Ce septième volume (sur 14 ouvrages prévus) de la collection des Mondes Anciens aux Éditions Belin, dirigé par Joël Cornette, est le troisième volet et le dernier sur Rome, de 212 à la fin du Ve siècle. Cette trilogie romaine s’effectue sous la direction de Catherine Virlouvet, professeur émérite de l’Université d’Aix-Marseille, historienne spécialiste du monde romain des derniers siècles. Professeur d’histoire romaine à l’Université de Paris-Est Créteil, Claire Sotinel s’intéresse particulièrement à l’impact des changements religieux sur les sociétés méditerranéennes occidentales entre les IIIe et VIe siècles. Onze chapitres, répartis en trois parties, présentent les dernières recherches sur la période tardive du monde romain nourris de nombreux documents iconographiques. Ils sont suivis du traditionnel atelier de l’historien propre à cette collection et enfin d’une abondante bibliographie.
Le fameux édit de Caracalla en 212, marque le moment où l’Empereur officialise l’accès de tous les hommes libres à la citoyenneté romaine, marquant ainsi la domination universelle de Rome, commune patrie de tous les hommes libres de l’Empire qui se définit comme un territoire privilégié entouré de puissances inférieures. Le commerce frontalier s’intensifie avec de nouveaux groupements aux marges comme les Alamans, résultats d’alliances internes aux Germains sous pression de migrations lointaines. Le seul ennemi considéré comme grande puissance, est le voisin parthe frontalier de la province Mésopotamie créée par Septime Sévère. Le point de départ de cet ouvrage marque le moment où Rome se confond avec un Empire qui prétend représenter l’univers civilisé. Le Ve siècle s’achève, après 476 et la destitution du dernier empereur romain, par la remise des insignes royaux à Théodoric (476-493) par Constantinople qui achève de considérer qu’il existe un empereur romain en Italie. L’étude de ce qu’on appelle « l’Antiquité tardive » pour se démarquer du terme « Bas-empire » impliquant une décadence, s’avère profondément renouvelée. Une approche politique est menée car des événements d’une importance cruciale traversent ces trois siècles : le christianisme devient la religion dominante, la population se métisse, les rapports ville et campagne et les modes de vie se modifient. L’ouvrage entend montrer comment la chute de l’empire romain ne s’est pas fait brutalement mais à travers un lent et complexe processus. Voici le résumé de quelques chapitres particulièrement intéressants. Pour les autres, prenez le temps de les savourer !
Gouverné par Caracalla, l’Empire pourtant solide connaît des secousses considérables au cours du IIIe siècle.
Chapitre 1 : un pouvoir impérial en quête de continuité ; de Caracalla à Philippe l’Arabe (212-249)
Les premiers empereurs du IIIe siècle, au règne court et morts assassinés, ont mauvaise réputation chez les historiens de leur temps. Alors que la prospérité persiste et la paix règne grâce à des victoires de l’armée, l’éloignement des empereurs du sénat et de Rome explique certains signes annonciateurs de problèmes politiques. Caracalla et Macrin n’ont pas préparé leur succession. Antonin le jeune, prêtre du dieu oriental Élagabal, échoue à convertir la population romaine à un culte lointain. Fils adoptif du précédent, Sévère Alexandre est d’abord apprécié des soldats et du sénat, ce qui ouvre son règne sous d’excellents auspices. Pourtant, ses 13 ans de pouvoir n’ont pas été marqués par un apaisement. Des événements extérieurs comptent, comme l’avènement des Perses sassanides vainqueurs des Parthes, ce qui menace la province de Mésopotamie, vite récupérée par l’Empereur en 232 mais qui mécontente l’armée. Sévère Alexandre est plus populaire auprès des sénateurs que des soldats, plus proche des Romains que des provinciaux. A la frontière rhénane, il est éliminé en 235 alors qu’il n’a pas d’héritier faisant disparaitre une dynastie à la tête de l’Empire depuis près de quarante ans. Les décennies (235-249) qui suivent connaissent une instabilité politique