Compte-rendu de visionnage, proposé par Gérard BUONO,
Lycée Soult et UFC Champollion, Albi.

« Ma mondialisation » .

Ce documentaire est au cœur des thèmes que nous avons à traiter, en particulier pour les classes terminales des deux cycles (Troisième et Terminales de toutes séries), et aussi de nos préoccupations citoyennes : comme le dit la quatrième de couverture, « Fonds de pension, délocalisation, mondialisation font désormais partie de notre langage quotidien, mais demeurent des notions abstraites… ».
Il est même, pour cette année, directement utilisable pour ceux d’entre nous qui souhaitent préparer l’Agrégation interne, puisqu’il correspond mot pour mot à l’un des thèmes du programme de géographie.
Pour nos élèves en particulier, il est peut-être utile de pouvoir nous appuyer sur des images plus concrètes, et d’utiliser des films documentaires de qualité pour appuyer le travail de classe plus classique. Ce film est sans doute un peu long pour être utilisé in extenso(presque une heure et demie : c’est un long métrage) et sans précautions, mais il est d’une telle qualité que chacun d’entre nous gagnerait à le visionner et à tenter de l’exploiter en classe (dans des limites qu’il convient de clarifier sur le plan juridique et commercial, puisqu’il ne s’agit plus alors d’un usage privé) .

L’auteur , Gilles Perret est un grand connaisseur des Alpes (film sur les sauveteurs en montagne), mais aussi des grandes problématiques concernant les processus de mondialisation. Il a déjà réalisé d’autre documentaires, sur la traversée des Alpes par les transporteurs routiers (« T.I.R.-toi du Mont Blanc »), ou sur la réunion du G8 à Evian (« 8 clos à Evian »). « Ma mondialisation » est son troisième film sur ces thèmes de politique et économie mondiales.

Le parti-pris est directement conforme à un mode de réflexion géographique classique : du local au global. On part en effet d’une enquête auprès d’un chef de petite entreprise familiale, âgé d’une soixantaine d’années, de grande faconde et haut en couleurs, dans la Mecanic Valley de l’Arve, en Haute-Savoie, dont l’entreprise est bouleversée et menacée par les mécanismes financiers et industriels du capitalisme international. Les concurrents locaux du même système productif localisé ont subi, tous, des pressions identiques, montrant combien les ressorts de l’économie mondialisée, et la recherche d’une maximisation des profits immédiats, s’opposent aux logiques traditionnelles, où les intérêts des élites locales se combinent avec un attachement au territoire, et des relations sociales mêlant paternalisme et souci de pérenniser l’entreprise familiale.

Le film montre comment la pression des clients, les constructeurs automobiles, finit par imposer la délocalisation à un petit entrepreneur pourtant totalement étranger aux réalités sociales, humaines et économiques des pays vers lesquels il est amené à transférer une partie de sa propre production. Le tournage est effectué pour partie en République Tchèque et en Chine, sur les deux sites de production à l’étranger, mais il est centré sur des acteurs français de la région de Cluses : ouvriers, syndicalistes locaux, cadres et, donc, le « petit patron » au cœur du processus.
En épilogue, la notice nous apprend qu’un plan social a supprimé 140 emplois en juillet 2006, le groupe financier ayant pris le contrôle de l’entreprise ayant par ailleurs décidé de se séparer du directeur industriel qui avait accepté de répondre aux questions de Gilles Perret.
Que le Maire de Cluses, glorieuse « capitale mondiale du décolletage », a interdit les projections du film dans sa ville.

Que la sortie du film , malgré cela, a été un événement dans la vallée, avec plus de 3000 spectateurs et de nombreux débats animés après les projections, réunissant employeurs, salariés et habitants de la région.
Autant de raisons de penser qu’un documentaire de ce type devrait être à sa place dans les CDI de nos établissements, ou dans nos médiathèques personnelles, et permettre de mettre en relation cette situation régionale/mondiale avec bien d’autres, si proches.

Seule restriction, qui tient d’une part à la nature même du document et d’autre part aux pratiques pédagogiques dominantes, et aux contraintes qui sont les nôtres (horaires en particulier) : il est difficile d’en extraire un passage sans rompre avec la logique d’ensemble de la démarche, et sans mettre en cause l’équilibre du film. La réflexion sur la mondialisation et ses différentes échelles s’y construit pas à pas, au rythme des entretiens et des lieux décrits et visités, et selon un point de vue, celui de l’auteur, qui est développé par étapes successives. L’utilisation de ce travail documentaire devant une classe doit donc se conformer à ce rythme, propre à ce que les documentaristes désignent comme une « scénarisation du réel ». On ne saurait réduire un fim documentaire de cette qualité à une simple illustration par l’image d’un cours de géographie. A chacun de trouver la meilleure façon de bâtir son cours sur un film de 86 minutes.

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