Avec plus de 700 bâtiments présentés, cet ouvrage monumental retrace plus de 10 000 ans d’histoire de l’architecture. Des abris préhistoriques en os de mammouth aux gratte-ciel en acier, des complexes de temples antiques à l’architecture durable du XXe siècle, ce livre de référence analyse les principaux mouvements architecturaux et les styles de tous les continents grâce à une mise en page richement illustrée de photographies, de détails et de schémas accessibles à tous les publics.
Ce beau livre rassemble tout ce que le génie humain a su produire comme bâti, fruit d’un savoir-faire, d’ingéniosité, de maîtrise technique, et aboutissement d’un projet. Alors que très fréquemment une ville est symbolisée par une architecture emblématique, souvent associée à une culture ou une civilisation, ici, le parti pris est de centrer sur les styles qui se sont succédé au cours du temps. Le classement retenu est donc chronologique. Puis les édifices sont présentés en fonction des civilisations, mondes, empires ou encore styles architecturaux auxquels ils sont rattachés.
A l’origine, il s’agit d’un livre publié en anglais au Royaume-Uni en 2023 (Architecture. The Definitive Visual Guide). Ce qui explique les choix proposés par les contributeurs anglo-saxons. Par moment cela se perçoit (pour l’architecture industrielle par exemple). Ainsi on pourra regretter que le château de Versailles n’est que légèrement évoqué. En revanche on trouvera un focus (une double page) sur le Panthéon à Paris pour présenter le style néoclassique, un autre sur la cathédrale d’Amiens, ou encore sur la villa Savoye du Corbusier à Poissy.
Un tour d’horizon complet
Sept grandes parties composent l’ouvrage :
– Une variété de styles (jusqu’à l’an 300 avant J-C.)
– Un art en évolution (300-1100)
– Dieux et dirigeants (1100-1500)
– Tensions et renouveaux (1500-1750)
– L’ère du charbon (1730-1900)
– Pétrole et électricité (1900-1970)
– Crise et réinvention (1970 et au-delà)
Nous sommes en présence d’un ouvrage très structuré qui couvre tous les continents et toute les époques, du néolithique à l’architecture contemporaine. Toutes les formes de bâti, aux fonctions les plus diverses, sont représentées, du complexe palatial de Persépolis, aux temple, pyramide, mausolée, pagode, synagogue, mosquée, madrasa, tour, cathédrale, église chapelle, abbaye, château, fort (rouge d’Agra ou de Dehli) porte (bab marocaine ou porte de Brandebourg), habitation troglodyte, villa, maison, mairie, tour, usine, gratte-ciel, musée, théâtre… Quelques édifices plus insolites et intéressants figurent aussi, avec une caserne de pompiers (du campus de Vitra, à Weil Am Rhein, par Zaha Hadid), un immeuble de logements sociaux réhabilité (le Grand-Parc à Bordeaux en 2019), et un gymnase (L’Arche, dans la Green School, à Bali, dont la coque-treillis est en bambou, 2008).
Les ruptures sont assez évidentes : la période gothique, la Renaissance, l’âge industriel… A cet égard, un petit texte introductif pour chaque partie aurait été utile, afin de poser le contexte et de donner quelques clés de compréhension de la période abordée.
Chaque partie renferme de neuf à seize chapitres, d’une dizaine de pages au plus. On dénombre au total 95 chapitres. La démarche est très synthétique, pas de long développement, mais plutôt quelques brèves observations autour d’un corpus de photographies nombreuses.
Ainsi, la première section fait un tour d’horizon des premières grandes civilisations. La Mésopotamie, l’Égypte et la Grèce antiques, la Perse (Achéménides, Parthes, Sassanides), la Rome antique, l’Amérique précolombienne, et l’architecture bouddhiste primitive.
L’ouvrage explore aussi la Chine impériale, la Corée ancienne, le Japon ancien et médiéval.
Au gré des innovations, six chapitres sont consacrés à l’utilisation des matériaux : la boue séchée, la pierre, le bois, le verre, le fer et l’acier, le béton armé. En fin d’ouvrage, la CAO (conception assistée par ordinateur) est examinée. Cette technologie optimise l’utilisation des matériaux et permet la réalisation de structures plus complexes.
Les progrès techniques font l’objet aussi de développements spécifiques : colonnes et piliers, l’arc, la coupole.
Les grands courants architecturaux sont expliqués. On pourra trouver des synthèses sur l’architecture byzantine, islamique, maya, aztèque, inca, romane, gothique, soudano-sahélienne, ottomane, safavide, moghol, baroque, inuite, coloniale américaine, néoclassique, industrielle. Sans oublier les courants plus récents, comme l’éclectisme, l’art nouveau, l’art déco, le futurisme, le constructivisme, le modernisme, le brutalisme, le néo-expressionnisme, le minimalisme, le postmodernisme, le déconstructivisme.