induite par la rivalité entre l’armée et le sénat pour la course au pouvoir. Maximin (235-238) incarne le général brutal méprisant que répond à la haine impuissante des sénateurs, toujours à la recherche d’argent pour son armée. En 238, le Sénat tente une initiative intéressante, un retour à une version « moderne » des institutions républicaines, la nomination d’une commission de vingt sénateurs chargés de gouverner l’Italie. S’instaure un combat entre les civils et l’armée. La situation se complexifie avec plusieurs tentatives de coup d’État. La commission élit deux empereurs qui partagent les mêmes fonctions, y compris le grand pontificat et la puissance tribunicienne. Pour la première fois, la puissance impériale choisie parmi les sénateurs est collégiale. On parle de la concorde des Auguste. En marche sur la Ville, Maximin est assassiné ainsi que les deux empereurs pour leurs désaccords. L’utopie républicaine inventée par le Sénat a échoué laissant le pouvoir à un empereur enfant, dénué de légitimité comme de compétences militaires, Gordien III (238-244). Des mesures énergiques ont été prises ; certaines conservées dans le Code Justinien montrent un équilibre entre les prérogatives des soldats et la discipline et une volonté de restaurer les institutions civiles. Ces aspects positifs sont contrariés par les menaces extérieures. La succession de Shapur sur le trône perse entraine une menace sur la Syrie et une expédition militaire impériale voit mourir l’empereur. Le règne de Philippe l’Arabe (natif de Syrie) revêt des signes contradictoires (victoires militaires sur le Danube, bonne situation financière mais de nombreux essais de renversement d’usurpateurs). Philippe a été un empereur modéré et efficace, respectant le sénat sous une économie prospère. Pourtant rien ne compte face à des armées qui cherchent sans cesse de nouveaux chefs. Une crise de confiance menace l’Empire d’implosion car le pouvoir impérial ne semble pas être capable d’assurer sa stabilité.
Chapitre 2 : L’Empire au risque de l’implosion de Trajan Dèce à Quitillien (250 – 270)
Les années 253-276 sont sans conteste une période de crise politique et militaire aiguë. Jusqu’à présent, le pouvoir impérial a su réagir aux agressions extérieures sans que l’hégémonie soit discutée. L’évolution la plus perturbante est l’établissement des Goths autour de la mer d’Azov, capables de s’allier avec d’autres peuples. Leur chef Cniva est le premier historiquement attesté, défi majeur pour la sécurité de l’Empire. S’y ajoutent la puissance perse renforcée sous la direction de Shapur (240-272) et des attaques en Maurétanie et en Numidie. Pendant trois ans les empereurs qui gouvernent cherchent à revenir aux valeurs de la tradition pour faire face à ces périls. Trajan Dèce meurt vaincu par les Goths. Trébonien Galle ne vient pas au secours des provinces dévastées pour rester à Rome mais sera défait par une armée victorieuse soutenue par Émilien lui-même destitué par Valérien. Ainsi les empereurs sont confrontés à la fois à de multiples attaques sur plusieurs fronts (mer noire, Danube, Orient) tandis que la compétition pour le pouvoir impérial dégarnit les troupes indispensables aux frontières. L’infaillibilité romaine est mise à mal par la mort d’empereurs vaincus devant l’ennemi. En Italie, les ambitions individuelles remettent en cause les valeurs de l’histoire prestigieuse de Rome. Vainqueurs militaires, Valérien et son fils Gallien partagent les attributs de la puissance impériale en devenant grand pontife, consul et père de la patrie. Les commandements militaires sont réorganisés. Mais les adversaires perses et gothiques ne cessent leurs attaques. De 260 à 268, Gallien reste seul au pouvoir placé sous le signe de la guerre alors qu’en Orient les victorieux des Perses prennent la pourpre. Son règne se situe aux pires moments de difficultés militaires et d’épidémies de pestes. S’y ajoutent les guerres civiles qui amputent le territoire. Des réformes changeront la situation à la fin du IIIe siècle.
