Les concours du CAPES et de l’agrégation en histoire ne réclament aucun génie particulier mais une solide méthode de travail présentée ici avec force conseils et références bibliographiques.
CR de Stéphane Haffemayer, maître de conférences en histoire moderne à l’Université de Caen, associé à l’UMR 5037 du CNRS. Auteur de « L’information dans la France du XVIIe siècle. La Gazette de Renaudot de 1647 à 1663 », Champion, 2002.
S’il est un point sur lequel la profession des enseignants demeure divisée, c’est bien celui des concours que l’on accuse généralement de ne pas refléter les réalités du métier. Difficile en effet de mesurer des aptitudes à enseigner chez des candidats qui ne l’ont jamais pratiqué sans se fonder sur leur maîtrise d’un certain nombre de contenus et de techniques qui, elles, font partie intégrante du métier d’enseignant.
On ne peut donc que féliciter les auteurs et les éditions du Temps d’avoir eu l’idée de proposer un ouvrage qui fait le point des exigences de concours réputés difficiles et dont le postulat est qu’il existe incontestablement une méthode pour les préparer. Récemment diplômés, c’est avec beaucoup de chaleur et de bons sens qu’ils entendent ici faire partager leur expérience.Le ton est donné dès la préface par Michel Zimmermann, professeur d’histoire médiévale à l’Université de Versailles, qui en rappelle les points essentiels à ses yeux :
· La lecture du rapport annuellement rédigé par le jury reste une référence indispensable.
· Les concours ne sont pas des épreuves d’érudition réservées à une élite : seules quelques lectures bien comprises sont nécessaires.
· Le mariage entre l’histoire et la géographie conserve une profonde pertinence épistémologique, les deux matières restant indissociables dans la compréhension des sociétés humaines.Cela dit, aucun manuel ne donne directement la clé du succès : on n’y trouve pas de recettes, mais de quoi élaborer sa propre démarche.Conçu comme un vademecum, l’ouvrage délivre ses conseils en trois parties qui recouvrent les temps forts du concours : la préparation, les écrits, les oraux. Suivent d’utiles annexes sur les instruments de travail (comme les numéros spéciaux de L’Histoire) et les sujets des dix dernières années.

L’introduction livre deux recommandations importantes : premièrement, les rapports annuels des jurys constituent une clé essentielle pour saisir les exigences d’un concours (les références dans la revue Historiens & géographes sont indiquées dans l’annexe V) ; deuxièmement, la préparation de l’oral doit se faire dans le courant de l’année et constitue une manière complémentaire de préparer l’écrit.

La préparation

Après quelques renseignements pratiques sur les lieux de préparation et un rappel sur les origines et l’évolution des deux concours que l’augmentation du nombre de candidats rend de plus en plus sélectifs, les auteurs passent en revue les points forts d’une année de préparation.
La culture générale tout d’abord, dont l’insuffisance explique bien des échecs mais que quelques bonnes lectures permettent de mettre à jour et de fixer en se constituant quelques points de repères. Les auteurs indiquent au passage l’intérêt de la connaissance de quelques documents de référence ; on précisera que les « incontournables » figurent souvent dans les manuels du secondaire.
On ne peut que souscrire aux recommandations des auteurs concernant la connaissance des grands courants historiques et des grands titres de la réflexion épistémologique, tout en admettant que c’est là un travail à entreprendre – modestement, dès les premières années d’études… et que l’historien professionnel n’aura de cesse de poursuivre.
Quant à la géographie, avec force références, les auteurs insistent sur la maîtrise d’un certain nombre de concepts et d’un vocabulaire adapté, y compris en géographie physique. On se méfiera seulement de ne pas tomber dans l’excès d’un jargon fumeux qui oublierait les réalités du terrain.
Fondamentales en revanche sont les recommandations très pragmatiques concernant la géographie de la France, fonds de carte en main, ainsi que celles concernant le travail à fournir autour des cours, qu’il faut parfois sélectionner (les auteurs recommandent 5 à 8 heures de cours par semaine), ainsi que le choix des lectures dans lesquelles il faut impérativement éviter de se perdre.
La connaissance de la bibliographie est ainsi parfaitement soulignée et les auteurs insistent avec raison sur la lecture des comptes rendus de thèses ou d’ouvrages importants qui représentent un gain de temps considérable (on recommandera au passage la consultation régulière du site des Clionautes).
De même, les conseils méthodologiques sont tout à fait adaptés aux concours et traduisent bien les réalités du métier : lexicographie, cartographie, chronologie, bibliographie afin de fixer les connaissances, plans détaillés, croquis : ce sont là des approches et des techniques habituelles à tous les enseignants.
Les auteurs évoquent la nécessité de s’informer de l’actualité scientifique (catalogues d’éditeurs, revues, librairies, presse) ; on y ajoutera celle d’une curiosité toujours en éveil : expositions, musées, parutions et controverses récentes reflètent une science sociale toujours en mouvement ; c’est d’une disposition d’esprit à cultiver qu’il s’agit, non d’un intérêt conjoncturel qui s’arrêterait avec la réussite au concours.

