Cinglant de son verbe inégalable «le protectorat américain [pesant sur l’Europe] sous le couvert de l’OTAN», incompatible avec l’indépendance stratégique revendiquée par une France désormais confortée par la maîtrise de l’arme atomique, le général de Gaulle impose en 1966 le retrait des forces américaines stationnées sur le territoire national.
Cette évacuation, effective en 1967, clôt un chapitre de l’histoire franco-américaine inauguré dix-sept ans auparavant. Le documentaire conçu par Fabrice d’Almeida et Philippe Truffaut restitue de façon très pédagogique cette tranche d’existence partagée, aujourd’hui presque totalement effacée des mémoires.
Le retour militaire des GI’s en 1950 s’effectue en application du Pacte de l’Atlantique Nord. Mais le climat de la Guerre Froide est moins favorable que celui de la Libération. Le slogan «US Go Home» accueille les nouveaux arrivants. Le PCF orchestre une virulente campagne antiaméricaine conforme à l’agenda soviétique. L’enjeu est de taille : le besoin de protection militaire des Européens de l’Ouest rencontre la nécessité américaine d’une défense de l’avant qui assure un parapet de protection pour le sanctuaire états-unien.
La présence alliée est à la fois aérienne et logistique. La bannière étoilée flotte sur quatorze bases d’aviation et quarante dépôts. 26 000 militaires et 60 000 civils américains (personnels et familles) ainsi que 17 500 salariés français en dépendent. Ces implantations constituent autant de «petites Amériques» où le mode de vie et la culture d’Outre-Atlantique se trouvent projetés. L’urbanisme des sites concernés en témoigne : magasins, bâtiments administratifs, lotissements pavillonnaires, lieux de culte, installations sportives et de loisir. Véhicules, matériel électro-ménager et produits de consommation viennent de la mère patrie. Des radios militaires diffusent la musique américaine. L’animation noctambule des clubs de jazz attire la jeunesse locale. Le spectacle fascinant de cette Amérique tentatrice importée dans la province française constitue un miroir du progrès et un modèle pour les autochtones. Tel est le cas à la base aérienne de Châteauroux-Déols, à Dreux ou au camp de La Braconne, qui sont les principaux exemples privilégiés par le documentaire.
La durée et la proximité de cette séquence otanienne favorise l’émergence de liens personnels. Des couples mixtes se forment et des familles se créent. D’importants intérêts économiques dépendent des Américains. La base de Châteauroux est ainsi le principal employeur de l’Indre. Le retrait de 1967 a donc un un impact certain sur le plan économique et humain. L’évacuation constitue une contrainte logistique déplaisante et coûteuse pour les États-Unis, mais ils ne sont pas les seuls à s’estimer lésés. D’importantes manifestations des populations civiles ont lieu dans les régions concernées : en effet, avec l’OTAN c’est le travail qui s’en va, au quasi déplaisir des Communistes ! Aucune activité de remplacement ne compense cette perte de substance, et les principales localités affectées subissent une baisse démographique assez sensible. Les conséquences familiales sont elles aussi notables.
Mais le général de Gaulle reste inflexible. Prophète d’une vision de la grandeur et de la souveraineté nationale incompatible avec l’allégeance automatique envers les États-Unis, il fait du départ des soldats de l’OTAN le symbole géopolitique de sa volonté de troisième voie entre l’Est et l’Ouest. En outre, la présence intérieure des Américains contraste avec la liberté concédée aux colonies. Enfin, elle entretient la tradition culturelle française d’antiaméricanisme qui n’a cessé de s’irriter contre l’allié d’Outre-Atlantique.
Le parcours proposé par ce documentaire de cinquante minutes est complet et fluide. Il est irrigué par de riches images d’archives, les commentaires avertis d’une brochette d’experts (les historiens Olivier Pottier, Fabrice D’Almeida, Jerome McAuliffe et Yves Bardet, l’archiviste Marc Jullion, la politologue Nicole Bacharan) et les vivants souvenirs d’une dizaine de témoins et de protagonistes (notamment le préfet Michel Aurillac, le cinéaste Alain Corneau, le militant communiste Pierre Pirot, d’ex GI’s et d’anciens employés français des bases – mais pas le jeune rebelle castelroussin Gérard Depardieu, qui débuta pourtant sa tumultueuse carrière auprès des belles de nuit fréquentées par les soldats américains). On en retiendra un hommage léger mais utile à un moment presque oublié, dont la mémoire porte la trace d’une nostalgie positive. Fragile témoignage de cette singulière part d’Amérique ignorée qui est l’héritage des enfants de Brassioux d’hier et d’aujourd’hui… Les initiés s’y reconnaîtront !
© Guillaume Lévêque
Malheureusement, il semble bien n’avoir jamais bénéficié d’une édition DVD… Peut-être est-il disponible quelque part sur internet ?
bonjour comment faire pour commander ce dvd : U.S. Welcome , U.S. Go Home