Chapitre 3 : Vitalité et crises de la vie religieuse
Aucune rupture avec la période précédente dans la vie religieuse qui n’est jamais le résultat d’un choix personnel même si les pratiques relèvent de la vie familiale (funérailles, mémoire des ancêtres) et du devoir civique par les fêtes publiques des cités et celles du culte de l’empereur. Où que l’on vive, des actes rituels, certains spectacles scandent la vie de chacun. Cependant, les circulations des hommes entraînent celle des cultes. Depuis 212, le religion romaine devient celle de tous les citoyens romains ce qui n’entrave pas les cultes locaux, à l’exception des Juifs reconnus après la destruction du temple de Jérusalem. La dimension religieuse de la figure de l’empereur s’accentue au IIIe siècle. L’apothéose de l’empereur défunt (les divi) est votée par le Sénat associant une partie de la famille impériale. Les étendards de Rome portent les portraits des empereurs divins. Mais le culte des empereurs vivants prend progressivement le pas sur celui des divi. A partir de 224, s’ajoute le souffle de la nature divine, leur genius et se multiplient de dédicaces faites par les citoyens au numen de la majesté de l’empereur, le dieu qui réside dans l’empereur. Ce dernier peut être destinataire de sacrifices d’honneur ou de remerciements. A l’inverse, les empereurs sont initiateurs de culte, comme Caracalla qui s’associe à Asclépios honoré à Pergame, sanctuaire très fréquenté, Antonin pour le dieu Élagabal ou encore Aurélien et le culte du Sol Invictus. Chaque cité abrite des centaines de cultes officiels et on assiste à une variété de formes personnelles dans des cadres associatifs. En témoignent les inscriptions dans les sanctuaires oraculaires. Le culte de Mithra,qui s’est diffusé à partir du premier siècle, connaît son apogée au IIIe siècle dans les milieux militaires et les villes de vétérans. La philosophie offre d’autres chemins religieux. Plotin, néoplatonicien est la principale figure de l’époque, connu grâce à la publication de ses idées par son disciple Porphyre. Les Juifs et les chrétiens se distinguent par leur incompatibilité avec tout autre culte. Depuis la prise de Jérusalem par Hadrien, le judaïsme est admis si ses membres acceptent de verser la taxe pour le temple de Jupiter Capitolin. Les chrétiens sont moins bien acceptés car ils ne sont rattachés à aucune patrie (les Romains pensent qu’ils renient la terre de leurs pères). Leurs croyances ne sont pas attaquées mais l’exclusivité de leur culte n’est pas comprise. On les accuse de causer les famines par leurs réunions secrètes… Il est impossible d’avoir une estimation de leur nombre. Les sources littéraires nous font connaitre de nombreuses communautés en Orient et dans les grandes villes d’Occident où dirigent des évêques. Or au début du IIIe siècle, les chrétiens deviennent plus visibles par l’augmentation de leurs adeptes et la conversion de personnages bien intégrés à l’Empire, ce qui provoque une hostilité grandissante notamment par des mouvements de foule. S’en suivent les persécutions de Trajan Dèce (249-250) et de Valérien. Si l’édit de Trajan Dèce est perdu, on sait qu’au début de son règne, l’empereur demande que partout des sacrifices en l’honneur des César soient faits sur des autels dressés par tous les citoyens qui reçoivent un certificat, ceci à l’initiative des autorités locales. Le refus d’obéir à un édit impérial ne connait qu’une seule peine, la mort. Claire Sotinel pense que l’édit est un geste religieux de politique, une demande de loyalisme inédit. Les conséquences pour les chrétiens sont sans précédent dans l’ampleur du mouvement et sur la vie des Églises. Les réactions sont multiples, accepter le sacrifice ou aller jusqu’au martyre et des divisions s’élaborent. La mort de l’empereur a permis un discours providentialiste : l’empereur persécuteur est puni de sa faute. Frapper les chrétiens revient à affaiblir l’empire. Les quarante années qui suivent permettent un développement accéléré de la religion monothéiste. Au cours de ce siècle, un culte commun à tous les Romains semble préoccuper certains empereurs qui ont l’exemple sassanide et le mazdéisme.
