Pascal Blanchard – spécialiste du « fait colonial », des immigrations des « Suds » en France, de l’imaginaire colonial, Françoise Verges – politologue et présidente du comité pour la mémoire et l’histoire de l’esclavage, Alain Ruscio – historien de l’Indochine coloniale, Benjamin Stora – historien de l’Algérie et du Maghreb et Catherine Coquery-Vidrovitch – spécialiste de l’Afrique et professeur émérite de l’Université Paris Diderot se répondent sur une analyse du sens de la conquête, sur les réalités de la traite puis du régime colonial mais aussi sur l’image de l’ « indigène » dans l’imaginaire métropolitain, la place de la première guerre mondiale dans l’émergence des mouvements d’émancipation et le poids des traumatismes de la décolonisation.
Des contenus très riches mais qui nécessitent chez le spectateur une bonne connaissance événementielle tant de la colonisation que des contextes politiques français et internationaux.
Les thèmes abordés dans la première partie vont des premiers contacts entre Occident et nouvelles terres, à la violence de ces contacts et à l’analyse de la traite. Outre l’évocation du traité de Berlin, la seconde colonisation est interprétée au regard de la politique intérieure française: affaire d’Alger, restauration de la grandeur militaire après la défaite de 1870. L’idéologie est abordée: supériorité de la race blanche, devoir de civilisation,. les historiens insistent sur le fait que la colonisation a été partout violente (conquête, travail forcé, violence culturelle) et que, malgré les discours sur la pacification, la société coloniale n’est pas une société apaisée.
Les figures emblématiques du mythe colonial sont détaillées, notamment à travers la littérature: l’explorateur, le conquérant et le missionnaire. l’idéologie de l’inégalité des races est traitée à travers le prisme de la femme indigène et des images véhiculées entre sauvage et femme facile, la construction d’un imaginaire auquel répond à partir du début XXème siècle la force noire de Mangin. Ce premier temps se termine sur la guerre de 14-18 et le flux migratoire qui en résulte.
Le second DVD s’ouvre sur les désillusions des troupes coloniales au retour de la première guerre: elles ont découvert les réalités métropolitaines qui ne sont pas celles de la société coloniale et constituent le premier mouvement critique avec l’émergence d’un nationalisme en particulier dans l’élite cultivée qui accèdent à la métropole aux côtés des premiers travailleurs. La crise économique des années 30 renforce la faiblesse de l’Europe aux yeux des indigènes mais dans le même temps la propagande coloniale est à son apogée (fête du centenaire de l’Algérie, exposition de 1931, fascination pour l’art nègre). les Français s’attachent à un rêve malgré les premières fissures. L’idée de la grandeur de l’empire, donc de la France, est traitée dans son évolution temporelle.
C’est ensuite un rappel du contexte de l’après-guerre: du discours de Brazzaville à la Conférence de Bandoëng, rappel aussi de la décolonisation française comparée à la situation britannique. De solides notions chronologiques sont ici nécessaires pour suivre une analyse par ailleurs très intéressante. Ce second volet se termine sur les conséquences de la décolonisation : crise morale, économique et politique mal évaluée à l’époque et qui rencontre une immigration croissante favorisant une réaction postcoloniale et nationaliste. Les historiens montrent en quoi les préjugés actuels ont leurs racines dans l’histoire coloniale.
Le contenu est riche, toutefois la durée et l’absence de découpage en font un document peu exploitable en classe. La parole de l’historien est illustrée par des documents iconographiques intéressants mais la qualité d’image n’est pas toujours à la hauteur des développements des intervenants Nous avons commenté une copie de presse, cela peut peut-être expliquer la faible qualité de l’image. Les plans de coupe sont nombreux (paysages, foules …), leur rapport au sujet bien peu évident, comme ce personnage qui arpente une plage, et ils sont une gêne pour suivre un propos dense et complexe. La qualité des intervenants était suffisante pour un film même destiné à la télévision.