Il n’est pas inutile de les présenter de façon exhaustive car le livret curieusement n’annonce pas la durée des modules ; leur contenu ne correspond pas toujours à leur titre ; et la période de réalisation n’est pas systématiquement référencée, sauf à faire œuvre de recherche et de rapprochements à l’aide de la page 35 du livret, dont les informations apparaissent en caractères si petits qu’ils font penser aux clauses d’un contrat…
Contenu : 22 modules filmiques organisés en 4 parties.
1ère partie : « De l’espoir aux craintes 1918-1939 » (environ 97 minutes)
Cinq films constituent cette partie :
– « De Versailles à Locarno »(11’30’’) présente les relations internationales dans les années 1920 ;
– « La République de Weimar » (9’35’’), une partie du film d’Edouard Bruley (Hitler et l’hitlérisme) réalisé en… 1965 ;
– « L’Amérique de 1920 à 1939 » est composé de deux parties, « Des années folles au New-Deal » (8’15’’) suivi d’un portrait de « Roosevelt » (11’15) ;
– « La crise de 1929 et la France » (10’05’’) aborde en réalité les événements de février 1934 et leurs conséquences
– « La France et le monde de 1936 à 1939 » (13’10’’), plutôt centré sur l’histoire du front populaire que sur les relations extérieures, comme semble l’annoncer le titre…
– un ensemble de 4 films sur « La marche à la guerre » composé de « La conquête de l’Ethiopie » (10’15’’), « La guerre d’Espagne » (9’), « Le Japon conquérant » (8’50’’) et « Du réarmement de l’Allemagne à la guerre » (5’50’’).
2ème partie : « Sociétés en mutation » (environ 43 minutes)
– « Les années folles » (4’40’’ de défilés de mode balnéaire, d’exploits aériens….)
– « La crise de 1929 » est composé de deux modules : « La crise de 1929 et le New-Deal » (5’45’’) qui reprend images n’était pas féconde dans ce domaine, et commentaires de films de la première partie… et qui manque si cruellement de compréhension claire qu’il est utilement complété d’ « Analyses », 16 minutes d’éclaircissements apportés par un historien, Michel Margairaz (professeur d’histoire contemporaine à l’université de Paris 8) et d’un économiste, Pierre-Cyrille Hautcoeur (directeur d’études de l’EHESC).
– « L’Exposition coloniale » (12’), diffusé sur La Cinquième en janvier 2000 dans la collection « Imagerie d’Histoire » de l’émission Galilée
– « Paris au temps du Front populaire » (4’), expédié et partant de l’exposition internationale de 1937
3ème partie : « De la Russie des Tsars à l’URSS de Staline » (environ 52 minutes)
– « La Révolution soviétique » est proposé en 15’50’’ ou sous forme saucissonnée appelées « séquences » : « La première guerre mondiale » (1’05’’) ; « Février 1917 » (3’45’’) ; « Octobre 1917 » (0’55’’ !!) ; « Le communisme de guerre » quasi absent des instructions officielles mais qui bénéficie de 8’15’’ et enfin « La NEP » (2’05’’) qui ne figure pas sur le livret et qui fait effet d’une surprise…
– « L’URSS de Staline » envisagée en 5’30’’
– deux « Portraits » : celui de « Lénine » (19’50’’) proposé en deux séquences « Lénine et la Russie des Tsars » (4’) et « Lénine et la Révolution » (15’50’’) qui rattrape les 55’’ de la « Révolution d’Octobre » ; et celui de « Staline » (10’), le tout provenant d’une réalisation double, en 1995 et en 2009, « réalisés par Hervé Pernot à partir des archives d’Henri Coty » annonce le livret sans autre précision.
4ème partie : « Fascisme et nazisme » (environ 57 minutes)
– « L’Italie fasciste » (14’25’’) est le documentaire réalisé par Edouard Bruley en 1956
– « L’Allemagne nazie », un film proposé en 17’25’’ ou découpé en quatre parties distinctes : « L’Etat nazi » (5’50’’) ; « Les rites nazis » (2’30’’) ; « L’économie » (3’15’’) et « Du réarmement de l’Allemagne à la guerre » (5’50’’). L’ensemble provient du film de Bruley déjà cité, Hitler et l’hitlérisme mais dont le commentaire a été modifié.