Chapitre 4 : La reconstruction d’un Empire cohérent. Des victoires d’Aurélien à la tétrarchie (270-306)
Alors que la fin du règne de Gallien semble engendrer une situation catastrophique pour l’Empire, le privant de la province la plus riche, l’Égypte, les empereurs (Aurélien (270-275), Tacite et Florianus, puis Carus, Carin et Numérien (282-284)) entament des réformes qui établissent des modes de fonctionnement de l’autorité politique adaptés à la nécessité du temps : une défense forte (Rome est fortifiée à l’image de villes des Balkans ou de Grèce, sur la frontière perse), d’importantes dépenses de l’État (réforme monétaire et de l’annone à Rome), la pratique d’un gouvernement d’un territoire rendu homogène par la citoyenneté partagée. Les victoires d’Aurélien sur les Alamans en 271, sur l’Égypte et la Syrie (Palmyre) puis la Gaule dont il célèbre le triomphe fin 274, ne l’empêche pas d’être assassiné l’année suivante. Son œuvre est décisive pour la restauration de la puissance romaine. Il permet la réintroduction de la vigne dans les provinces occidentales et fait restaurer les canaux égyptiens. Il pratique une politique d’implantation de barbares vaincus dans des provinces romaines. Après l’investiture d’empereurs éphémères, la figure de Dioclétien (285-305) reste imposante par son génie politique. D’abord bicéphale, l’empire est gouverné par la tétrarchie où les Augustes (Maximin et Dioclétien) sont assistés de Césars (Constance et Galère). Cette alliance est scellée par des mariages. Ils se répartissent les responsabilités de défense du territoire et d’administration des provinces. Le système mis en place laisse de côté le Sénat et la Ville. Les résidences impériales s’établissent hors de Rome, Dioclétien à Nicomédie sur le Bosphore, Maximien à Milan, Galère à Thessalonique. Si « Rome est là où sont les empereurs », la Ville bénéficie de reconstruction comme les thermes de Dioclétien. Si la tétrarchie ne marque pas le retour à la paix romaine, elle permet une période de succès militaires (débarquement en Bretagne, prise de Carthage et de Ctésiphon contre les Perses et paix de Nisibe, vassalité de l’Arménie, victoire sur les Francs en 300…) Après 300, de leurs résidences impériales, les tétrarques contrôlent les frontières et les armées. L’unité politique impériale est assurée par la prééminence de Dioclétien, seul législateur et réformateur politique et administratif. Les réformes sont nombreuses et systématiques annonçant l’organisation de Rome qui va se stabiliser sous le règne de Constantin. En 292 est composé le Code grégorien rassemblant des rescrits impériaux depuis d’Hadrien suivi en 294 par le Code hermogénien. Cet effort législatif sans précédent accompagne une série de réformes majeures (modification de la taille des provinces et des administrateurs, diffusion des lois en latin, augmentation de la fiscalité) ambitieuses et novatrices. En 305, les deux Auguste annoncent leur abdication au profit des César, instituant une deuxième tétrarchie. Cette décision est inédite dans l’histoire de l’Empire.
Chapitre 5 : La crise du IIIe siècle
Il faut s’interroger sur le concept de crise qui a longtemps dominé les études sur ce IIIe siècle, qui est remis en question aujourd’hui. On parle plutôt de 30 ans de troubles de la fin du règne de Philippe l’arabe en 249 jusqu’à la restauration vers 280. Géographiquement, il est nécessaire de distinguer les frontières où se concentrent les conflits et l’intérieur de l’Empire (l’Afrique, la péninsule ibérique, et une partie de l’Italie) où règne une certaine prospérité. Dernier point, les sources ont été revisitées en constatant que les auteurs sont, ou chrétiens ou reflétant l’opinion sénatoriale. Il n’est pas question de minimiser la crise de confiance dans le modèle impérial mais il faut réaliser que nous n’avons qu’une vue parcellaire de la vie économique et sociale de cette époque. On ne peut affirmer que le siècle a connu une crise climatique, seulement des petites périodes de sécheresse en fonction des lieux même si en Égypte plusieurs années de mauvaise crue entrainent une perte fiscale importante. On ne peut pas non plus parler de situation épidémique grave faute de sources croisées. La situation structurelle de la population du monde gréco-romain n’est donc pas très différente des siècles précédents. Par contre, l’instabilité politique et la défense de l’empire sont corrélées à des dépenses impériales accrues par les dons faits à l’armée (donativa) ou l’argent réservé à son ravitaillement. A l’époque qui nous concerne, les guerres coûtent plus qu’elles ne rapportent par les tributs versés lors de défaite comme celle de Shapur sur Philippe qui est contraint de payer 500 000 monnaies d’or. Au mieux, les traités permettent de recruter des barbares pour combler les vides d’effectif. Pourtant les princes n’ont pas renoncé aux dépenses somptuaires destinées à compenser le déficit de leur légitimité. Ceci a été possible par une fiscalité plus lourde comme les réquisitions pour l’annone militaire et par les nombreuses manipulations monétaires avec des monnaies fiduciaires (valeur de confiance).
