Journaliste et romancier biographe avant d’être historien, Eric Deschodt nous livre pour les lectures estivales un « Attila » tout à fait plaisant à lire. Lassés de lectures austères, et soucieux de se prélasser dans un transat au rythme des chevauchées des peuples de la steppe, les lecteurs pourront largement se satisfaire de cette lecture accessible mais bien documentée en amont.
Bruno Modica est chargé de cours en relations internationales à l’IEP de Lille.

A partir d’une lecture des sources contemporaines de ce chef barbare né en 395, l’auteur dresse un tableau saisissant parfois de l’univers mental et politique de cet Empire romain en cours d’implosion. Chef des Huns, un peuple de la steppe, Attila, un prénom très porté en Hongrie depuis cette époque, n’est pas le barbare assoiffé de sang que l’on imagine.

Lorsque Théodose qui fait du christianisme la religion officielle divise l’Empire entre ses deux fils, des barbares comme les wisigoths et les ostrogoths sont depuis longtemps associés à la destinée de la civilisation romaine. Attila et le général romain Aétius, deviennent amis lors de ces échanges entre puissances. Le jeune chef barbare séjourne à la cour de Constantinople, apprend le grec et le latin, avant d’obliger l’Empire d’Orient à lui payer tribut.

Les tentatives de Byzance visant à l’assassiner échouent et il tourne alors son armée de cavaliers contre l’Empire d’Occident. Son ami Aetius, allié aux wisigoths l’attend, le choc est indécis au sud de Paris, dans cette bataille des champs catalauniques en 450. Il pointe alors son épée vers Rome mais renonce une fois de plus, à la soumettre. Des rencontres secrètes entre Attila et le pape Léon le Grand auraient empêché cette campagne. Pourtant, juste avant sa mort en 453, le chef barbare s’était finalement décidé à mettre fin à l’Empire par une de ses offensives irrésistibles de cavaliers nomades.

Au-delà des événements finalement bien connus grâce aux auteurs contemporains comme Sidoine Apollinaire http://perso.orange.fr/martine.morenon/Museum/sidoine.htm et Prosper d’Aquitaine, l’ouvrage est d’autant plus plaisant à lire qu’il essaie de façon sans doute romancée de pénétrer le mode de fonctionnement de ce personnage.

On se demande encore pourquoi il a renoncé à s’emparer de Constantinople de Paris et de Rome. Était-il méfiant devant les chimères des palais impériaux fréquentés dans sa jeunesse, était-il simplement hostile à l’idée de détruire inutilement et de livrer ces lieux de civilisation au sac de ses guerriers ? Pourtant, quelques mois avant sa mort il terrorise la plaine du Pô et rase Aquilée.

Attila n’a rien d’un saint et lorsque certaines villes lui résistent il n’hésite pas à les détruire mais sur le fond, et bien qu’il se dote des moyens les plus redoutables d’écraser ses adversaires, il rechigne plutôt à les utiliser. Le complot des byzantin a son encontre avait pourtant de quoi déclencher sa fureur mais il préfère la voie diplomatique et la prise de gage à l’affrontement ultime.

L’actualité d’Attila tient sans doute à cela. L’équation personnelle d’un chef de guerre, sourcilleux sur la parole donnée, capable de tous les excès mais recherchant au fond de lui la paix intérieure comme une chimère inaccessible.

Bruno Modica
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