Avec les élections régionales en ligne de mire, la réflexion initiée par Nicolas Sarkozy en 2007 sur le devenir et les définitions du Grand Paris a toute sa place que se soit à l’échelle de l’Ile de France ou nationale. Les enjeux ne sont pas minces. C’en est bien fini des conceptions développées dans le cadre de l’aménagement du territoire dans les années 1960, visant à réduire à tout crin le poids de la région capitale pour permettre le développement harmonieux de chaque espace composant le pays. Pour tenir son rang dans la mondialisation, la France a besoin d’une ville mondiale forte.

Philippe Subra est professeur à l’institut français de géopolitique de Paris VIII. Il est l’auteur de La géopolitique de l’aménagement des territoires en France en 2007. Il livre ici un nouveau volume à la collection initiée par Armand Colin intitulée 25 questions décisives. Ce livre paraît en parallèle avec sa contribution au Numéro 4 d’Hérodote de l’année 2009.

L’idée d’un Grand Paris n’est pas nouvelle. Elle s’inscrit dans la lignée de la création de la conférence métropolitaine par Bertrand Delanoë en 2006, qui lui-même a repris les réflexions menées dans les années 1920 par Albert Thomas et Henri Sellier. La grande exposition consacrée à la question à la Cité du Patrimoine et de l’Architecture, si elle a reçu un nombre important de visiteurs, n’a pas permis de se faire une idée précise de l’avenir de la Région Capitale. Elle a eu le mérite de médiatiser une question d’aménagement du territoire, chose rare en soi. Ce petit livre se propose de faire le point sur la question, de remettre en perspective l’initiative présidentielle, de réfléchir sur la transposition possible ou pas des structures de communautés urbaines présentes par ailleurs. Il veut fournir au lecteur les clés de compréhension : principaux enjeux urbains, économiques, environnementaux et géopolitiques de la question.
Si ce débat est complexe, c’est qu’il sort des cadres administratifs. Le Grand Paris n’est pas le Paris intra-muros, ni la région Ile de France. Il pose la question géographique des limites de l’agglomération parisienne et amène à se demander quel projet (urbanisme, transports, centralité, étalement) convient le mieux à cet espace et comment gouverner cet espace. Car, c’est bien de gouvernance (bonnes pratiques en matière de gouvernement, plus efficaces, sans gaspillage et sans corruption, associant au maximum aux décisions les citoyens et la société civile)qu’il s’agit même si les enjeux de pouvoir sont importants.

Vingt-cinq courts chapitres composent l’ensemble. Formulés de manière interrogative, ils permettent de trouver des réponses rapides et précises à des questions simples. Quand le besoin s’en fait sentir, des encadrés reviennent sur des définitions (communauté urbaine, par exemple). Des cartes (malheureusement, pas toujours lisibles en noir et blanc) jalonnent l’ensemble. Ainsi, l’assemblage de tous ces éléments facilite grandement l’accès au contenu et permettra d’élargir le public potentiel de lecteurs.
La question du Grand Paris est replacée dans un contexte plus large puisque Philippe Subra oppose au « Paris et le désert français » de Jean-François Gravier (1947) l’expression de « Paris, l’avenir de la France » de Guy Burgel, géographe francilien. Il fait par ailleurs mention des travaux de Laurent Davezies sur la diffusion de la richesse parisienne vers le reste du territoire.

La géopolitique « politicienne » du Grand Paris est examinée à merveille par Philippe Subra. Il montre à quel point la carte électorale des espaces est centrale, quelles contradictions existent entre le soutien d’un projet similaire par un élu de gauche (Delanoë) puis repris par la droite (Sarkozy) sans pour autant bénéficier du soutien antérieur. En soutenant l’initiative de Sarkozy, Delanoë donnerait l’impression d’être sur la même ligne : position suspicieuse dans un contexte de recrutement de ministres d’ouverture. Cette méfiance va jusqu’à l’emploi d’une expression différente (Paris – métropole). La création d’un syndicat mixte d’études en avril 2009 est la solution intermédiaire adoptée, à mi-chemin entre la Conférence métropolitaine et la communauté urbaine. La solution n’est pas idéale puisqu’à l’heure actuelle, les adhérents (communes, départements, communautés d’agglomérations…) ne représentent que 6,4 millions d’habitants des 10,1 millions que compte l’agglomération parisienne. Les compétences de cette structure sont limitées et l’adhésion « à la carte » (possibilité pour une commune d’adhérer seulement à un sous-syndicat spécialisé) ne permettra sans doute pas de régler, par exemple, le problème du logement social. Les communes mal dotées n’ont pas intérêt à réfléchir à l’extension du parc social locatif à l’échelle de l’agglomération si cette réflexion doit les amener à construire davantage de logements sociaux indésirables jusque là sur leur territoire communal.

Il apparaît à l’auteur que la solution la plus efficace est celle de la communauté urbaine (à l’adhésion obligatoire pour toutes les communes) épurée du mille-feuille administratif actuel. Idéalement, cette structure englobante doit se mettre en place grâce à des initiatives « venues du bas », au-delà des guéguerres politiciennes. Faute de quoi, la réforme viendra « d’en haut » (cf. le projet de loi sur la réforme des collectivités territoriales, déposé à l’automne 2009, visant à mettre en place un nouveau type de collectivité : les métropoles). Même si cela ne s’apparente pas au choix de la localisation des villes nouvelles fait par Delouvrier et de ses collaborateurs à bord d’un hélicoptère survolant la région parisienne, on n’en est pas si loin. Elus de différents niveaux sauront-ils « prendre au bond la balle » lancée par Nicolas Sarkozy lors de son discours de Roissy en allant au-delà de leur divergence politique ou préfèrent-ils être les victimes d’un « hold up de l’Etat » pour reprendre l’expression de J.M Le Guen, député socialiste de Paris ?

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