Chapitre 6 : La construction d’un empire dynastique (306-324)
Le retrait des Auguste sonne le glas de la tétrarchie. Une seconde tétrarchie ne dure qu’un an et les suivantes n’ont entrainé que des conflits internes. L’importance de cette période est la dimension religieuse des conflits de pouvoir, notamment depuis 311, l’assurance de la liberté religieuse pour tous. A partir de 312, après sa victoire au pont de Milvius sur Maxence, Constantin protège ouvertement les chrétiens et les références religieuses de sa propagande désignent une divinité non nommée. L’arc de triomphe érigé à Rome montre une forme de neutralité religieuse qui lui permet de reconnaitre le dieu chrétien sans compromission avec le Sénat. Lors de l’entrevue de Milan en février 313, Constantin accorde la liberté de culte aux chrétiens. Il ordonne la restitution de leurs biens, l’exemption des charges publiques pour les membres des Églises chrétiennes. A Rome, l’Empereur est même généreux en faisant des dons de terrains pour la construction de la première basilique dans la Ville, Saint-Jean-de-Latran ainsi qu’une zone funéraire pour bâtir un édifice en l’honneur de l’apôtre Pierre. Après avoir réglé les différents entre les chrétiens (donatistes contre les « catholiques », chrétiens universels comme l’est l’Empire), Constantin possède toutes les cartes en main pour établir une dynastie qui ne supporte pas de concurrence, une succession assurée par des fils élevés au rang de César, une armée fidèle, un Sénat associé et ouvert à de nouveaux membres.
Chapitre 7 : L’Empire constantinien (324-361)
De 324 à 337, Constantin règne sans partage et refonde la ville de Byzance qu’il nomme Constantinople où sont menés de grands travaux d’urbanisme. L’empereur chrétien a pour ambition l’unité religieuse, condition et expression de celle de l’Empire, sans persécution des païens. Constantin garantit le bon fonctionnement des institutions religieuses impériales traditionnelles. La sécurité de l’Empire est aussi assurée par les succès des armes du prince et la consolidation des frontières. A la mort brutale de Constantin, l’Empire est gouverné par un collège impérial renforcé par les liens de sang et des unions matrimoniales. Mais beaucoup meurent rapidement. S’impose une dyarchie distante mais fonctionnelle (340-350), puis le règne de Constance (350-361) qui a échoué à unir les Églises, ce qui marque la fin de l’idéal de Constantin.
Chapitre 8 : De nouveaux défis ; De Julien à Théodose (361- 82)
Julien est le dernier empereur païen mais ne persécute pas les chrétiens. Il tente de revitaliser les anciens cultes sans succès. Il échoue à battre les Perses à Ctésiphon. A partir de 330, les deux parties de l’empire sont autonomes, ayant chacune leur capitale (Rome même si l’Empereur vit souvent à Trèves et Constantinople). Mais l’unité idéologique, juridique (avec le code Théodosien) et souvent dynastique persiste jusqu’à la fin de l’empire d’Occident.
Chapitre 9 : L’illusion théodosienne (382-410)
L’idée d’utiliser les Goths pour battre les Perses entraine une migration mal contrôlée qui tourne à la révolte des Goths et à la défaite d’Andrinople en 378. Théodose rétablit la situation avec le nouveau traité de 382. Ce dernier permet au pouvoir romain de renforcer son armée et les Goths obtiennent des terres et certains s’engagent dans l’armée romaine. Le règne de Théodose est celui des choix décisifs. La paix avec la Perse permet de se concentrer sur les barbares européens. D’un point de vue religieux, le christianisme nicéen devient l’orthodoxie impériale montrant une différence avec les Goths en majorité homéens. Théodose réussit à écraser les usurpateurs et à réunifier l’Empire à son profit. A sa mort, il peut penser qu’il a surmonté toutes les crises. Mais de 395 à 410, le jeu politico-militaire de deux grands généraux romano-barbares, Stilicon et Alaric, s’achèvent avec le sac de Rome en 410, destruction d’un retentissement énorme car la Ville n’a pas été prise depuis huit siècles.