Conseils

La deuxième partie délivre des conseils tout aussi concrets pour les écrits. Vu l’état de stress de certains candidats, on pardonnera la naïveté de certaines recommandations emplies de bon sens, tout simplement.
Concernant les copies, les auteurs rappellent l’importance de l’exhaustivité, de l’organisation des idées, de la problématique : répétons-le, les qualités qu’il s’agit ici de mettre en œuvre sont celles de tout bon enseignant qui aura lui-même à cœur de les faire passer à ses élèves… Assurément, les conseils méthodologiques qu’ils délivrent à propos de la dissertation et du commentaire devraient être assimilés dès l’entrée à l’Université, mais on pourra les relire avec profit, d’autant qu’ils s’inspirent des remarques des rapports de jury. On apprécie tout particulièrement ceux qui concernent l’évocation des sources et des débats historiographiques, qui traduisent l’approche critique de l’historien et ne peuvent qu’être un plus aux yeux du correcteur. On retiendra également l’insistance des auteurs sur les grandes problématiques d’une question, même lorsque le sujet proposé déroute par son aspect pointu : c’est un point fondamental à travers lequel on évalue aussi les compétences du futur enseignant.
Cependant, et c’est peut-être là que réside toute la difficulté du concours, l’épreuve de commentaire de documents exige des qualités d’analyse critique propres au métier d’historien sur lesquelles insistent également les auteurs qui apportent, là aussi, de précieux conseils techniques.

Les oraux

La troisième partie concerne les oraux des deux concours et en expose le déroulement de manière vivante, profitant du vécu récent de leurs auteurs. Pour cette épreuve, rappelons néanmoins que quelle que soit la fraîcheur des recommandations, rien ne remplace la visite personnelle des lieux l’année précédant le concours : assister soi-même à quelques oraux permet de se faire une idée précise des exigences du concours et d’adapter sa préparation en conséquence.
S’inspirant des rapports, les auteurs présentent les attentes du jury concernant chaque type de document proposé et citent en exemples les sujets proposés : les candidats effrayés par l’épreuve sur dossier du CAPES trouveront là matière à orienter leur préparation. Dans l’ensemble, les méthodes de présentation décrites reprennent les principaux éléments de la rhétorique universitaire. Les historiens apprécieront la clarté des explications concernant les différents documents géographiques proposés à l’oral.

En somme, après bien des ouvrages très généraux sur la préparation aux concours, les éditions du Temps proposent là un ouvrage pratique parfaitement adapté et riche de références bibliographiques. Les auteurs indiquent la marche à suivre, les pièges à éviter, démontrant parfaitement que la réussite au CAPES et à l’agrégation ne nécessite aucun génie particulier, seulement un travail de préparation intelligemment conduit.

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