DEPUIS QUAND ?
Les rappels historiques introductifs montrent, qu’avant la Révolution Française, la duplication n’est pas considérée comme de la triche et que l’on rend ainsi hommage à ses ainés en les reprenant abondamment. C’est sous l’impulsion de Beaumarchais qui milite pour les droits d’auteurs que la situation évolue sur ce sujet. Si au XVIème siècle, sont relatés des cas de fausses inscriptions sur des listes de réussite à des diplômes ou d’épreuves passées par d’autres personnes, c’est surtout avec l’apparition du baccalauréat, sélectif à l’époque, que la triche se développe, mais aussi avec la généralisation d’examens à épreuves écrites.
COMMENT ?
Les techniques sont variées, des antisèches à caractères microscopiques aux échanges de brouillons en passant par les jumeaux ou les délicieuses complaintes énonçant les réponses en langue régionale depuis la rue…les Sous-Doués étaient des visionnaires…seuls les téléphones portables (oreillettes sous les foulards ou consultation aux toilettes en cas d’épreuves longues) constituent une vraie nouveauté de notre temps.
Aux côtés des phénomènes de triche pendant les épreuves se trouve la catégorie des travaux copiés-collés, tout faits ou pire encore, rédigés sur mesure. En coupable idéal, Internet est incriminé sur de nombreux plans : parce qu’il a développé un culte de la gratuité générant un besoin de quasi immédiateté dans le processus créatif, parce qu’il institutionnalise les petites recettes de chacun avec des sites comme webtricheur.net, parce qu’il permet de mieux gérer un précieux anonymat dans les recherches d’auteurs de mémoires voire de passages de thèse dans toutes les disciplines imaginables…et tant d’autres possibilités sur cette inquiétante marchandisation du savoir.
POURQUOI TRICHER ?
Les raisons invoquées tiennent à la paresse, à la facilité, au manque de temps mais, plus grave, au mimétisme et au fait d’être convaincu de ne pas se faire prendre. Nombreux sont ceux qui évoquent l’aspect inutile de certaines matières dans les cursus voire le cursus universitaire lui-même, peu importe sa spécificité puisqu’il est vu uniquement comme une étape pour accéder à un concours. L’aspect aléatoire des corrections apparaît également à l’image des copies du bac : une étude a révélé des écarts allant jusqu’à 10 points sur des dissertations proposées à trente enseignants. A plus vaste échelle, on bidonne son CV pour de meilleures responsabilités, pour trouver un emploi.
QUI SONT LES TRICHEURS ?
Presque tout le monde ? Il y a malgré tout les occasionnels et les professionnels mais 70 % des individus en moyenne reconnaissent avoir déjà triché dans leur vie. Et bon nombre ne s’en cachent pas, témoignant de cette petite fierté, après coup, sur des groupes facebook ayant le vent en poupe. Les parents, eux, pensent que ce sont surtout les enfants des autres qui trichent (3 % pensent que leur enfant a déjà triché). Contrairement à ce que l’on pourrait penser, ce sont les très bons élèves qui trichent le plus, dans les cursus réputés et avancés, dans une logique de course au meilleur dossier et donc au meilleur emploi. Culturellement, les pays nordiques trichent moins que les autres et de manière pratique, les scientifiques trichent plus que les autres, leurs matières s’y prêtant davantage.
LE MALAISE DES SANCTIONS
Tricheurs car convaincus de ne pas être pris, tricheurs car presqu’aucune connaissance de la sanction (16 % savent qu’ils risquent une exclusion) mais peut-être bien aussi tricheurs car les peines sont rarement appliquées. Les démarches sont longues et fastidieuses, les convocations en conseil de discipline sont rares et les problèmes sont souvent réglés en interne avec un simple zéro ou mieux, par une proposition de repasser une épreuve aux sessions de rattrapage plutôt que de prononcer l’exclusion. Cette politique de tolérance s’explique aussi par une certaine complicité des enseignants eux-mêmes qui protègent la réputation de leur établissement et qui se souviennent avoir triché ou qui trichent encore (en ne respectant pas l’anonymat des copies, en inscrivant des étudiants virtuels, en s’appropriant des travaux d’étudiants ou des publications de collègues dans cette folle course à la rentabilité dans la production scientifique).
QUE FAIRE ?
Les solutions techniques semblent inadaptées ou inapplicables (brouillage des téléphones, logiciels antiplagiat, fouille corporelle, caméras…). Davantage de surveillants et des surveillants plus efficaces serait un bon début mais il faudrait également plus de prévention (expliquer la nature des modalité d’examen, le travail des jurys, donner des statistiques sur la réussite…) et moins se tourner vers les aspects règlementaires. La nature même des épreuves devrait évoluer vers davantage d’oraux ou, à l’écrit, vers des situations favorisant la réflexion (résolution de problèmes et non simples énonciations de formules par exemple).
Mais de manière bien plus large, c’est de notre modèle de société qu’il est question, la triche enfantine et adolescente se transposant inévitablement dans le monde adulte. L’idéal égalitariste vole en éclat lorsque les puissants usent et abusent de leur pouvoir et de leur relationnel pour contourner la carte scolaire. Et que dire des niches fiscales, des médicaments non fiables et des contaminations ? La parole de l’enseignant semble peser bien peu face à ces multiples scandales banalisés et au décervelage orchestré par les médias. C’est en profondeur qu’il faut agir et réinstaurer la confiance.
En tous cas, si l’envie vous prenait d’essayer, par exemple dans le cadre d’un travail rédigé par autrui, prenez au moins la peine de le relire. Vous éviterez de vous retrouver comme cet étudiant…dont le mémoire de sociologie a été rédigé…au féminin ! Faut-il être bête…en plus d’être fainéant.