Un guide visuel attractif
Les chapitres sont pour la plupart organisés selon le même dispositif. Après une rapide présentation, montrant sommairement les caractéristiques générales du sujet architectural traité, une structure (un monument) est décrite, sur une ou deux pages. Puis des « éléments clés » sont donnés. Enfin quelques autres édifices du même style sont évoqués.
La grande richesse de ce livre réside dans la présence très abondante de photographies. Chaque illustration bénéficie d’un court commentaire. Quelques reconstitutions 3D sont légendées.
Par exemple, dans le chapitre consacré aux Achéménides, la page d’introduction montre que cet immense empire a assimilé des styles architecturaux et décoratifs des peuples incorporés (babylonien, assyrien, égyptien, grec). Une photographie montre le relief taillé dans la roche de la falaise de Bisotun sur lequel on voit Darius Ier accompagné de deux serviteurs s’adressant à différents peuples conquis. L’inscription en trois langues (élamite, vieux persan et babylonien) raconte les batailles menées par le roi.
La page suivante est consacrée au complexe de Persépolis (VIe siècle avant J.-C.), à proximité de Shiraz. L’accent est mis sur les immenses portes et les motifs sculptés à tête de taureau, ainsi que sur les reliefs de l’apadana (salle d’audience) où figurent 23 peuples distincts en procession venus rendre hommage au roi achéménide.
Les « éléments clés » portent sur les techniques caractéristiques employés. Les édifices achéménides sont construits sur des plateformes auxquelles on accède par des escaliers ornementaux. Comme chez les Égyptiens, les grandes salles sont soutenues par plusieurs rangées de colonnes. A l’époque de Darius Ier, des colonnes avec un fût cannelé et une base en forme de cloche apparaissent. S’inspirant des peuples conquis, ils produisent des frises en mosaïque, composées notamment de glaçures colorées très coûteuses (palais de Darius à Suse) mais aussi d’archers perses barbus de la garde du roi.
La quatrième et dernière page de ce chapitre fait découvrir d’autres « édifices achéménides ». La tombe de Cyrus le Grand à Pasargades est construite en pierre sur une plateforme à degrés. Deux monuments du site archéologique de Naqsh-e-Rostam (à quelques km de Persépolis) sont présentés. Il s’agit de la tombe de Darius, creusée dans la falaise et en hauteur, surmontée d’un imposant panneau sculpté ; et un édicule qui lui fait face, désigné sous le nom de Kaaba de Zoroastre, dont la fonction incertaine est encore discutée.
En complément des nombreux exemples d’édifices cités et illustrés, les auteurs ont fait le choix de mettre l’accent sur quelques chefs d’œuvre de l’architecture, tels que le temple d’Amon-Rê, le Panthéon à Rome, l’Alhambra, la basilique Saint-Pierre, la Sagrada Familia, la villa Savoye, ou le musée Guggenheim de Bilbao.
Un répertoire des édifices
En plus de la soixantaine d’édifices déjà étudiés sous la forme d’un focus et disséminés dans les différents de chapitres, les auteurs ont sélectionné une centaine d’autres structures qui marquent l’histoire de l’architecture.
Un répertoire des architectes
L’ouvrage s’achève par un répertoire composé de 55 notices assez brèves de célèbres architectes, classés chronologiquement, en fonction de leur date de naissance pour les périodes moderne et contemporaine. On notera toutefois l’absence de Palladio, Bramante (pour la Renaissance italienne), mais aussi de Louis Sullivan, Jean Nouvel, Toyo Ito ou Shigeru Ban.
Certes les exemples proposés et étudiés peuvent être parfois discutables. Mais dans ce parcours planétaire de la production architecturale, l’essentiel y est !
Les projets les plus audacieux et les structures innovantes contemporaines croisent les incontournables monuments du patrimoine mondial, eux-mêmes déjà en leur temps le résultat d’une impressionnante et novatrice maîtrise technique.
Ce beau livre donne envie de voyager. Sa maquette éditoriale très attrayante, par sa richesse iconographique exceptionnelle, séduira collégiens et lycéens. L’occasion de faire un premier pas vers l’histoire de l’architecture est peut-être donnée avec cet ouvrage accessible. On peut le concevoir comme un manuel pour commencer à apprendre à regarder l’architecture et à la comprendre… et pourquoi pas à susciter de l’émerveillement.




