Fondée en 1932, la revue Urbanisme a lancé au printemps 2013 une nouvelle formule. En 2022, son nouveau rédacteur en chef, Julien MEYRIGNAC, a souhaité encore modifier la maquette afin que la revue élargisse son lectorat, notamment vers les décideurs, et son audience. Toujours destinées « à ceux qui réfléchissent, conçoivent, financent et réalisent la ville », les principaux changements concernent la forme avec notamment une plus grande place donnée à la photographie et une mise en page plus aérée. L’actualité culturelle est toujours  traitée conformément à la promesse originelle du journal en lien avec les territoires, les villes et les sociétés.

« Le territoire, la ville et le genre » est le sujet de ce numéro de janvier-février 2023. Dans son édito, Julien MEYRIGNAC nous rappelle que la question du genre – des genres – est partout. Nous sommes en effet en train de vivre une transition sociétale (sociale et politique) majeure, un basculement systémique global, qui ne peut être limité au climat ou à l’économie, et qu’il appartient aux urbanistes d’accompagner dans son déploiement irréversible. Pour la paysagiste et urbaniste, Sybil COSNARD, il faut changer notre manière de penser la ville à travers la question du genre, mais le parcours est encore long pour faire en sorte que nos territoires soient égaux pour tous. Les chiffres parlent d’eux-mêmes. Par exemple, selon le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes, 100% des femmes déclarent avoir déjà été harcelées sur l’espace public.

La métropole Rouen Normandie veut faire figure de modèle dans la prise en compte du genre dans la conception de l’espace public par les élus territoriaux. Ainsi une piste de roller derby au public davantage mixte a été installée sur les quais rive gauche à la place du projet initial de city stade, qui aurait été majoritairement investi par les hommes. Au pied de la copropriété des Bleuets, à la Cerisaie, située dans un des QPV de Villiers-le-Bel, transparence et lumière naturelle sont utilisées pour accroître le sentiment de sécurité des femmes, dans les parkings souterrains, dans les halls d’entrée,… A Vienne, en Autriche, on parle même de « Gender planning » et de « Gender budgeting« .

Sur cette question vive du genre et des genres, de nombreuses entrevues permettent de susciter la réflexion. Lucile BIAROTTE, docteure en urbanisme, propose d’utiliser le terme d' »infusion » pour théoriser l’introduction du genre dans les politiques publiques, comme à Paris par exemple. Pour le géographe Milan BONTÉ, le ville est perçue comme accueillante par les personnes trans, mais ne l’est pas toujours en pratique. Pour Ariella MASBOUNGI, il faut oser parler d’urbanisme féministe. Les cartes sensorielles de Bordeaux sont particulièrement instructives pour repérer les zones avenantes et les zones repoussoirs pour les femmes, le jour ou la nuit.

Pour Yves RAIBAUD, observer l’espace public à l’école permet d’analyser comment les routines s’installent et ce que l’agencement des lieux fait au genre des territoires. La géographie Edith MARUÉJOULS montre comment se construisent, autour du terrain de foot occupé par les garçons des spatialités genrées. Pourtant cette cour de récréation genrée est réversible, ce que prouve la construction d’un collège sensible aux normes de genre à Pian-Médoc. L’objectif est de produire une architecture favorable à l’égalité et à la mixité entre les filles et les garçons. Par exemple, les toilettes sont conçues pour être mixtes, séparées par classes d’âge. L’apprentissage corporel par les enfants des espaces préfigure la manière dont ils devront plus tard se comporter dans la ville.

Ce dossier très éclectique se conclut par des exemples de prise en compte des disparités de genre dans les villes aux Etats-Unis, au Maghreb et au Moyen-Orient.