– deux « Portraits » : « Mussolini » (12’25’’) qui n’étonnera pas si l’on a déjà visionné « L’Italie fasciste » ci-dessus puisqu’il s’agit d’un remontage des mêmes images et du même commentaire (sic) ; puis le portrait d’ « Hitler, vers le pouvoir » (13’10’’)-
Le livret enfin présenté comme « d’accompagnement pédagogique » ne propose pratiquement aucune piste « pédagogique », aucune analyse des images… Il se contente de ce qu’on peut retrouver dans les manuels scolaires : un point, forcément bref vu le format, sur chaque question abordée par les films ; une chronologie de l’entre-deux-guerres qui court sur 6 pages ; la retranscription in-extenso des interviews de M Margairaz et P.C. Hautcoeur (6 pages) ; des « ressources » regroupées en bibliographie (une quarantaine de titres d’ouvrages universitaires, une dizaine de témoignages et textes contemporains), filmographie (une vingtaine de titres qui mélange œuvres de fiction –contemporaines ou postérieures- et documentaires, sans le préciser), une sitographie impressionnante de 4 adresses très généralistes comme www.revues.org : présenté comme « un site qui met en ligne des centaines d’articles de sciences humaines »)
Analyse : faire du neuf avec du vieux ? Un ensemble peu cohérent, inégal et pas toujours bien exploitable en classe
La présentation du contenu peut impressionner par sa densité : 244 minutes… alors que la présentation du dvd indique une durée de 195 minutes… un différentiel dû aux multiples répétitions et emprunts des documentaires les uns aux autres. Ainsi « la crise de 1929 et le New Deal », de la seconde partie, est un montage repris « Des années folles au New-Deal » et de « Roosevelt » de la première partie. Et cela se répète incessamment dans tout le dvd, ce qui n’en facilite pas l’utilisation en classe, à tout le moins sa préparation par le professeur qui doit faire montre d’une grande vigilance.
Paradoxalement, les documentaires les plus anciens, remontés ou non, réalisés par Edouard Bruley entre 1956 et 1965 sur le fascisme et le nazisme, sont les plus intéressants et les plus pédagogiquement utiles. Ils présentent en effet des archives brutes et traduites bien exploitables et sont structurés thématiquement.
Une rigueur absente des montages les plus récents. Ainsi les films sur les années folles, sur l’Amérique dans les années 1920 : manque de cohérence, absence de structure interne claire, enchainement rapide des faits au son comme à l’image, sans explication, sans lien. Trop souvent le commentaire est verbeux ou pompeusement divinatoire (« Confiance, insouciance, foi dans l’avenir, les peuples veulent croire après la boucherie de 14-18 à l’ère de paix qui s’ouvre à eux mais les réveils seront d’autant plus douloureux que l’espoir aura été fou » vient conclure deux films sur les années folles. Concernant Roosevelt, le commentaire suivant est repris dans trois films : « En 1935 le Congrès approuve la neutralité des Etats-unis. ‘’J’ai vu la guerre. J’ai vu la guerre sur terre et sur mer. J’ai vu les villes détruites. J’ai vu les enfants affamés. J’ai vu la douleur des mères et des épouses. Je hais la guerre ». Que voit-on en même temps à l’image : le Congrès américain, Hitler, un défilé militaire allemand, des images d’un exode, Chamberlain de retour de Munich. Que peut y comprendre et identifier un élève de troisième ??? Si encore un travail sur le montage était suggéré, de façon critique….
Parfois c’est l’organisation et le titrage des documentaires qui peut fausser une utilisation intéressante en classe. Ainsi le Front populaire qu’on croit pouvoir envisager dans le module « Paris au temps du front populaire », expédié en 4’, est relativement vide. Si l’on veut une présentation et une analyse fine il faut se rendre (et donc avoir vu au préalable tout le dvd !) à « La France et le monde de 1936 à 1939 » ! Lequel module est fort intéressant et permet d’identifier en classe l’atmosphère du Front populaire : les défilés de rue (cf Danièle Tartakowski), les chansons, les affiches….
L’absence quasi-totale de suggestions pédagogiques pose aussi problème. Alors que parfois de très belles réalisations ont été faites. Ainsi « l’exposition coloniale » a fait l’objet d’un livret d’accompagnement dans le cadre de sa diffusion sur la Cinquième en 2000 de belle tenue (http://www.cndp.fr/archivage/valid/3383/3383-175-187.pdf) mais absolument pas indiquée dans le livret, ni même inspiré.
Enfin, ce qui pose un ultime problème pour un produit récent à destination quasi-exclusive des enseignants d’aujourd’hui : quid des débats historiographiques récents ? de leur traduction à l’image ? du renouvellement du regard porté sur la période , de l’histoire des arts ? Ainsi le Front populaire : pourquoi ne pas s’être inspiré, tant qu’à compiler à tout va, du très beau et très neuf numéro que la revue TDC lui a consacré en 2004 ? Rien sur l’histoire des arts, comme si la période n’était pas féconde entre le Bauhaus, le surréalisme ou la propagande d’Etat et la propagande militante, particulièrement cinématographique Pas de réflexion sur les sorties de guerre, sur les mémoires de guerre…
Bref, l’ensemble est bien décevant même si la place de ce dvd dans les « labos » ou « cabinets » d’HG peut être utile, au moins pour récupérer sous ce format les vieilles VHS des finalement très bons documentaires d’Edouard Bruley…
Patrick MOUGENET ©