La marque « C’est pas sorcier »
Pour les habitués de l’émission, pas de surprise. On retrouve quelques caractéristiques qui ont fait le succès de l’émission au cours des années : une présentation à plusieurs qui permet de rebondir d’un intervenant à l’autre et évite de lasser par de longs développements. Au rendez-vous aussi Jamy et ses manipulations avec des maquettes pour faire comprendre quelques points choisis. On rappelera l’habitude de s’ancrer dans le concret en rencontrant par exemple des acteurs des domaines concernés. Ainsi pour la pêche, Fred embarque-t-il sur un bateau de pêche au Guilvinec, tandis que pour le bio, Sabine récolte dans une ferme du Vaucluse. On peut souligner ce souci d’expliquer, sans jamais simplifier, et en essayant de donner plusieurs points de vue. Enfin, l’approche se veut récente en terme scientifique puisque l’on entend prononcer les termes de « pêche durable » par exemple. Chaque émission est amorcée par une petite séquence que l’on peut assimiler parfois à une sorte de problématique.
Vers une pêche durable ?
La problématique est claire : y a t il de moins en moins de poissons dans la mer et que peut-on faire alors ? Pour comprendre la situation, quelques références mondiales sont indispensables : chaque année les hommes consomment 100 millions de tonnes de poissons et certaines espèces ont tendance à se raréfier. L’émission oscille entre aspects techniques et politiques. On apprend ainsi les différentes techniques utilisées pour pêcher et qui ne se limitent pas au chalut. Il peut s’agir aussi de l’utilisation de grilles permettant de trier au fond les poissons selon leur taille (plutôt que de remonter tout le monde avec une forte part d’erreur) ou encore l’informatique à travers des sondeurs et la mise en mémoire des meilleures zones de pêche. L’émission s’attache ensuite au rôle, certains diront au poids, de l’Union européenne qui conduit à tenir des carnets de pêche pour noter précisément les prises. C’est ensuite particulièrement intéressant en expliquant la méthode de détermination des quotas de pêche. Non « Bruxelles » n’agit pas de façon autoritaire et sans contrôle, mais après avoir consulté les scientifiques et les professionnels du secteur. L’Europe, comme toujours, cherche un juste milieu.
Aller vers le bio,……logique ?
Parmi les autres questions souvent abordées à un moment donné de nos cours, il y a celle du bio. Le 26 minutes fait clairement le point et le professeur pourra y puiser une mise au point appuyée de quelques exemples développés. Ainsi, sur le fonctionnement et les contraintes d’une ferme biologique qui conduit à fertiliser la terre sans produit chimique, mais en fauchant toutes les trois semaines de la terre qui sert à nourrir les vaches dont on récupère les bouses pour l’épandre sous forme de lisier et ainsi de suite. Il n’y a pas de vision angélique du bio car l’émission pointe le faible pourcentage de terres concernées aujourd’hui mais aussi sa productivité moindre. De même, un passage sur la rotation des cultures et le rôle du pois peut permettre de disposer d’exemples parlants pour les élèves. Enfin est abordée sous forme de simulation la question du prix de façon claire pour déboucher sur l’idée d’une agriculture intégrée qui utilise quelques produits chimiques en dernier recours pour concilier productivité et impact sanitaire.
Cela peut inciter à visionner également l’émission sur les pesticides. Loin des approches simplistes, elle explique d’abord combien l’utilisation des pesticides a d’abord été vue après 1945 comme un moyen pour augmenter la production agricole. Sur des aspects plus récents, on dispose là aussi de cas concrets comme avec le gaucho et ses risques. Les spécialistes de l’INRA accréditent l’idée d’un risque qui conduit notamment à une surmortalité des abeilles, mais en même temps insistent sur le fait qu’il n’y a peut-être pas uniquement ce lien quasi direct. Par précaution, on réduit son utilisation, mais un nouveau pesticide apparaît déjà sur le marché ! La petite voix de l’émission, après une explication limpide sur la détermination des limites maximales de résidu conclut ainsi « pas facile d’y voir clair ! ».
Pour les cours
Dans le cadre de nos pratiques et par exemple la future question de 5ème sur gérer les océans et leurs ressources, il s’agira évidemment d’utiliser quelques morceaux sélectionnés et pas l’ensemble d’un 26 minutes. Les émissions sont, malgré des sujets proches, plutôt complémentaires que redondantes. Néanmoins, certaines s’avèrent plus intéressantes que d’autres. En effet, dans l’émission sur la pêche, les Sorciers expliquent à un moment donné que l’aquaculture, dont fait partie la pisciculture, ne pourra être une solution pour arriver à nourrir la planète. Cette même pisciculture fait néanmoins l’objet d’une émission complète, plus éloigné de nos problématiques sur nourrir la planète. Pour être tout à fait juste, on pourra quand même retenir dans ce numéro un court passage qui permet de bien poser la question de l’enchaînement des conséquences avec les élèves. En effet, les sorciers tirent la ficelle du raisonnement sur l’hypothèse d’un doublement de la production de l’aquaculture. Or cela pose tout un tas de problèmes comme comment nourrir ces poissons, comment augmenter la production de farines végétales pour eux sans compromettre le reste de l’équilibre agricole. On pourra regretter le peu de place donné à la dimension mondiale : la fin de l’émission sur le bio s’y attache, mais de façon très rapide et qui nécessiterait plusieurs visionnages, tant, à un moment donné, l’information est dense.
Au total, l’on prendra plaisir, quel que soit son âge, à chacune des émissions car elles font confiance à l’intelligence du spectateur. Pour les avoir visionnées en famille, chacun ne retient pas la même chose, mais lorsqu’un enfant souligne par exemple qu’il faut pêcher les gros et relâcher les petits pour que les espèces se renouvellent, on se dit que l’émission a atteint son but !
Jean-Pierre Costille © Clionautes