la baisse cette fois, ne vont-ils pas ramasser les morceaux des plus faibles ? L’alternative, pour en revenir à ce qui était envisagé plus haut, n’est-elle pas alors une Europe cohérente, capable d’offrir une alternative financière et sociale à ce qui a été la dérégulation anglo-saxonne ?
La crise, comme cela a été le cas aux lendemains de la seconde guerre mondiale peut-elle être un instrument de progrès ?

Deux économistes, Cyriac Guillaumin et Dominique Pilhon reviennent sur ces questions en évoquant les transformations du système monétaire international, abordant la période où le Livre sterling était la monnaie de référence sur la base du Gold standard, avant d’être supplanté en 1913 par le dollar. En 1936 le monde se fractionne en blocs monétaires antagonistes, la livre, le Reichsmark et le yen étant sorti de la convertibilité en or, gold exchange standard en 1931. On reviendra également sur la création du système de Bretton woods et celle du FMI. Le FMI avant la crise, a vu son utilité d’organisme préteur décliner avec seulement six accords de prêts en 2008 contre 21 en 1998. Il est vrai que c’était avant la crise et que bien des pays comme la Hongrie ou l’Ukrane, ont dû faire appel à lui. Au lendemain de la levée de la convertibilité du dollar en or décidée le 15 août 1971, le système post bretton woods qui s’est mis en place est marqué par la montée en puissance de l’euro dont le rôle international s’affirme mais peut-être pas encore suffisamment. Selon certaines estimations, la monnaie européenne dépasserait en 2015 le dollar comme réserve de change rôle que le yen et encore moins le Yuan ne peuvent jouer du fait de l’opposition des pays concernés. Certes, si devenir monnaie de référence est un avantage, cela est aussi limitatif de politiques visant à jouer sur les taux de change ce que les japonais ont pu faire et que les chinois font toujours, en usant de la dévaluation compétitive comme il y a quelques semaines.
Un encadré très utile permet de présenter les fonds souverains, présentés par l’actuel locataire de l’Élysée comme la panacée pour répondre aux besoins des industries françaises éventuellement menacées. Ces fonds souverains sont des fonds d’investissements à long contrôlés par des États, ayant tout de même quelques liquidités, ce qui explique que leur origine se situe au départ dans les pays du Golfe ou en Norvège. Leur encours global pourrait se situer entre 6000 et 10000 milliards de $ d’ici 5 ans.

Olivier Pastré revient sur la crise des subprimes et ses conséquences pour en expliquer la genèse, notamment le comportement grégaire et moutonnier des banques. La crise a été d’abord celle de la confiance dans les possibilités de remboursement des prêts immobiliers qui étaient titrisés et donc vendus et revendus sur les marchés financiers permettant aux banques d’enfler leurs encours et leur produit brut bancaire.
Les conséquences en terme d’emploi sont très clairement expliquées par Olivier Pastré. Licenciements massifs dans le secteur bancaire et financier, recomposition par fusion du paysage bancaire, et retour de la recherche de fonds propres dans le système bancaire. L’épargnant sera de fait très recherché et il aura tout intérêt à monnayer ses placements le plus cher possible. Les banques perdront leur taux de rentabilité à 20 % ce qui avec une croissance économique mondiale de 5 % par an était absolument anormal.

Gunther Capelle Blancard et Jézabel Couppey Soubeyran évoquent l’intégration des marchés boursiers, en revenant sur les fondamentaux qui ont favorisé cette intégration. Les nouvelles technologies, et les 3 D Désintermédiation , Dérèglementation et Décloisonnement expliquent cette réactivité des bourses les unes par rapport aux autres. En 2006, les actifs étrangers représentent près de 50 % des portefeuilles américains, contre 6 % en 1970.
De ce fait, les canaux de transmission des crises sont beaucoup plus rapides, et amplifient d’ailleurs les crises aux marchés lointains. La bourse de Paris a plus perdu que celle de New York d’om la crise est partie par exemple.
Enfin, les NTIC ont accru la réactivité des marché, on parle d’ailleurs à propos de l’effet tequila à propos la crise mexicaine de 1994 dont les conséquences ont été perçues de façon quasi instantanée.

Désormais considérés comme des zones d’ombre de la finance internationale les paradis fiscaux servent au blanchiment et participent de la criminalité financière internationale. Jean Pesme, qui a dirigé la délégation française au groupe d’action financière internationale évoque ces sujets en rappelant que cette délinquance en col blanc représenterait entre 2 et 5 % de la richesse mondiale. Les Nations unies, le G7 à l’origine du GAFI fondé en 1989 ont mis en place des instruments de lutte mais force est de constater que ceux-ci du fait de la règle de souveraineté des États sont encore insuffisants.
On remarquera, mais Jean Pesme ne le dit pas que des États comme la France sont eux aussi bénéficiaires de paradis fiscaux qui servent aussi de points de passage pour le blanchiment. Au moment où le Président de la république dénonçais les zones d’ombres de la finance internationale, l’île de Saint Barthélémy bénéficiait d’un statut off shore plus avantageux encore. Cet île de Saint Barth est une collectivité d’outre mer des Antilles dépendant de la Guadeloupe maintenant autonome et bénéficiant d’un avantage en matière de TVA immobilière.
Enfin, pour terminer ce très riche numéro de Questions internationales, on pourra lire avec profit un texte de Walter Bagehot éditorialiste de the economist publié en 1874 dans lequel il traite des crises financières internationales avec un langage très actuel. Lombard street ou le marché financier en Angleterre.