Chapitre 10 : La déconstruction politique de l’Empire romain (410-455)
L’empereur Honorius entreprend une politique de restauration en Italie mais une reprise en main de l’administration s’ajoute à la question de la présence des barbares qui ont pénétré dans les provinces occidentales. Un retour à la situation antérieure étant impossible, ces territoires entrent dans un processus de fragmentation qui aboutit à la disparition de la présence impériale en Occident à la fin du siècle. A la mort d’Honorius en 423, le trône reste vacant pendant plusieurs mois… Pour échapper à l’expansion des Huns, des migrations collectives de barbares s’opèrent comme le passage des Vandales en Afrique en 429. Puis de 442 à 455, s’abattent les incursions d’Attila dont le but est d’amasser du butin, puis le sac de Rome est opéré par les Vandales. En Occident, le gouvernement impérial n’a plus les moyens nécessaires d’assurer la sécurité des provinciaux. Seul le lien dynastique a permis la continuité du pouvoir. Après Honorius, une autre histoire s’écrit.
Chapitre 11 : Le reflux vers l’Italie (455-497)
Neuf empereurs se succèdent de 455 à 476. Les Vandales sont les principaux ennemis et le soutien de l’Orient est indispensable. Après 468, l’idée d’Empire n’est plus nécessaire en Occident. L’Italie sans empereur est gouvernée par Odoacre (476-490), un Germain au service d’Attila devenu officier romain puis patrice d’Italie avec l’accord de Constantinople. Comme les insignes impériaux ont été envoyés en Orient, Ravenne devient la capitale d’un royaume qui renonce à administrer les provinces occidentales. A la fin du Ve siècle, Théodoric le Grand s’établit en Italie après avoir vaincu Odoacre. Il devient roi des Goths avec l’accord du Sénat, de son armée et de l’évêque de Rome. S’il s’octroie le droit de porter la pourpre, il n’est pas empereur pour autant. Le temps de la Rome impériale est définitivement consommé.
CONCLUSION
L’auteur finit son ouvrage en affirmant que les trois derniers siècles de l’Empire n’ont rien à envier aux périodes précédentes. L’historiographie latine renaît avec Marcellin et la littérature chrétienne atteint des sommets avec Augustin ou Jean de Chrysostome. Constantinople est fondée et le bilinguisme latin-grec des élites se modifie. La fin de l’empire romain en Occident est un événement choc qui fait oublier tout le reste. Les objectifs du pouvoir impérial reste la sécurité des provinces et le règne d’un empire unifié. Les empereurs ont dû pour cela s’adapter à des transformations inédites. A partir de l’édit de Caracalla, la loi qui s’applique à tous doit être connue de tous, les mêmes impôts levés équitablement. Si les habitants font partie d’une même cité, doivent-ils partager une même foi ? Si la taille de l’Empire relève du défi, plusieurs empereurs le dirigent, du même sang ou avec une politique commune. Si le défi de la sécurité aux frontières n’a pas toujours été relevé, le pouvoir impérial ne renonce jamais quitte à renforcer l’armée. Les populations limitrophes espèrent profiter des richesses romaines. L’Empire s’adapte en signant de nouveaux traités où des accords permettent l’incorporation de barbares dans l’armée romaine. Le christianisme assume toutes les fonctions des religions polythéistes. Si elle représente un idéal, l’unité de l’Empire est battue en brèche quand la sécurité des provinces l’exige. Un système très complexe de l’administration et de l’armée entraîne son effondrement. Plus de fonctionnaires et de soldats nécessitent plus d’impôt donc plus de personnel. Les périodes de crises entraînent des renoncements à reconquérir des territoires comme la Dacie pour Aurélien. Un nouveau monde naît qui ne vaut pas forcément moins que l’ancien.
Claire Sotinel refuse de voir l’histoire de ces derniers siècles de l’Empire comme l’histoire d’une chute mais elle veut restituer à cette époque sa richesse et sa complexité.
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Dans la même collection et déjà chroniqués sur la Cliothèque :
Rome, cité universelle – De César à Caracalla, 70 av. J.-C.-212 apr. J.-C.