Le prologue plonge le lecteur dans une atmosphère assombrie par les fumées de la fonderie Horne, à Rouyn-Noranda et les résultats alarmants d’une étude sur la santé des enfants d’un quartier de la ville.
L’auteur Grégoire Osoha est journaliste, il retrace l’histoire de la mobilisation des citoyens d’un quartier de la ville de Rouyn-Noranda, au Québec face à l’industrie minière et métallurgique, à la fonderie Horne dont l’histoire est inextricablement liée à celle de la ville.
En 18 chapitres, il rapporte le fruit de son enquête sur place auprès des habitants, mais aussi dans les arcanes d’une multinationale et l’inaction des pouvoirs publics face à une grave pollution à l’arsenic, numéro atomique 33.
La composition de l’ouvrage peut désarçonner le lecteur en alternant d’un chapitre à l’autre l’histoire de la ville, celle des pollutions, l’action des militants et les manœuvres des multinationales qui contrôlent le marché des matières premières.
L’histoire de Rouyn-Noranda et de sa fonderie
C’est une histoire récente, la ville a été fondée en 1923, en Abitibi-TémiscamingueLa colonisation de l’Abitibi démarre au début des années 1910 à la suite de la construction du chemin de fer Transcontinental., une vaste région de lacs, sur le bouclier canadien. Elle est née de la ruée vers les ressources minières au début du XXe siècle. L’auteur retrace les principales étapes du développement de la ville, étroitement liée à la mine, puis fonderie Horne, aujourd’hui contrôlée par la multinationale Glencore.
La richesse et le dynamisme de la ville sont liés à ceux de l’usine. Rouyn-NorandaVous trouverez quelques clichés sur Clio-Photo : Les cheminées qui dominent la ville ; les mines sur la faille de Cadillac, le « musée » du Magasin général qui rappelle la vie des premiers colons, c’est la ville du cuivre.
Cette fonderie est l’une des principales productrices mondiales de cuivre et de métaux précieux. Elle est aussi le plus grand centre de recyclage de composants électroniques en Amérique du Nord.
Après une grave pollution aux pluies acides qui a donné naissance aux premiers mouvements citoyens et écologiques de la ville, l’obligation de résoudre ce problème, grâce à des subventions de l’État, a ramené la sérénité au bord du lac Osisko.
Un scandale sanitaire et une mobilisation citoyenne
Au début du XIXe siècle, éclate un scandale sanitaire, l’intoxication chronique des populations à l’arsenic, rejeté par les cheminées de l’usine.
Le quartier Notre-Dame, vivant et cosmopolite jouxte, depuis toujours, l’usine. Les enfants, testés par un organisme de santé publique présentent, en 2019, des taux d’arsenic 10 fois voire plus que les teneurs des enfants d’Amos, une autre ville de l’Abitibi.
L’auteur décrit les étapes de la mobilisation citoyenne à partir de 2019. Les recherches des militants pour comprendre pourquoi et comment la fonderie n’a jamais été inquiétée malgré les alertes des organismes de santé pour des cancers plus nombreux que la moyenne nationale, dès les années 1970. Comment la fonderie a toujours obtenu des dérogations aux normes de rejets dans l’atmosphère, malgré une surmortalité connue dès 2007.
Il décrit l’absence de réaction des politiques locaux comme à Montréal face aux menaces de fermeture de l’usine, manne financière et pourvoyeuse d’emplois.
Le pot de terre contre le pot de fer
On voit comment, au-delà de la direction de la fonderie, les citoyens sont confrontés à une multinationale, Glencore, qui forte de son siège en Suisse, ne souhaite pas réduire ses rejets tout en se présentant comme vertueuse sur le plan environnemental et généreuse pour la population en finançant la culture, le sport etc.
Le chantage à l’emploi face à la demande de santé entraîne des tensions au sein de la population. Malgré des demandes majoritaires lors d’une enquête publique, en 2022, le ministère de l’environnement accorde à nouveau un délai jusqu’en 2027 pour des rejets qui seront encore 5 fois supérieurs à la norme canadienne et l’entreprise conteste les données scientifiques des services de santé.
Au Québec la loi fait « primer la mine sur n’importe quelle considération humaine ou environnementale » (p.179).
Malgré tout la lutte continueLa Fonderie Horne n’est plus certaine d’investir pour réduire ses émissions d’arsenic-Une note interne du ministère de l’Économie rapporte « des doutes » sur l’avenir de l’usine de Rouyn-Noranda.14 février 2024 – radio-Canada…
Ce n’est qu’un exemple, mais très parlant, des conflits entre intérêts sanitaires, environnementaux et économiques. Bien que situé de l’autre côté de l’Atlantique, dans une région reculée du Québec, il peut servir d’étude de cas.