La Seconde Guerre mondiale reste un thème largement porteur dans les catalogues des éditeurs. On ne compte plus les études traitant de tel ou tel aspect politique, militaire ou idéologique du conflit. Les ouvrages de synthèse sont cependant beaucoup plus rares. C’est à ce difficile exercice que se livre Jean Quellien. Celui-ci est déjà l’auteur de plusieurs ouvrages sur la Seconde Guerre mondiale, en particulier sur la Normandie dans la guerre.
L’ouvrage est un pavé de 780 pages, mais qui se lit facilement. L’auteur a choisi une approche chronologique qui nous ramène aux origines du conflit et se termine avec les procès de fin de guerre. Son approche ne se limite pas au seul récit des évènements militaires, une partie centrale de l’ouvrage est consacrée aux conséquences de la guerre sur les sociétés.
Des victoires de l’Axe…
Un gros premier tiers de l’ouvrage est consacrée à cette période qui s’étend du début des hostilités à l’année 1942 et qui voit les forces de l’Axe l’emporter sur la plupart des fronts. A l’intérieur les chapitres s’enchaînent chronologiquement, chacun est consacré à un front ou un théâtre d’opération particulier.
L’auteur en profite pour redonner leur place à des lieux parfois oubliés, en particulier pour l’Asie. Qu’il s’agisse des origines de la guerre sino-japonaise ou bien des affrontements entre Soviétiques et Japonais lors de l’été 1939. L’implication des Italiens dans le conflit, ainsi que leurs difficultés, apparaissent aussi bien dans ce qui se passe en Grèce, en Ethiopie ou sur mer en 1941 et 1942. Quant aux actions dans le bassin méditerranéen on dépasse la classique étude de l’affrontement entre Rommel et les Anglais en Afrique du Nord pour évoquer aussi le cas de l’Irak ou des opérations alliés en Syrie. Même si, bien sûr, au vu de leur rôle central, les opérations menées par les Allemands occupent la plus grande part. Mais là aussi, l’auteur ne se focalise pas que sur la guerre-éclair et élargit sa vision aux différents aspects de la bataille d’Angleterre comme de la bataille de l’Atlantique. Il donne aussi toute sa place à ce gigantesque affrontement que fut la guerre germano-soviétique.
Enfin, l’entrée en guerre des Etats-Unis et du Japon est replacée dans le contexte géopolitique de l’époque. Ce qui permet de rappeler les débats qui agitent l’opinion publique américaine à propos de l’isolationnisme et de montrer que les Etats-Unis savaient qu’ils étaient exposés à une attaque japonaise mais sans en connaître le lieu et la date exacte.

A celles des Alliés
Les dernières parties de l’ouvrage nous montrent l’évolution de la situation militaire et politique. L’inversion du cours de la guerre qui survient à partir de 1942-1943 pose aux Alliés la question de la stratégie à privilégier. La prise en compte des intérêts parfois divergents de chacun amène de nombreux débats : priorité américain à la guerre contre le Japon ou en Europe, débarquement en Méditerranée ou en Atlantique….Le tout sous la pression d’un Staline qui réclame l’ouverture d’un second front le plus vite possible car l’Armée rouge résiste mais est saignée à blanc. Il en résulte des compromis comme celui qui satisfait Churchill en débarquant en Italie en 1943. Les débats sont aussi forts face au Japon, entre Mac Arthur qui veut privilégier la remontée via les Philippines et Nimitz partisan d’une offensive à travers le Pacifique. L’écrasante montée en puissance des Etats-Unis permet de concilier les deux.
Des débats qui sont plus limités côté allemand ou japonais. Là pas de discussions, chacun fait la guerre de son côté comme en témoigne le respect par le Japon des accords de non-agression avec l’URSS. Hitler espérait qu’en rejetant les alliés à la mer il gagnerait un délai suffisant pour vaincre l’Armée rouge. Il dégarnit ainsi le front oriental alors que les Soviétiques montent en puissance et préparent Bagration. Mais les forces prélevées sont bien insuffisantes pour faire face aux anglo-américains en Normandie. La stratégie adoptée dépend de plus en plus des interventions personnelles d’Hitler. La faiblesse des ressources japonaise ne laisse guère de choix, on se sacrifie en s’accrochant au terrain pour retarder l’inéluctable défaite.

En passant par tous les aspects du conflit.
Le milieu de l’ouvrage aborde les aspects qui ne relèvent pas directement du militaire ou du politique. L’occasion pour l’auteur de faire le point sur les conséquences de la guerre pour les sociétés des pays concernés. Il met ainsi en évidence les différents aspects que prend la militarisation des sociétés, qu’il s’agisse de la mobilisation des femmes, de l’impact de la guerre sur les adolescents ou des mesures de défense passive, en passant par les questions de vie quotidienne. La propagande n’est pas oubliée, de la guerre des ondes au rôle du cinéma. Tout cela sans oublier de rappeler la dimension économique du conflit et les différentes stratégies de mobilisation économique choisies par chaque camp.
La question des souffrances des populations n’est pas oubliée. Elle concerne les populations qui subissent les bombardements comme celles victimes des combats ou des représailles de cette guerre totale. La dimension idéologique et génocidaire du conflit se trouve dans les centres d’extermination comme dans les massacres qui ont lieu dans les Balkans ou en Union soviétique. L’Asie n’est pas délaissée avec l’étude de la sphère de coprospérité japonaise et le cas particulier de la Chine. Enfin, l’ouvrage se termine par l’étude des sorties de guerre, entre bilan, procès et mise en place de nouvelles institutions.

Pour conclure

Faire un ouvrage synthétique qui brasse tous les aspects d’une guerre totale comme la Seconde Guerre mondiale se révèle ardu. Même s’il lui faut prés de 780 pages pour cela, Jean Quellien arrive cependant à nous les présenter sans pour autant nous noyer dans les détails de telle ou elle opération militaire ou telle ou telle conférence politique. L’ouvrage constitue donc une bonne approche de ce que fut la Seconde Guerre mondiale. Pour ceux qui désirent approfondir un point précis, la riche et récente bibliographie de l’ouvrage donne des pistes intéressantes.

Compte-rendu de François Trébosc, professeur d’histoire géographie au lycée Jean Vigo, Millau