Yves Reuter est professeur émérite à l’université de Lille. Il a mené de multiples recherches et publié de nombreux livres sur les pédagogies dites « différentes », l’erreur ou l’apprentissage de l’écrit. Il a notamment publié « Comprendre les pratiques et pédagogies différentes ». L’auteur fait le choix d’une mise en page avec des sections, sous-sections et une multitude de paragraphes numérotés ce qui est plutôt pratique. Il contient également un index fort utile.

Des constats, un projet

Cet ouvrage se fonde sur trois constats : la persistance d’un échec scolaire important, le caractère socialement marqué de cet échec en France et les résultats intéressants obtenus par des équipes d’enseignants mettant en oeuvre des pratiques pédagogiques « différentes ». Le projet de ce livre est d’éclairer comment l’échec scolaire se construit. L’objectif n’est pas de proposer des solutions « clés en main ». Il propose quelques principes en insistant plus particulièrement sur l’articulation entre sécurisation et stimulation.

Comprendre et combattre l’échec scolaire : l’articulation entre pédagogies et didactiques

L’auteur commence par définir trois concepts : système didactique, discipline scolaire et configuration disciplinaire. Il invite d’abord à reconnaitre l’importance des expériences de terrain et propose des rédactions moins absconses dans certains ouvrages de pédagogie.

Comprendre les difficultés des élèves

Les difficultés des élèves peuvent être liées à l’opacité, à l’imposition ou au sentiment d’injustice et de stigmatisation. L’imbrication des contenus est par exemple une source d’opacité pour les élèves. L’évaluation est parfois aussi opaque par le manque de clarté des critères. Le sentiment d’injustice ou d’humiliation peut naitre de certains commentaires dans les copies.

Difficultés des élèves et fonctionnements pédagogico-didactiques

Il s’agit de revenir ici sur les caractéristiques  des fonctionnements scolaires dominants en France. Ainsi, l’oral est trop souvent conçu sur le modèle de l’écrit scolaire. Les contenus scolaires sont très spécifiques comme en témoigne le principe de la lecture d’extraits. Le savoir pratique est souvent dévalorisé.

Penser différemment pour agir autrement

Il faut abandonner toute idée de retour à un passé idyllique et se méfier des injonctions idéales. Il faut plutôt envisager d’autres configurations et articuler au mieux sécurisation et stimulation.

Le changement de posture de l’enseignant

Avant tout il faut poser le postulat de l’éducabilité. On peut inciter les élèves à développer leur réflexion sur l’activité sous forme de carnets d’écriture où les élèves notent leur cheminement. L’auteur souligne également l’importance de sortir de l’évaluation couperet pour transformer la correction en un moment qui donne des pistes d’amélioration.

Réduire l’opacité de l’univers scolaire

«  L’enjeu de cette clarification est de construire l’univers scolaire comme hospitalier et non hostile ». Pour clarifier les fonctionnements scolaires, la méthode de l’instruction au sosie est une voie intéressante. Il faut aussi accepter pour l’enseignant de ne pas forcément finir un programme au risque d’être tout seul en réalité à le finir. L’auteur cite une démarche en école primaire où l’enseignant laissait pendant un certain temps accumuler  les documents sans les ranger immédiatement jusqu’au moment où une séance était consacrée à les classer disciplinairement ce qui  suscitait des débats et permettait de mieux savoir où en étaient les élèves.

La fonctionnalité des contenus scolaires

Bien souvent l’école répond à des questions que ne se posent pas les élèves et ne répond pas aux questions qu’ils se posent.

Décider, s’exprimer et créer à l’école

Il s’agit ici de reconnaitre l’importance de l’expression des élèves et de leurs créations et en permettant également la discussion des contenus. Les grilles d’auto-évaluation sont un outil très utile.

Coopération et apprentissages

Les pratiques coopératives sont une des manières d’incarner la dimension interactive des apprentissages. On apprend toujours dans des interactions avec les autres. Il faut aussi bien retenir que la coopération s’apprend. Parfois, certains élèves résistent à ce type de pratique.

Les apprentissages comme parcours

Ici, Yves Reuter présente quelques dispositifs susceptibles de stimuler les élèves : compétition, défis, obstacles. Il peut aussi être intéressant de multiplier les rôles et les positions des élèves par rapport aux savoirs et aux savoir-faire : ils peuvent être créateur, chercheur, auditeur, aide par exemple.

Les apprentissages comme acculturation

A l’école on apprend à écrire certains genres d’écrits avec certains outils et d’une certaine façon. On peut transformer les élèves en médiateurs. Les bonnes intentions ne suffisent pas et il faut se méfier de la posture qui insiste sur le plaisir et qui devrait donc être partagé par tous les élèves. Yves Reuter invite à construire des passerelles entre scolaire et extra scolaire.

Réfléchir ensemble

En conclusion, Yves Reuter réinsiste sur trois points : lutter contre un échec socialement marqué, articuler pédagogies et didactiques et réfléchir ensemble entre enseignants, formateurs et chercheurs. Cet ouvrage multiplie les angles pour combattre l’échec scolaire. Sa construction en 300 paragraphes favorise sa lecture et chacun des titres peut être retenu comme un utile moyen de penser et d’agir autrement.